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Google : ce géant qui veut sauver le monde… à ses dépens

C’est un empire américain de l’Internet qui s’est introduit, petit à petit, dans notre quotidien, jusqu’à devenir omniprésent. Allant bien au-delà de ses frontières informatiques initiales. Car l’objectif affiché par Larry Page, son fondateur, est clair : améliorer l’humanité. Avec ou sans son consentement.

Google, c’est 2,5 milliards d’utilisateurs sur son moteur de recherche (soit 70% de la population mondiale). C’est également un groupe qui détient deux tiers du marché mondial de la publicité en ligne. Et a dégagé, en 2013, un chiffre d’affaires de 60 milliards de dollars (42 milliards d’euros), en croissance de 19% par rapport à l’année précédente. Enfin, son système d’exploitation Android domine le marché du smartphone. Bref, Google c’est un mastodonte qui pourrait bien amorcer un tournant décisif dans l’Histoire de l’Humanité. Car la domination du monde passe aujourd’hui par la maîtrise des nouvelles technologies et non plus par la conquête territoriale. Mais les résultats sont toujours les mêmes : c’est la société qui, bon gré mal gré, finit par en faire les frais.

La recherche comme religion

Inventer la voiture autonome de demain. Connecter l’Afrique toute entière au réseau Internet grâce à des ballons flottant dans le ciel tels d’impassibles méduses –un projet qui porte bien son nom : Loon (qui signifie « dingue » en anglais). Augmenter la réalité avec des Google Glass. Débourser 3,2 milliards pour un thermostat de dernière génération… Google a depuis longtemps dépassé le stade du moteur de recherche et s’est attaqué à révolutionner le monde dans le moindre de ses domaines. Et quand Google ne peut pas développer lui-même un concept, il l’achète, brevets et entreprises compris. Ainsi, 13% de son chiffre d’affaires sont réinvestis dans le développement et la recherche… ce qui a ainsi permis à Google d’acquérir, depuis 2004, quelques 129 entreprises dont Nest, la société du concepteur de l’iPod ; ou encore les entreprises britanniques Deep Mind Technologies (spécialisée dans l’intelligence artificielle), Rangespan (une star-up focalisée sur le big data) et la compagnie israélienne SlickLogin (leader dans l’authentification sonore garantissant la cyber-sécurité des sites Internet).

Larry page, fondateur de Google, et son invention : les GoogleGlass.

Larry Page, fondateur de Google, et son invention : les GoogleGlass.

Mais Google est avant tout un vivier de découvertes improbables, voire inimaginables pour la plupart des cerveaux « normaux ». Une machine à voyage dans le temps à venir, couplée à une bonne dose de folie des grandeurs : bienvenue dans Google X, le laboratoire futuriste du groupe. C’est ici que sont nés des projets insensés comme Moonshot (« tir sur la Lune », oui oui, vous avez bien lu), Ara (soit le développement d’un téléphone portable modulable et personnalisable), Google Brain (des ordinateurs pouvant imiter le cerveau humain) ou la construction de logements grâce à des imprimantes 3D. Dernière avancée en date : des lentilles de contact permettant de mesurer le taux de glycémie, ce qui faciliterait la vie de bien des diabétiques. Une innovation qui aurait plutôt dû émaner d’un groupe pharmaceutique et non d’un géant de l’informatique !

En somme, tous ces projets et ces expériences inédites ont une seules et même visée : améliorer la vie des Hommes, dans leur vie quotidienne comme professionnelle, et ce avec des machines intelligentes. Car ce qui fait le plus peur à Larry et ses associés, c’est bien de louper la prochaine tendance. Bruno Bonnell, président de Robopolis, le confirme : « là-bas, la technologie et la science sont comme une religion et, quand vous discutez avec des responsables de Google, ils ne parlent ni d’impôts ni de retours sur investissements, mais plutôt de drones qu’ils veulent utiliser pour ouvrir l’internet haut débit à l’ensemble de la planète ». Une course en avant alimentée par une réelle paranoïa, comme s’ils craignaient de voir émerger d’un garage de nouveaux petits génies capable de les supplanter, comme les fondateurs de Google l’ont fait en leur temps avec Microsoft ou Yahoo !. La concurrence, c’est l’ennemie. Et Google c’est un peu le pays des rêves et d’un futur idyllique en apparence. Mais au fond ce n’est que du business, man !

