Après la reprise de la Formule 1 le week-end dernier à Bahreïn, c’est au tour de l’IndyCar d’entrer en piste avec le traditionnel Grand Prix de St.Petersburg (Floride) qui ouvrira la saison 2024 de la catégorie américaine, et Romain Grosjean (Juncos Hollinger Racing) en tant qu’unique pilote français cette année. Il nous a accordé un entretien avant la reprise.
On prend les même et on recommence, à quelques exceptions près. L’IndyCar reprendra ses droits ce week-end dans les rues floridiennes de St-Petersburg pour une nouvelle saison, après six mois d’intersaison qui ont suivi le second sacre de Alex Palou en tant que champion d’IndyCar l’an passé. Le pilote espagnol de la team Chip Ganassi remettra son titre en jeu face à 26 autres pilotes prêts à en découdre, dans une année où le championnat de monoplaces américain va connaitre du changement, avec notamment l’introduction du moteur hybride en cours de saison.
Ce moteur V6 2,2l hybride a été testé tout au long de l’année 2023 par quatre équipes qui auront un avantage considérable sur les teams qui n’ont pas encore eu la chance de rouler avec. Il sera intéressant de voir l’impact qu’apportera ce changement conséquent.
Le calendrier change un petit peu de son côté également : l’IndyCar retrouve l’ovale de Milwaukee Mile, disparu depuis 2016. Le Texas Motor Speedway renonce à organiser son Grand Prix annuel à la suite d’un conflit avec la diffusion des JO de Paris 2024 à la télé américaine, tant dis que Nashville, dernière épreuve de la saison, est impactée par des travaux d’un nouveau stade de NFL en ville et doit délocaliser sa course dans le Nashville Superspeedway. Indianapolis donne rendez-vous à ses fans le 26 mai prochain pour la fameuse course des 500 Miles.
Pour la première fois depuis plus d’une décennie, quatre des cinq dernières courses de la saison seront sur piste ovale, ce qui promet une fin de championnat excitante comme souvent dans la catégorie !
Chez les pilotes, on retrouvera nos habitués comme Will Power (Penske), Pato O’Ward (Mclaren Arrow), Scott Dixon (Chip Ganassi) ou encore Josef Newgarden (Penske), dernier vainqueur des 500 Miles d’Indianapolis, mais quelques changements s’imposent aussi. Chez Meyer Shank Racing, le départ prématuré de Simon Pagenaud et le changement de statut de Hélio Castroneves laissent place à Felix Rosenqvist et Tom Blomsqvist, alors que Marcus Ericsson rejoindra Andretti et reprend la voiture n°28 de Romain Grosjean. La team Chip Ganassi quant à elle engagera cinq voitures avec l’arrivée de Kylinn Simpson qui fera parti des six rookies de la saison, en compagnie de Bloomqvist, Linus Lundqvist (Chip Ganassi), Christian Rasmussen (Ed Carpenter Racing), Colin Braun et Nolan Siegel (Dale Coyne Racing).
Grosjean, seul français à bord
En convalescence depuis son accident impressionnant pendant les essais libres de Mid-Ohio l’été dernier, Simon Pagenaud, champion 2016 et vainqueur des 500 Miles en 2019, n’est pas autorisé à reprendre la compétition et a quitté Meyer Shank Racing pour se concentrer sur sa rééducation, ce qui laisse Romain Grosjean comme unique pilote français au volant d’une IndyCar cette année.
Après une saison 2023 frustrante avec 2 pôles et 2 podiums mais seulement cinq arrivées dans le top 10 dans la team Andretti, l’ex pilote-F1 de 37 ans a trouvé un volant en fin d’année dernière avec la jeune équipe Juncos Hollinger Racing. Avec très peu d’expérience dans la compétition, elle compte sur le vétéran qui pilotera aux côtés de l’Argentin Agustin Canapino. Un véritable challenge qui va être à venir dans une saison particulière, où la patience sera de mise.
Interview avec Romain Grosjean
Le nouveau pilote de Juncos a répondu à nos questions en février dernier.
Salut Romain ! Comment tu vas ?
Ca va, un peu fatigué. J’étais à Sebring pour des tests avec Lamborghini, sinon je suis toujours à fond.
C’est niquel. Pour commencer cette interview, on va revenir sur ta saison 2023 avec Andretti : Tu as eu un super début de saison, et super bien placé au championnat jusqu’à Indianapolis où tu as enchainé les problèmes par la suite. Tu as du sentir de la frustration, parce que ce n’est pas là où tu devais être à la fin.
