Ce 21 mars 2020, est paru Le Papillon d’Antoine Mérand, un court ouvrage de fiction. Le jeune écrivain, professeur et journaliste nous invite à découvrir l’histoire originale et philosophique d’un homme en métamorphose, passant de larve à papillon. Entretien avec l’auteur.
« je veux provoquer la réflexion »
Tu parles d’une « fiction psychologique » mais, finalement, n’est-ce pas aussi un essai ?
Disons que la première partie du livre peut être vue comme un essai. Au fur et à mesure on se rend compte qu’il y a des contradictions. Donc, oui, ça a des allures d’essai dans la manière dont c’est vendu parce qu’effectivement je veux provoquer la réflexion. Mais, ce n’est pas un essai dans le sens où ça reste une fiction, avec une libre interprétation…
« il s’agit de chercher les gens dans leurs retranchements »
Tu n’essayes pas de t’insérer dans une idéologie…
Non, pas du tout. J’essaye de provoquer les gens. Ce, à travers un personnage que je ne suis pas, évidemment. Je ne suis aucun des protagonistes. J’essaye juste d’apporter une contradiction à travers différentes visions. La vision de l’enfant qui voudrait changer le monde par rapport à ce qu’il pense, et la vision de l’adulte un peu détraqué qui, lui, est convaincu que sa vision est la bonne. Malheureusement, en tant qu’adulte, il n’a plus de pouvoir de contradiction. Il s’agit de chercher les gens dans leurs retranchements.
« Tout est basé sur l’antithèse »
Tu dis que ce n’est pas toi le personnage… Tu t’es quand même inspiré de ta vie ou pas du tout ?
Légèrement, oui. Disons que je me suis inspiré de mon environnement. Je décris un peu la maison que je pouvais avoir quand j’étais jeune parce que je la trouvais très prenante. J’ai toujours imaginé des fictions en ce lieu. Depuis petit, j’ai une passion pour les vilains plutôt que pour les super-héros. Le personnage du Joker m’a vraiment inspiré pour le Papillon. C’est un peu un Joker en devenir… C’est quelqu’un qui, forcément, veut faire le bien. Quand il se rend compte qu’il est face à une société qui se complait dans sa routine, il part dans ses propres délires.
Pour le personnage, ce n’est donc pas de moi que je me suis inspiré mais plutôt de personnages de fictions très noirs. Si tu deviens si noir, c’est qu’il y avait, à l’origine, quelque chose de très blanc en toi. Tout est basé sur l’antithèse, qui est relative à tout le monde. On est tous des menteurs. Tous des névrosés qui s’ignorent. Je fais appel aux ténèbres qui existent dans les cœurs de chacun.
« Il faut accepter une part d’ombre et de lumière »
Ca rappelle la philosophie chinoise, le Yin et le Yang…
C’est ça, oui. C’est ce que j’essaye d’expliquer dans la deuxième partie. Quand l’un des protagonistes dit qu’on est tous le complément de l’autre. Qu’il n’y a pas de « plus fort » ou de « moins fort ». Tout existe parce que ça doit exister. Tout ce qui est là rend à la fois plus fort et plus faible son contraire.
Il faut accepter son côté sombre…
C’est ça. Si tu es en quête de vérité, il faut accepter une part d’ombre et de lumière. La partie sombre, même si elle n’est pas grande, peut avoir son utilité. Il ne faut pas réfuter sa propre nature. Il ne faut réfuter ni ses ténèbres, ni sa lumière.
« Juste milieu entre raison et vérité »
Dans Le papillon, tu définis des personnes « raisonnables » et des personnes «véritables ». Les personnes raisonnables sont davantage dans la complaisance par rapport à ce qu’ils ont, sans chercher davantage qui ils sont, c’est l’idée ?
C’est ça. Sachant que se heurter à la vérité, c’est très dangereux. Si tu es toujours véritable, ça peut donner lieu à des personnages hors-normes comme on en a eu dans l’Histoire. Parce qu’ils n’écoutaient que leur propre vérité. Ils n’étaient peut-être pas sensible à celle des autres. Donc la raison est peut-être notre meilleure amie, à condition de bien la manier. Si tu es trop raisonnable, tu es dans le mensonge. Si tu es trop véritable, tu es dans une vérité exacerbée, tu es dans le mal absolu. Il y a ce juste milieu : se servir de la raison pour maintenir sa vérité tout en ne se mentant pas à nous-même. La quête du personnage pendant tout ce livre est de trouver ce juste milieu entre raison et vérité.
« Je pense qu’on est tous des traumatisés »
Le traumatisme serait-il nécessairement la source du mal-être ?
