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L’appel à ôter le voile en Egypte

L’ancien journaliste Chérif Choubachy a créé une vive polémique lorsqu’il a appelé les femmes égyptiennes à se dévoiler. Dans un pays où 90% des femmes portent le voile, cet appel a été perçu comme une insulte à l’Egypte. 

Chérif Choubachy l’avait anticipé. Il avait voulu toucher là où ça fait mal et cela n’a pas loupé. De vives critiques circulent sur le net et dans les médias égyptiens concernant les propos qu’il a tenu sur Facebook et sur Twitter. En effet, l’écrivain a lancé deux appels « urgent à toutes les femmes d’Egypte à ôter le voile pour faire face à l’islam politique ». Il regrette le temps où la jeunesse sans voile se prêtait au jeu de la moralité. Car oui, en Egypte le voile est le symbole de cette même moralité de nos jours.

« En 1923, une femme courageuse, Huda Sharawi, a eu le cran d’ôter le voile. Ça a été le début de la vraie libération de la femme égyptienne. C’était quatre ans après la révolution de 1919 contre l’occupation britanniqueQuatre ans après la révolution de 2011, il est temps que les femmes qui ont été plongées dans une situation de semi-esclavage et de subjugation par cette société patriarcale se libèrent. Dans l’Egypte d’aujourd’hui, où 90 % des femmes sont voilées, c’est la décadence morale et l’hypocrisie. L’Egypte des faux dévots, des bigots et des cheikhs extrémistes. J’ai touché le nerf sensible. » Chérif Choubachy.

Vingt dépôts de plaintes et propos déformés

Les incriminations virulentes vont même plus loin. Certains médias déforment ses propos. Selon eux, il aurait annoncé que « 90 % des femmes voilées sont des prostituées ». Un magazine féminin Nisf Al-Dounia (« La moitié du monde ») l’a brutalement dépeint dans un article intitulé « L’appel à ôter le voile est une insulte à l’Egypte ». Il a bien évidemment eu affaire aux hommes religieux qui le traitent de « mécréant », lesquels ont porté plainte pour désordre public et insulte à la religion. Au total on dénombre une vingtaine d’accusations.

Port du voile pour « rentrer dans la norme »

Malgré les critiques, de nombreuses femmes l’ont soutenu. Certains sont de jeunes filles dévoilées comme Sarah Farah, 27 ans qui retrace son histoire. Elle n’a retiré le foulard qu’en mars dernier mais pourtant elle parle de sa lutte contre ce dernier comme si cela faisait des années. C’est à 15 ans que Sarah avait commencé à porter le voile pour « rentrer dans la norme ». Elle recevait la pression des autres filles et des professeurs de son école. Et bien sûr, il y a les clichés sociaux comme cette image du voile comme quelque chose de respectable.

 

Pourtant Sarah sentait que le port du foulard l’a dérangeait d’une certaine manière. « Les autres me disaient que ça m’allait bien. Mais ce n’était pas moi. J’avais le sentiment qu’on voulait me rendre “normale”, comme s’il me manquait quelque chose que le voile allait m’apporter. J’ai essayé de le retirer plusieurs fois. », raconte-t-elle. Sa famille lui barrait la route et n’a pas hésité au bout d’un moment à l’en empêcher avec des menaces de violence.

« Il n’y a pas de texte dans le Coran qui m’oblige à me couvrir la tête »

Puis en grandissant, elle s’est décidée à le retirer. « J’ai beaucoup lu, écouté les opinions d’hommes de religion pour essayer de comprendre si c’est une affaire de choix ou d’obligation. Il n’y a pas de texte dans le Coran qui dit que je dois me couvrir la tête », révèle-t-elle. Ce phénomène s’observe de plus en plus depuis la révolution arabe en 2001. Les jeunes femmes commencent à débattre sur le port du voile avec leurs amis, familles et sur les réseaux sociaux où elles reçoivent du soutien. Dalia Abel Hamid, responsable à l’Initiative égyptienne pour les droits personnels remarque : « Il y a une tendance croissante chez les jeunes égyptiennes à se dévoiler. La révolution a permis de questionner les idées reçues et de démocratiser le féminisme ». 

Certaines Egyptiennes considèrent le voile comme un simple accessoire de mode. Ici, une vitrine au Caire.

Le voile, un accessoire de mode ?

Certaines égyptiennes considèrent le voile comme un simple accessoire de mode. Il y en a pour tous les goûts et les couleurs. La question du port de voile amène beaucoup de problématiques. Car si pour certaines c’est un choix personnel, pour d’autre c’est une obligation. De nombreuses femmes sont violentées ou encore discriminées pour le port ou non du voile. Le problème c’est que le débat est fermé et que seuls les extrémistes religieux ou les féministes orientalistes prennent la parole la dessus.

L’obsession du contrôle des femmes

Pour Dalia Abdel Hamid, tous les acteurs politiques ou ceux qui jouissent d’une certaine influence se battent pour garder le contrôle sur la femme. « Il y a une obsession du contrôle des femmes, de leur corps, que ce soit par le mari, la famille, la société, la nation. Chérif Choubachy aussi impose sa vision de ce que doit être la femme égyptienne » relaye-t-elle. L’émancipation des femmes en Egypte ne peut donc venir que de leur propre initiative, à leurs risques et périls dans une société fermée aux élans de laïcité.

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