La perte d’un membre de la famille ou même d’un ami fait partie des épreuves les plus douloureuses de notre existence. C’est l’une des raisons pour lesquelles Julien Demeocq a décidé de se reconvertir en tant que psychopraticien, spécialisé dans l’accompagnement du deuil. Aujourd’hui, il nous explique l’envers du décor qui se cache derrière ce métier atypique.
Bonjour Julien ! En 2012, après avoir obtenu votre licence en droit privée, vous vous retrouvez à travailler une quinzaine d’années dans les ressources humaines puis trois ans en tant que commercial. Pour finalement en janvier 2020, tout lâcher pour créer votre propre entreprise en tant que psychopraticien en accompagnement du deuil. Pourquoi cette décision ? Pourquoi maintenant ? Expliquez-nous.
Bonjour ! En fait, après toutes ces expériences professionnelles, je cherchais à avoir plus d’impact dans la vie des gens. Parce que grosso modo avant, je faisais des fichiers Excel toute la journée et je ne voyais pas trop le sens que je pouvais donner à tout ça. Donc j’ai décidé de partir vers d’autres horizons. Aujourd’hui, mon activité se décompose en deux parties : psychopraticien en accompagnent du deuil et fleurissement / nettoyage de tombes. J’ai commencé d’abord le nettoyage dans les cimetières, puis c’est à force d’être confronté à des endeuillés que je me suis dis qu’il y avait quelque chose à faire sur ce sujet encore très tabou. Je souhaitais les aider dans ce sens, c’était un retour que je voulais leur faire.
Mais cette décision est survenue comme ça ? Du jour au lendemain ?
En fait un matin, je me suis levé et je me suis dit « Pourquoi pas ? ». Pourquoi pas s’intéresser au deuil, aux endeuillés, les aider sur leurs chemins, sur leurs parcours difficiles. Parce que le deuil, c’est un moment de solitude un peu extrême ! On est entouré au départ lors des funérailles, des obsèques etc. Mais après la famille commence à partir très rapidement puis souvent au bout d’un mois, les endeuillés se retrouvent seuls face à leur souffrance… Et c’est là où j’interviens. Je n’interviens pas tout de suite au moment du décès mais quelques mois après, quelques semaines après, pour pouvoir les accompagner durant ce moment de solitude où ils se disent « Bon maintenant, qu’est-ce je fais ? ».
Vous devez travailler dans une ambiance assez particulière… Par quelles étapes passez-vous ? Comment ça se déroule en général ?
On n’a pas forcément de méthode magique parce qu’on est dans « l’humain ». Mais la première chose, c’est d’écouter l’histoire des personnes qui viennent me voir. Chaque histoire est particulière et leur ressenti face au deuil est toujours différent. Parce qu’aucun deuil ne ressemble pas à un autre ! On a chacun nos filtres, notre culture, notre vécu, notre expérience et nos propres ressources psychologiques. Donc la première chose, c’est de voir comment ils se sentent aussi bien mentalement que physiquement. Et suite à cette première écoute, je vais rechercher les points essentiels à travailler.
À quel moment vous déterminez que la personne a fait officiellement son deuil ?
Ça, c’est la personne qui va en décider. Il arrive bien souvent que les gens viennent me voir une fois, deux fois puis ne reviennent plus. À ce moment là, ce n’est pas à moi de venir m’imposer même si de temps en temps je prends des nouvelles. Après, la seule chose sur laquelle je suis attentif, c’est si la personne raconte toujours son histoire de la même manière, si elle reste bloquée sur certains détails, si elle est coincée dans une culpabilité où l’on arrive pas à avancer dessus. Dans ce cas, il se pourrait qu’elle soit impactée pathologiquement dans son processus de deuil. À ce moment là, je l’oriente plutôt vers de la médecine. Soit des psychiatres, soit des psychologues.
Vous fréquentez la mort au quotidien, mais est-ce que votre vision personnelle de la mort a changé depuis que vous exercez ce métier ?
J’ai une vision assez particulière parce que pour moi, la mort fait partie de la vie. La vie est excitante, palpitante et exaltante parce que la mort existe. À mon sens, on ne peut vivre que grâce à son existence. Sinon, je dirais que je suis plus compatissant. Car même si l’on croit se mettre à la place de la personne, même si l’on a vécu des choses similaires, chaque deuil est propre à chacun. Et ça, je l’ai bien compris.
Propos recueillis par Théo Videcoq