Google : ce géant qui veut sauver le monde… à ses dépens

Google : des ambitions démesurées…

Comme tant d’autres sociétés de la Silicon Valley, Google est animé par l’idée de rendre ce monde meilleur grâce au progrès. Toutefois, certains investisseurs de Google craignent que le groupe ne dilapide ses milliards de bénéfices en utopies technologiques folles. Sebastian Thurn, à l’origine du laboratoire Google X, le reconnaît : « l’objectif [de Google] est tellement grand que l’argent qu’il faudra dépenser pour y parvenir est sans importance ». D’ailleurs, Larry Page, PDG et fondateur de Google, savant fou et visionnaire de 40 ans qui a été scolarisé à l’école Montessori, ne se soucie guère de l’aspect financier. Il l’assume sans complexe : il voit et pense grand. Son mantra : « dix fois plus ». Son modèle : Nikola Tesla (inventeur serbe avec 700 brevets à son actif). Il n’a pas peur non plus de risquer sa fortune, contrairement aux autres magnats du secteur. En effet, il est convaincu que les entreprises qui ne font pas de paris sont vouées, à terme, à disparaitre. Désireux de marquer l’Histoire, toutes ses phrases sont donc ponctuées d’expressions comme « humanité », « à l’échelle planétaire » ou « milliards d’utilisateurs ». Des aspirations grandioses et téméraires, flirtant légèrement avec la mégalomanie, qui ont néanmoins fini par payer puisque Google a dépassé Apple à la tête du classement BrandZ Top 100 2014, établi par le cabinet américain Millward Brown. Et si Google est considérée comme la marque la plus puissante du monde « c’est parce qu’elle a su miser sur l’inventivité », expliquait Peter Walshe, directeur de Millward Brown.

Toute la puissance de Google résumée en une infographie.

Toute la puissance de Google résumée en une infographie.

Faire comme les autres et se contenter de prétentions lilliputiennes : sans façon, merci ! Larry Page le dit lui-même : « Il y a quelque chose de complétement absurde dans la façon dont les entreprises sont dirigées. Elles se limitent à faire ce qu’elles ont toujours fait ». Une idéologie conformiste qui n’est pas du tout celle du groupe : chez Google, c’est même ce que l’on cherche précisément à éviter. Outre l’originalité du Googleplex –sorte de royaume googlesque dissimulé dans la baie de San Francisco, aux allures de havre de paix utopiste où flotte l’odeur de l’air marin, des fleurs et de la marijuana et au sein duquel les Googlers se déplacent à vélo– le groupe s’emploie à cultiver sa politique du contre-courant en recrutant des généralistes au lieu de spécialistes « qui résoudraient les problèmes comme ils ont l’habitude de le faire, sans chercher une nouvelle approche », comme l’explique le DRH Laszlo Bock. Dans un entretien au Courrier International, celui-ci avouait recevoir chaque année près de 2 millions de candidatures, lui qui doit déjà gérer 50 000 employés Google à travers 40 pays. Des salariés loin des stéréotypes du nerds asocial, mais régulièrement fliqués puisqu’une unité de recherche interne, composée de sociologues et de psychologues, est censée dresser tous les six mois leur profil. Une façon d’évaluer leur degré de rentabilité et surtout de créativité. Car Larry a un but bien précis : bousculer les codes et nos vies de manière positive. Même si cela peut avoir des retombées négatives.

… et des desseins orwelliens

Omniprésent, Google ressemble à une pieuvre tentaculaire donc les appendices s’immisceraient dans nos chaumières. Et cela fait peur. La preuve : les théories du complot selon lesquelles Google serait en train de constituer une armée de robots afin de réduire l’humanité en esclavage germent sur internet. Et bien qu’à l’heure actuelle Google semble au contraire en passe de perfectionner nos capacités grâce à la robotique, difficile de ne pas être parcourus de frissons devant l’ampleur éthique de certains de ses projets. Notamment Calico, programme dont tout l’intérêt réside dans la trouvaille de la jeunesse éternelle par le biais de la biotechnologie. La quête du Graal, la poursuite d’un dessein qui n’a plus rien d’humain. Et le fait que Larry Page, homme discret, n’en dise pas plus à ce sujet dans les médias n’a pas de quoi rassurer.

