Après une année et demie sous le signe de la crise sanitaire, All Elite Wrestling était de retour sur les routes mercredi dernier avec une édition de « AEW Dynamite » à Miami. Quant à WWE, elle se rendra ce vendredi à Houston au Texas pour son show phare « Smackdown ». Si les deux fédérations semblent tourner la page côté restrictions sanitaires, la crise du Covid-19 a, pour autant, bouleversé le paysage catchesque outre-Atlantique.
Le retour à la normale se profile du côté du catch américain. Les deux plus grosses fédérations de catch américain, WWE et AEW, reprennent leurs tournées pour des shows aux quatre coins des Etats-Unis. En effet, depuis le début de la pandémie, elles avaient toutes les deux fait le choix de produire des évènements à huit-clos, en Floride. Le catch, sport-spectacle vivant, se retrouvait alors privé de ce qui fait son essence même, ses fans. Contrairement à la plupart des autres ligues majeures de sport, les deux piliers du catch américain n’ont jamais cessé leurs activités. Une situation unique en mars 2020, quand au même moment, la NBA suspendait de manière indéfinie le championnat en cours. Néanmoins, d’après une étude de l’université de Floride, ce choix a engendré une certaine crainte de la part des fans quant aux risques sanitaires que les catcheurs prenaient en continuant de performer. L’étude rajoute tout de même que cette crainte s’est également manifesté en un sentiment d’admiration envers ces athlètes prêts à prendre tous les risques pour le bien du divertissement sportif.
Du Thunderdome à Jacksonville, deux manières de produire du contenu télévisé
Pendant des années, Vince McMahon, président et directeur général de WWE, a construit son empire sur un modèle économique simple. Traverser les Etats-Unis de ville en ville, proposer un produit télévisuel se tenant dans des arènes généralement pleines et vendre du merchandising pour fidéliser l’audience. La pandémie a fracturé ce modèle. Si bien que pour tenir le cap, les dirigeants ont dû s’adapter à tout prix. La fédération a ainsi décidé de tenir l’ensemble de ses évènements dans leur centre de développement, le « Performance Center ». Sans aucun fans présents, les premiers shows de l’ère Covid-19 furent enregistrés avec le minimum de personnes requises. De surcroît, WWE a également mis un terme pour une durée indéterminée à l’ensemble de leurs shows non-télévisés. Ce n’est qu’à partir du 13 avril 2020 que la fédération a de nouveau produit ses évènements en direct. Le journaliste américain Dave Meltzer note que ce changement est dû aux contrats liant WWE et les chaînes de télévision américaines Fox et USA Network. Afin de continuer à proposer du contenu durant la crise sanitaire, l’entreprise a su bénéficier du statut de « service essentiel » en Floride. Le gouverneur de l’Etat justifia sa décision de par le fait que le catch offre : « un sentiment d’espoir, de détermination et de persévérance ».
Durant plusieurs mois donc, WWE proposa des évènements dans son « Performance Center ». Un temps vide, des catcheurs en développement ont par la suite, joués le rôle de fans derrière une vitre en plexiglas. Ce manque d’interactions naturelles fut décriée par les fans. En effet, les passionnés ne retrouvaient plus l’authenticité du spectacle, chère à la discipline. Pour contrer ce problème, la fédération dévoila le 28 août le « WWE Thunderdome ». Ce dôme disposait d’un système d’écran qui permettait aux fans de catch d’assister aux shows par visioconférence. Un système totalement gratuit pour les fans qui n’avaient qu’à s’inscrire quelques jours avant pour profiter d’une expérience inédite. Si ce changement sonnait comme une solution miracle, il apporta avec lui son lot de problèmes. Des photos déplacés comme celle d’un membre du Ku Klux Klan ou de Chris Benoit – ancien catcheur chez WWE et auteur d’un double meurtre-suicide – furent partagées par certains spectateurs. En outre, l’ajout d’effets audios fut critiquée par les fans. Le son entendue à la télévision ne provenait pas des fans mais était rajouté par la régie technique. Le Thunderdome a accueilli les shows de la WWE jusqu’à ce lundi 13 juillet. Une expérimentation riche d’enseignements pour WWE qui compte retenir le positif de celle-ci pour s’en inspirer dans le futur comme l’a déclaré Stephanie McMahon, cheffe de la marque WWE.