Quand même, je pense. On peut observer différentes échelles de traumatisme. Il y a des traumatismes bénins qui se soignent plus ou moins rapidement. Il y a des traumatismes plus profonds qu’il est parfois difficile, voire impossible à faire partir. Je pense que les gens traumatisés, les gens vraiment névrosés sont peut-être ceux qui vont avoir une espèce de mal-être qui va les renforcer. Finalement, ça produit une douleur tellement vive qu’on apprend à s’en protéger. Ça peut rendre beaucoup plus puissant pour affronter le reste de l’existence, ou alors on peut faire le choix de la victimisation, en disant « toi, tu n’as pas vécu un truc que j’ai vécu, tu ne peux pas me comprendre », et là c’est un cercle vicieux qui commence pour l’individu.
Est-ce qu’il n’y a que le traumatisme qui peut entrainer le mal-être ? Quoi d’autre, finalement ? Quoi d’autre qu’un traumatisme peut entrainer un mal-être ? Le traumatisme est à l’origine de tout. Ca peut être une super chance si on décide de s’en sortir. Je pense qu’on est tous des traumatisés. On a tous vécu quelque chose qui va nous envoyer un test. Soit on le passe en l’affrontant, soit on l’évite.
« A l’issue, soit on en ressort plus fort […] soit on subit »
Revenons-en au titre… Pourquoi « Le papillon » ? Y a-t-il beaucoup de papillons selon toi ?
Bonne question. Le papillon, c’est surtout par rapport à l’évolution. Au début, on est tous des larves, on est formaté par rapport à notre famille, par rapport à la société. Dès lors qu’on ne peut pas penser par nous-même. L’humain est une machine qui doit évoluer au fur et à mesure de l’expérience. A un moment on rentre dans un cocon : ce peut être à la crise d’adolescence, à la crise de la quarantaine, c’est relatif à chacun. A l’issue, soit on en ressort plus fort avec des ailes qui nous poussent dans le dos, soit on subit. Il y en a qui passent leur vie à subir, il y en a qui agissent. Je trouvais que le papillon était une belle métaphore d’évolution, ou non, des individus.
Sinon, je pense qu’il y a pas mal de papillons, oui. Est-ce que les papillons sont forcément des gens qui réussissent ? Ca, je n’en suis pas sûr du tout. Après, ça dépend ce qu’on appelle « réussir ». Ce papillon, ça peut être ce mec qui a raté tous ses diplômes et qui se dit « moi, ma passion c’est de faire du pain », qui va monter sa boîte, et qui peut devenir meilleur boulanger de France alors qu’il n’a pas fait un CAP. Ca, c’est un papillon.
Après, on a une vision exacerbée de ce qu’est un papillon : « moi, j’ai envie de devenir Président de la République » ou « moi j’ai envie d’être une star de cinéma ». Là, ce ne sont pas forcément des papillons. Ou alors, peut-être qu’il y a les papillons qui réussissent pour eux et ceux qui réussissent à travers le regard des autres… Mais, oui, le monde est rempli de papillons. Heureusement d’ailleurs, parce que ce sont eux qui font tourner le monde, selon moi.
« je n’aime pas lire »
Quels sont tes projets à venir ?
Mes projets ? Je suis déjà dans l’écriture du deuxième. Le papillon est en fait le premier tome d’une série à venir. Puis, le projet pour 2021, voire début 2022, c’est d’écrire un petit spectacle. J’ai un humour assez noir, à la Gaspard Proust, dans ce style-là. L’objectif, c’est de vivre de mes créations, de mes écrits, tout en gardant un pied dans la réalité, en continuant à donner des cours, et en écrivant des articles par-ci, par-là. Vivre de mes créations, c’est un rêve. C’est à essayer.
Le mot de la fin pour donner envie de lire Le papillon, d’Antoine Mérand …
Aujourd’hui , on consomme des choses sans trop savoir pourquoi. Je propose aux gens de lire des choses non pas pour moi, mais pour eux. C’est très court. 77 pages de lecture pure. Moi, je n’aime pas lire. Je suis un gros consommateur de cinéma, de séries, mais également de philo ou d’histoire. Parce que tu n’es pas obligé de lire les 500 pages, tu peux ouvrir là où tu veux. Pour ceux qui n’aiment pas lire, on a un moyen d’apprécier la lecture, tout en pouvant se remettre en cause et remettre en cause ce qui nous entoure. Faire en sorte que tout le monde puisse se plaire à lui-même. Il s’agit d’aller chercher le philosophe en chacun de nous. Dans cette logique, la deuxième lecture, aussi, peut être intéressante…
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