Qui plus est, l’arrivée de Raymond Kurzweil au sein de Google a nourrit les craintes de ceux qui voient en Google la fin de l’humanité telle qu’on la connaît. En effet, Raymond Kurzweil est renommé pour être le pape du transhumanisme, l’auteur du best-seller Humanité 2.0 et celui qui prône l’avènement de l’intelligence artificielle sur les capacités intellectuelles humaines aux alentours de 2045. Alors ce « Monsieur futur » aux intuitions farfelues serait-il en avance sur son temps ? Ou bien un illuminé aux prémonitions extravagantes ? Quoi qu’il en soit sa venue suscite les interrogations et met en perspective un caractère particulier de Google : sa propension à nous plonger dans les pires films de science-fiction.

Google : ce géant qui veut sauver le monde… à ses dépens

Selon Raymond Kurzweil, d’ici 2045, les robots seront plus intelligents que les humains.

Controverses et ripostes

Car Google, à force de jouer les Big Brother avec le monde et ses données personnelles, a la milice de la morale au train. Le 13 mai, la Cour européenne de justice a donc intimé à l’entreprise de permettre aux utilisateurs qui le souhaitaient de ne plus voir apparaître certains contenus leur portant préjudice lorsque leur nom est tapé dans la barre d’outil du moteur de recherche. Un « droit à l’oubli » que 70 000 internautes ont depuis revendiqué. Ce qui équivaut à près de 250 000 pages Web à supprimer. Parmi lesquels de nombreux articles de presses, ce qui a déclenché une énième polémique portant sur la censure des médias. Chose que Larry Page avait pourtant prédit dans une interview accordée au Financial Times : « cela peut encourager certains gouvernements totalitaires à faire de mauvaises choses ». Car modifier le contenu d’Internet n’est-ce pas, quelque part, réécrire l’Histoire ? Sans doute. Alors, afin de prouver sa totale bonne foi, la société basée à Moutain View a également mis en place un comité d’éthique pour arbitrer ces questions déontologiques plus que périlleuses.

Mais trop tard, la révolte contre Google s’organise, notamment au sein des acteurs européens du numérique. Ainsi, le 15 mai dernier, l’Open Internet Project (OPI) a soutenu 400 éditeurs web qui avaient porté plainte contre le géant américain pour abus de position dominante. De même, quelques semaines auparavant, Mathias Döpfner, le PDG du groupe de presse allemand Axel Springer, dénonçait les pratiques anticoncurrentielles de Google, comme un meilleur référencement de ses propres entités par exemple. Ou des changements de paramètres intervenant sans préavis, et dont eBay a, entre autres, été victime. Bref, Google « vampirise la clientèle ». Toutefois, il y a peu de chances que cette poignée d’entrepreneurs parvienne à faire s’écrouler un empire comme Google, qui, en plus, a des ramifications jusqu’à la Maison-Blanche. En effet, Eric Schmidt, président exécutif de la société, y a ses entrées. On lui a même proposé un poste au sein du cabinet d’Obama, afin qu’il s’occupe du commerce. Sans oublier que 90% des dons de campagne versés par les employés de Google (800 000 dollars tout de même !), en 2012, sont allés au candidat démocrate. Bref, Google pèse et son influence sur le monde est tel qu’un séisme se déclenche à la moindre de ses actions (et pas seulement en Bourse).

Googleplex : un lieu enchanteur où l'avenir du monde se décide autour d'un latte...

Googleplex : un lieu enchanteur où l’avenir du monde se décide autour d’un Latte…

A ceux qui s’inquiètent donc de savoir si l’ultime objectif de Google est de créer l’Homme de demain, Bruno Bonnell répond qu’il ne faut pas s’alarmer car « il ne faut pas oublier que son cœur de métier reste l’Internet. Par toutes ses actions, l’entreprise réfléchit donc simplement aux nouveaux moyens de toucher encore davantage de consommateurs ». Zéro philanthropie, que du business on vous dit !

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