La saison commence super bien, puis après il y’a eu Indianapolis et malheureusement ou heureusement, en IndyCar, une fois qu’on l’a attaqué on part sur une dizaine de course d’affilée sans repos : Si on crée une spirale positive tout va bien, si on rentre dans une spirale un peu plus négative c’est très compliqué d’en sortir. C’est vrai qu’on a eu pas mal de soucis techniques, j’ai fait quelques petites erreurs, on a essayé de rattraper le temps perdu. On n’a pas été là où on voulait au championnat, puis en fin d’année on a eu un peu de malchance et la stratégie ne pas va dans notre sens puis on ne se retrouve pas là où doit être. On peut encore viser le top 10 à deux courses de la fin.
C’est sur que ce n’était pas ce qu’on voulait mais on s’était dit qu’on va essayer de le faire, à Portland je tape dans une voiture qui sort devant moi et je ne la vois pas, puis à Laguna Seca on est en tête de la course mais on rate la stratégie et je ne sais même plus où est-ce qu’on se retrouve. C’est un peu dommage.
Justement, les problèmes de stratégie ont aussi un peu ruiné tes efforts parce qu’il y’a des courses où tu pouvais viser le top 5, un podium ou même la victoire comme à Laguna Seca où tu n’étais pas loin.
Je pense qu’il y’a des courses où c’est sur qu’on est partis sur des coups de stratégie qui n’ont pas fonctionné, mais ça arrive. De toute façon, il faut être performant un maximum pour que les stratégies ne nous fassent pas trop mal et qu’on soit là pour prendre les bonnes. Je pense que c’est là dessus où il y’a deux courses qu’on doit au moins gagner et on ne le fait pas.
Tu as tout de même fini la saison avec un volant, puisque tu as signé chez Juncos Hollinger Racing. Comment s’est passée l’intégration avec la team ?
Elle s’est très bien passée. Je pense que c’est une équipe jeune qui a envie d’apprendre et de progresser et qui a une position honnête sur où ils sont aujourd’hui. Honnêtement j’ai été très bien accueilli. J’ai été agréablement surpris par des éléments qu’ils font en interne et il y’en a d’autres où je sais qu’il va falloir qu’on travaille et qu’on développe. Après on a eu la chance de faire un jour et demi de tests ensemble au Miami Homestead fin janvier.
Ce n’est pas une piste qu’on va rencontrer durant l’année et qui n’est très représentative, mais elle nous a permis de travailler ensemble, de se découvrir et d’avoir un premier feedback. On a une journée d’essais fin février à Sebring, juste une semaine avant St-Petersburg. Ca va être une journée assez importante pour préparer St-Pete et voir comment on peut arriver au mieux pour la première course de la saison.
Est-ce que vous avez pu collecter quelques datas qui peuvent fixer des premiers objectifs avec l’équipe ?
Non, pour le moment je pense que ca va être vraiment histoire de voir où on en est. Les top 10 ca va être un peu notre goal au début, en faire un maximum. Et pourquoi pas viser le top 5 si on y arrive puis mieux à plus long terme, mais aujourd’hui on est dans une situation où c’est difficile de vraiment savoir où on en est. En plus, on a une saison à deux vitesses avec l’introduction de l’hybride au milieu de saison, ca va être quelque chose qui va être assez compliqué je pense.
Comment tu sens l’arrivée du moteur hybride ? Il y’a de l’inquiétude ?
Il y’a un peu d’inquiétude. C’est sur que la fiabilité n’a pas toujours été au rendez-vous mais ça semble aller dans la bonne direction. Maintenant c’est une technologie assez difficile, on sait qu’il y’a quatre équipes qui ont un avantage énorme sur les autres parce qu’elles ont beaucoup roulé avec l’hybride. Elles peuvent nous dire ce qu’elles veulent sur le fait qu’elles n’avaient pas réglé leurs voitures, mais elles ont collecté tellement de données qu’elles ont un avantage monstrueux. J’espère que les autres équipes auront l’occasion d’apprendre aussi et d’avoir quelques informations là-dessus. Maintenant on va faire avec les moyens du bord.
C’est vrai que c’est une technologie intéressante, je ne sais pas si c’est la meilleure pour l’IndyCar mais aujourd’hui c’est ce qu’on va voir et on fera du mieux qu’on peut.
Une dernière question sur Juncos : on sait que c’est une équipe jeune, est-ce que c’est un challenge qui t’intéresse à fond ?
Je ne le ferais pas si cela ne m’intéressait pas, mais j’ai la chance d’être à un niveau de ma carrière où je fais les choses parce que je suis passionné. J’ai envie de voir ce qu’on peut faire ensemble, j’aime beaucoup la mentalité et l’approche de Ricardo Juncos, la façon dont il tient son équipe, c’est vraiment quelque chose qu’il a crée de zéro. Je suis assez motivé et assez content de voir ce qu’on est capable de faire.
