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Georgio, un album entre le spleen et l’idéal

Il y a quelques mois, Georgio lançait une campagne de crowfunding, qui a été un succès, puisqu’il a récolté à cette occasion 50 000 euros. Le rappeur, que l’on avait rencontré lors de la sortie de l’EP A l’abri, nous livre aujourd’hui son premier album, réalisé grâce à cette campagne et intitulé Bleu Noir.

Un album à contre-courant

De plus en plus d’artistes dans le rap français actuellement ont la volonté de toucher le public le plus large possible, et font ainsi des musiques plus accessibles pour un public non initié au rap.

Ce public ne se retrouvera sans doute pas dans la majorité de cet album de Georgio. En effet, le rappeur du 18ème arrondissement de Paris livre un album pas forcément facile d’accès, et qui nécessite plusieurs écoutes pour être apprécié à sa juste valeur, tant l’atmosphère générale de cet album est pesante, voire parfois suffocante.

Un album aux thèmes variés

Georgio est connu depuis plusieurs années pour sa plume unique, et également pour la noirceur de ces textes. La tristesse était le thème prédominant dans son premier EP, Soleil d’Hiver, tandis que la couleur de son deuxième EP A l’abri était très mélancolique.

Cet album est une alternance entre morceaux tristes et morceaux plus optimistes, entre haine et amour, et, si l’on extrapole, peut être entre le bleu et le noir.

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Un début d’album fataliste

Dans un premier temps, sur les quatre premiers morceaux, le rappeur oscille encore majoritairement entre tristesse et mélancolie. Georgio parle de lui, de ses pensées, et livre son constat sur la société actuelle, et notamment la jeunesse qu’il côtoie quotidiennement. Un constat qui semble assez fataliste, et dont les moments d’évasion ne semblent que superficiels, comme le montre le refrain du morceau introductif de l’album, Jeudi Gris.

« Ni l’alcool, ni les drogues masqueront mon ciel noir
Mon sourire bâtard, mon envie du néant
S’étend sur mes jeudis gris, qui crie sans espoir
Il n’y a plus de voix, que des bruits, plus de moi »

Au travers des textes de ces premiers morceaux qui défilent, on a la sensation que Georgio décrit une situation d’échec irrémédiable, tant sur sa situation personnelle que sur la situation des gens qu’il croise dans son quartier.

Un album également porteur d’espoir

Néanmoins, on découvre sur cet album, dans une deuxième phase, Georgio sur des thèmes qu’il n’avait jusqu’alors que rarement exploités : l’espoir et l’abnégation, comme le montre le refrain du morceau Rêveur, écrit pour son frère Anatole.

« Et si tu tombes, tombes, tombes
N’aie pas peur de te relever
Ouvre tes paupières, inévitables
Les rêves sont faits pour être réalisés« 

Les morceaux Héros et Appel à la révolte montrent aussi l’abnégation de Georgio à sortir de la routine quotidienne.

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Ces trois morceaux, intervenant au milieu de l’album, permettent à l’auditeur de reprendre sa respiration, après l’ambiance suffocante des premiers morceaux, et Georgio y montre qu’il est à l’aise également sur des refrains chantés. Ce n’est sûrement pas un hasard si ce sont ces morceaux qui ont été publiés avant la sortie de l’album.

Georgio très à l’aise avec le story-telling

L’ambiance  suffocante va reprendre à la huitième piste de l’album, avec un morceau sortant de l’ordinaire. Comme il l’avait montré sur l’EP A l’abri avec le morceau Le Gardien, Georgio maîtrise parfaitement l’art du story-telling. Le morceau Malik en est une nouvelle fois la preuve. Un morceau lourd de sens, montrant que la vie peut basculer en un instant, suite à une succession de mauvais choix. Un morceau à écouter absolument, et dont les quelques phases ci-dessous ne retransmettent qu’une infime partie de l’extraordinaire intensité.

« Conduire sans permis quelle sensation
Il avait l’impression d’être libre, d’emmerder l’monde
Faisait gronder le moteur pour plaire aux filles
Fallait ramener la caisse
Suivi par les flics, il commence à flipper
Il loupe un stop… puis écrase un gosse devant le centre aéré »

Le récit d’une jeunesse tumultueuse

Après ce morceau un peu inclassable, retour à une atmosphère plus pesante, sur les trois morceaux suivants. Georgio nous y raconte sa jeunesse difficile, dans le morceau éponyme Bleu Noir, mais également l’insécurité dans son quartier du XVIIIème, en s’appuyant notamment sur l’assassinat de Makomé M’Bowolé, avec le morceau 6 avril 1993. Ce morceau est l’un des deux seuls featurings de l’album, avec le rappeur Sanka.

                            Georgio et Sanka sur la scène du Divan du Monde

Le morceau Faut tenir, où Georgio évoque notamment les insomnies,  et son amour pour la solitude, clôt ce triptyque. Une nouvelle fois l’écriture est soignée, et Georgio arrive à nous captiver :

« Un sourire comme première barrière
Au fond j’suis plus complexe qu’une poupée russe
J’ai plus envie d’manger, ni de m’bourrer la gueule
Rien à foutre d’avouer qu’j’suis dépressif et assumer le côté rappeur« 

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Georgio sur la scène du Divan du Monde

Le thème de l’amour comme apothéose

On parle souvent de fin en apothéose, de bouquet final. Ces termes s’appliquent bien aux trois derniers morceaux de cet album, où il est question de l’amour.
L’amour sous différentes formes, et pour commencer la rupture amoureuse, sur le titre Rose Noire, où l’on retrouve le deuxième featuring de l’album, avec la chanteuse Elisa JO.
L’amour ensuite, que l’on porte aux membres de se famille. Georgio consacre ainsi tout un morceau La Celle Saint Cloud, à sa grand-mère. Un morceau auquel il est difficile de rester insensible, comme tend à le prouver le passage suivant :

« T’as vu à quel point on se ressemble même quand on parle de musique
Tu comprends le rap donc les ados qui veulent en vivre
J’aime trop ta sensibilité, quand tu parles des autres
Tes mots sonnent juste, dans ta bouche y’a rarement de fautes« 

Enfin, impossible de terminer cette chronique sans parler du dernier morceau de l’album Des mots durs sur des bouts de papiers, une lettre adressée à sa copine Salomé. Un morceau dans lequel l’intensité atteint son apogée, dans lequel Georgio se confie sans filtre et qui est sans doute le plus beau titre de l’album.

Dernier point sur lequel il convient de s’arrêter concernant cet album: dans de nombreux morceaux, l’instrumentale continue pendant de longues secondes une fois que Georgio arrête de rapper. Pour laisser l’auditeur méditer un moment sur ce qu’il vient d’entendre.  Pour lui laisser un moment de respiration également, à n’en pas douter.

Un album intimiste

Malgré ses 21 ans, Georgio fait preuve d’une maturité exceptionnelle. Il arrive à nous transporter dans son univers, tout au long de cet album. Georgio parle de lui, de manière sincère, et c’est sans aucun doute pour cette raison qu’il parvient à nous toucher autant, à nous donner des frissons parfois, à nous donner des motifs d’espoir à d’autres moments. Georgio ne se contente pas d’aligner des rimes, on sent l’existence d’une vraie démarche derrière, qui le rapproche parfois du genre poétique, notamment des poètes romantiques.

Et si le noir n’était pas la couleur du spleen et le bleu la couleur de l’idéal?

Vous pouvez commander Bleu Noir sur iTunes, et sur le site de la Fnac.

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