Du côté d’All Elite Wrestling, les deux premières semaines de shows télévisés sous l’ère Covid furent produites à Jacksonville en Floride, dans l’amphithéâtre du Daily’s Place. Les enregistrements se firent en vase clos, avec, dans le public, des catcheurs non-programmés à lutter ainsi que des membres du staff. Cependant, le 1er avril, la fédération décida de délocaliser ses shows dans une arène tenue à l’abri des regards. Cette décision permettait d’empêcher certains fans d’avoir des contacts avec les catcheurs à la sortie des évènements. De plus, suite aux mesures de confinement imposées aux Etats-Unis, AEW a choisi d’enregistrer à l’avance des semaines de shows afin de continuer à diffuser ses programmes chaque semaine. La seule exception fut pour leur « pay-per-view », Double or Nothing 2020, qui se déroula au Daily’s Place. Le 27 août, la fédération prit la décision d’accueillir à nouveau des spectateurs, à une capacité variant de 10 à 15%, dans leur arène à Jacksonville. Depuis, le Daily’s Place est considéré par les fans de AEW comme la base principale de la fédération.
Zoom sur : Brodie Lee, l’Exalté parti rejoindre l’au-delà
Le 26 décembre 2020, le monde du catch est frappé par la terrible nouvelle du décès de Jonathan Huber. Plus connu sous le nom de Luke Harper chez WWE, il avait rejoint en mars 2020 All Elite Wrestling sous son nom de scène d’origine, Brodie Lee. Son personnage de l’Exalté, gourou de l' »Ordre Sombre », a instantanément conquis le coeur des fans. Un personnage pourtant « heel » – terme lié au catch désignant un antagoniste – mais que le catcheur portrayait à la perfection. Ses énervements lorsque quelqu’un éternue ou ses jets de feuilles de papier sur les membres de son clan étaient des éléments comiques de son personnage que les fans adoraient. C’était ça Brodie Lee. Un catcheur capable de transmettre une palette d’émotions variées aux spectateurs. Dans un contexte anxiogène, Brodie Lee était la dose hebdomadaire de fraîcheur qui manquait aux fans.
Après des derniers mois compliqués chez WWE, Brodie Lee avait trouvé le succès chez AEW. Le catcheur resta invaincu pendant plusieurs semaines, affrontant des adversaires comme QT Marshall ou Christopher Daniels. Très vite après ses débuts dans la fédération, il affronta Jon Moxley pour le titre mondial à Double or Nothing. Un affrontement que Brodie Lee perd mais qui lui permet de briller en solo aux yeux du public. Par la suite, Brodie Lee sera sacré champion TNT – chaîne américaine diffusant l’émission hebdomadaire « AEW Dynamite » des mains de Cody Rhodes dans un match expéditif. Un règne de 46 jours qui se conclut par un « Dog Collar » match face à Cody Rhodes qui reprendra la ceinture, dans ce qui sera le dernier match de la carrière de Brodie Lee.
Jonathan Huber s’éteint à l’âge de 41 ans des suites d’une fibrose pulmonaire idiopathique. À l’annonce de sa mort, ses anciens collègues saluent sa mémoire et témoignent unanimement sur l’homme apprécié et respecté qu’il était. La plupart des témoignages saluent, au passage, le bon père de famille qu’était Huber. Un show hommage est tenu par All Elite Wrestling le 30 décembre, 4 jours après son décès. Un épisode durant lequel les membres du Dark Order gagneront tous les matchs pour rendre hommage au catcheur. Enfin, le show se conclut par une déclaration de son dernier adversaire et vice-président d’All Elite Wrestling, Cody Rhodes. A la suite de son discours, la veuve du catcheur ainsi que leur fils aîné montent sur le ring et ce dernier déposent les bottes de catcheur de son père sur le ring. Son fils aîné, Brodie, sera couronné champion TNT à vie, en signe de reconnaissance de ce que son père a apporté à la fédération. Une cérémonie d’au-revoir bouleversante, pour un catcheur ayant marqué l’ère pandémique du catch américain.