On va basculer sur l’Endurance, parce que tu fais six courses cette année. Tu n’as pas pu finir les 24 Heures de Daytona, mais comment s’est passée cette expérience ?
Mieux que l’année dernière, pas au niveau du résultat parce qu’on n’a pas pu finir la course, mais c’était un pas en avant en terme de conduite et de compréhension de la GT3 et j’étais content avec mes performances à Daytona. Maintenant c’est vrai qu’on a eu pas mal de problèmes sur la voiture. C’était une course en dehors du programme LMDh que Lamborginhi va mettre en avant cette année, là on revient de trois jours à Sebring. Ce n’est pas facile comme piste, on a un peu souffert, mais on n’a pas mal de donnés sur la préparation de nos débuts là-bas.
Comment tu les sens ces 12 Heures de Sebring justement ?
Ca va être un challenge en terme de fiabilité, d’organisation et de performance parce qu’on n’est pas encore là où on voudrait être. Le projet de Lamborginhi est récent. Je pense que ca va être une grosse »séance d’essais grandeur nature » je dirais : tout ce qui est positif on le prendra, mais on peut aussi avoir un week-end pas super limpide.
En plus tu as une voiture différente de Daytona.
C’est le Protoype, c’est compliqué. C’est une voiture hybride donc pas mal de complications derrière. Ce qui est beau en LMDh, c’est qu’on peut écrire tous nos logiciels donc on peut faire énormément de choses avec tous les systèmes présents dans la voiture, c’est assez fantastique. Mais c’est très facile de se perdre rapidement.
Comment on se prépare pour un tel programme ? Comment tu t’organises ?
La saison va être chargée. J’ai beaucoup de déplacements, j’essaie de faire en sorte que ça marche au mieux en terme de calendrier. C’est aussi un choix et je suis content de faire toutes ces courses. Je suis aussi content d’aller sur quelques Grands Prix de F1 avec Canal+, parce que c’est une expérience que j’aime bien et forcément je suis proche des équipes et j’ai une connaissance assez pointue de la F1. C’est une chance de faire tout ça à mon âge.
On va parler de ton expérience de pilote sur des circuits en ville, puisque vous courez sur ce type de tracé en F1 et en IndyCar. Est-ce que tu as ressenti des différences de pilotage et d’appréhension de ces circuits avec ces deux monoplaces ?
Il y’a une grosse différence. Dans un circuit en ville il faut essayer de faire un maximum de tours, être tout le temps présent parce que la piste évolue tellement… Les circuits urbains changent encore plus en IndyCar qu’en Europe parce qu’ils sont vraiment »démontés » des fois : Je pense notamment à Detroit où on gagne six ou sept secondes entre les essais et la qualif parce qu’elle évolue beaucoup. C’est vrai que les tracés en ville en F1 sont bien fait et tout est repavé avant l’évènement. Y’a des qualités qui sont un peu différentes à l’IndyCar.
Cette année malheureusement, pour notre ami Simon Pagenaud, tu es le seul pilote français sur la grille cette année…
J’aurais aimé qu’il n’ait pas fini dans un bac à sable à Mid-Ohio, ce n’était pas plaisant à voir. J’espère qu’il puisse revenir en IndyCar parce qu’on ne sait jamais, ou alors dans un autre sport automobile. Mais c’est vrai que pour ma première année j’avais Seb (Bourdais) et Simon qui étaient un peu mes grands frères, et là je me retrouve un peu tout seul !
D’où vient ta passion pour l’aviation ? On te voit souvent en train de piloter sur tes stories Instagram !
Ca fait longtemps que j’adore les avions et que je voulais voler. Le fait de vivre aux Etats-Unis facilite un peu les choses, du coup j’ai la chance de le faire et c’est une liberté assez folle : Hier j’étais à Sebring, à 18h30 je finis le débriefing, à 19h je décollais et j’arrivais à Miami à 20h. Ca aurait été moins sympa si j’étais en voiture !
On revient sur Canal+ : Est-ce que tu sais quels sont les Grands Prix que tu vas commenter ?
J’ai vu sur les réseaux que ma présence à Bahreïn a fuité, j’y reviens pour la première fois depuis mon accident, ca va être un peu spécial. Normalement je devrais commenter les courses qui se déroulent aux Etats-Unis, et un autre Grand Prix qu’on va décider.
Qu’est ce qu’on peut te souhaiter pour 2024 ?
De la réussite, et un peu de chance !
Romain Grosjean vous donne rendez-vous ce week-end pour suivre le Grand Prix de St-Petersburg, épreuve inaugurale de la saison 2024 d’IndyCar. Une course à suivre dimanche à 17h30 sur Canal+ Sport.