Stupeur en ce soir de décembre devant le Grand théâtre de Bordeaux. Malgré la grève des différents services, une partie de l’équipe d’accueil garantie tant bien que mal le déroulement de la première qui se fera sans lumière ni décors.
Un préavis de grève lançant un mouvement social pour le mois de décembre
Mardi 10 décembre, soir de première pour le traditionnel ballet de Noël de l’Opéra National de Bordeaux. Spectacle phare dans la programmation culturelle de l’institution publique, qui adapte cette année l’œuvre de Cendrillon. Une première qui se voit chamboulée par le mouvement social des différents corps de métiers de l’opéra ( techniciens, machinistes, décorateurs, équipe d’accueil…) qui se sont coordonnés pour faire entendre leurs revendications à la suite de l’échec du dialogue social du lundi 9 décembre avec la direction. Début d’un rapport de force annonçant un mois de décembre délicat pour l’institution.
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La précarisation et l’intermittence utilisées avec « de nombreux abus«
Au centre de ce malaise, plusieurs revendications se croisent portant toutes le même constat ; lutter contre la précarisation comme l’affirme Jean Pascal Introvigne, délégué syndical. « Nous avons déposé un préavis de grève qui commence le 10 jusqu’au 31 décembre, sur l’ensemble des représentations du ballet de Cendrillon. C’est essentiellement pour lutter contre la précarité de l’emploi à tous les niveaux à l’opéra de Bordeaux ». Au sein de l’institution, 83% du personnel est contractuel pour 17% de fonctionnaire. Dans les 83%, 20% sont des vacataires. Il est donc plus que difficile d’imaginer une sûreté de l’emploi ainsi qu’une sécurité d’un salaire qui varie d’un mois sur l’autre.
Une incohérence au sein de cette institution publique
Jean Pascal Introvigne souligne l’incohérence et l’inégalité de la structure qui doit répondre au droit public. « Il y a aussi en plus de tout ça , de nombreux intermittents avec des contrats zéro heure. Ils ne savent pas combien ils vont gagner ni leur nombre d’heure. Il n’y a aucune heure supplémentaire payée, des semaines de 48 heures sans aucune heure supplémentaire majorée pour la plupart des services tels que les machinaux, l’administration, les artistes ainsi que la technique. Ils sont dans l’illégalité. Cela ne peut pas être pour un emploi permanent, ce qui est le cas ici. Par exemple, l’équipe d’accueil de l’Opéra National de Bordeaux, ce sont des gens qui occupent un emploi permanent qui n’est pas à temps plein, mais l’opéra ne peut pas ouvrir sans eux… Certains travaillent même à plus de 80% depuis plusieurs années pour l’opéra en tant que vacataire. Ce statut est clairement défini dans la fonction publique et là, ils ne respectent absolument pas les règles ».
Un cri d’alarme qui dure depuis plusieurs années
Ces problèmes sont dénoncés depuis longtemps par les différentes professions qui se heurtent à un dialogue social au point mort. Les syndicats dénoncent le gel salarial depuis 20 ans, alors que la loi prévoit une réévaluation tous les trois ans. Pour preuve, l’Opéra National de Bordeaux est sous les coups de cinq voir six procédures pénales et administratives. Le disfonctionnement ne s’arrête pas là pour le syndicaliste, les temps de repos non respectés conduisent à une augmentation du nombre d’accident de travail. « Des promesses et rien ne se passe. Les salaires ne bougent pas, alors que normalement tous les trois ans il doit y avoir une réévaluation. D’ailleurs, on est au tribunal administratif sur ce problème-là depuis un an. Ils attendent d’être sanctionné au tribunal, mais le rapport de force est biaisé entre précaires et direction », termine Jean Pascal Introvigne.
Cendrillon, le ballet de Noël de l’Opéra National de Bordeaux, résonne ironiquement avec la crise qui secoue l’institution.
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