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Les 70 ans de la Libération : la jeunesse au cœur de la guerre

Que serions-nous aujourd’hui si le Débarquement n’avait pas eu lieu ? Quels sont donc ces hommes qui ont été prêts à sacrifier jusqu’à leur propre vie pour défendre un pays qui n’était pas le leur ? Quelle est donc cette jeunesse située au cœur d’une guerre qu’elle n’a jamais voulue ? Tant de questions pour comprendre la place de la jeunesse dans la guerre, mais surtout dans la Libération qui s’est opérée à partir de juin 1944.

« Pour que le mal triomphe, seule suffit l’inactivité des hommes de bien. » a écrit Edmund Burke. Au delà d’une simple réflexion philosophique, cette citation nous rappelle la situation de l’Europe pendant la guerre de 1939-1945. La déportation et l’assassinat de 6 millions de juifs sur le continent européen marquent au fer rouge une période sombre de l’Histoire. L’inaction des hommes de bien s’est caractérisée par la montée en puissance d’un être prêt à plier les territoires à son modèle de race supérieure d’hommes et de femmes. Se rappeler, ne jamais oublier, est-ce là un devoir qui se fait plus prégnant pour une jeune génération dont la guerre semble lointaine.

Tout au long de ce mois de juin, vous allez entendre de nombreux témoignages et reportages, parfois même jusqu’à l’écœurement. Héritière d’un héritage historique parfois pesant, notre jeunesse doit pourtant se plier à ce devoir de mémoire. « Un homme sans passé est plus pauvre qu’un homme sans avenir. » disait Elie Wiesel. Lui même est le rescapé d’une histoire, celle de la Shoah. Peut-être c’est en revenant sur ce passé qui nous touche plus ou moins directement qu’il nous est possible de faire un pas dans le futur. La crise, le chômage, l’impression d’un avenir qui ne va nulle part, ces difficultés qui nous laissent pantois, nous angoissent, doivent pensées au prisme de notre histoire commune. C’est en prenant le recul sur une guerre qui nous a meurtrie que la solution apparaitra sous nos yeux.

Bien loin d’un reportage écrit traditionnel, il ne s’agit pas de retracer l’histoire entière de la Libération de la France, commencée dès septembre 1943 en Corse. Nombreux sont les livres qui ont été écrits sur le sujet. Il s’agit ici d’effleurer différentes réalités, notamment celles d’une jeunesse coincée dans une guerre qu’elle n’a jamais souhaitée. Nombreux sont les destins de jeunes gens qui ont été bouleversés par cette période de l’Histoire. Faire le choix de la collaboration ou de la résistance, celui de la fuite ou de l’attentisme : face à l’indicible, comment était-il possible de réagir ? Survivre, telle était la problématique de cette jeunesse sacrifiée, dont l’avenir était obstrué.

A travers une thématique principale, « La jeunesse sous la guerre », ce sont différents sujets tels que la vie estudiantine pendant la guerre, la collaboration et la résistance de cette même jeunesse, mais aussi la mémoire de ce conflit, qui vont être abordés. Un article sur la Libération et l’implication de la jeunesse dans celle-ci ne peut être possible sans l’évocation d’un événement majeur, début d’une délivrance salvatrice, le Débarquement sur les plages de Normandie des Alliés américains, britanniques et canadiens le 6 juin 1944. C’est d’ailleurs à eux que rendent hommage aujourd’hui, pour l’anniversaire des 70 ans du Débarquement, les grands dirigeants de ce monde : le président américain Barack Obama, la reine d’Angleterre Elizabeth II, la chancelière Angela Merkel, le président russe Vladimir Poutine et le président de la République Française François Hollande.

Ainsi commence l’histoire d’une mémoire, celle du jour le plus long.

Les prémices d’un jour historique

Lorsque l’on évoque le Débarquement de Normandie, ce sont d’abord des chiffres qui nous sautent aux yeux. Plus d’1,5 millions de soldats américains sont mobilisés en Angleterre la veille du Jour J. parmi eux, ce sont plus de 180 000 soldats et de 20 000 véhicules déployés.

Pourquoi le 6 juin 1944 ? Depuis la défaite de la France en 1940, seule la Grande-Bretagne combat l’Allemagne nazie et l’Italie fasciste. Les Etats-Unis attendent l’attaque de Pearl Harbor pour s’engager officiellement dans le conflit, l’opinion américaine ne voulant pas se mêler de cette lointaine querelle européenne. Avec l’agression du 7 décembre 1941, Roosevelt peut enfin entrer en guerre avec l’appui des Américains. Mais, avant même cette entrée soudaine, le Royaume-Uni et l’URSS sont dans l’urgence. Celle-ci est immense : après l’attaque de l’Union soviétique par Hitler, le 21 juin 1941, il faut à tout prix éviter que les Russes capitulent. Pour cela, le président américain estime que le meilleur moyen d’éviter que Staline ou Churchill ne plient pas devant le Führer est de porter le plus vite possible la guerre au cœur de l’Allemagne, avec tous les moyens que pourra fournir la puissance américaine. Le but est d’éviter que le Japon ne continue seul la lutte après la capitulation allemande.

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Franklin D. Roosevelt et Churchill à la conférence de Québec qui a poursuivi l’objectif de libération de la France

Il s’agit d’un choix stratégique qui s’inscrit dans l’option « Germany First », c’est à dire détruire l’Allemagne en premier. Cette dernière ne peut être battue que si hommes et matériels peuvent être plus facilement transportés sous la protection de la Royal Navy et chargés sur le sol britannique. Dès mars 1942, George Marshall, le chef d’état-major des armées américaines, propose un mémorandum prévoyant un acheminement des renforts vers le Royaume-Uni, mais surtout un débarquement entre Boulogne et Le Havre. Approuvé par Churchill, ce plan représente les prémices d’un débarquement qui aura lieu deux ans plus tard.

Rien n’aurait pu être possible sans un coup de bluff, celui de l’opération Fortitude, nom de code pour toutes les opérations de désinformation et de diversion des Alliés. Ces derniers ont réussi à dissimuler à l’état-major allemand le lieu réel du débarquement en Europe du Nord-Ouest, et à faire croire, qu’une fois le débarquement en Normandie effectué, que celui-ci n’était qu’un débarquement secondaire.

Ainsi, appelée Opération Neptune, le débarquement en Normandie est l’idée d’une invasion qui se fait par l’Angleterre. Ce sont des centaines de convois qui traversent l’Atlantique en provenance du continent américain pour déposer sur le territoire britannique des milliers de soldats et des centaines de tonnes de matériel militaire. Le choix de la Normandie s’est fait évident parce que les Allemands attendent les Alliés dans le Pas-de-Calais. Néanmoins, la côte reste défendue par une série de protections en béton avec des mitrailleuses, des barbelés, et autres champs de mines, appelée le Mur de l’Atlantique.

L’opération se déroule alors en trois étapes : les débarquements par air avec des parachutages effectués aux deux extrémités du secteur de débarquement, les bombardements aériens et navals dans la nuit du 5 juin au 6 juin 1944 et le débarquement par mer. Cinq secteurs de débarquement ont d’ailleurs été définis : Utah, Omaha, Gold, Juno et Sword.

Evènement historique oblige, même les journalistes sont présents sur place. France Info a en effet reporté le témoignage d’un journaliste, George Hicks, qui se tenait parmi les 558 journalistes accrédités, dont 17 journalistes de la BBC débarquent sur les plages normandes avec les soldats.

Lors du reportage qu’il effectue, George Hicks, un reporter pour la BBC, est à bord de l’USS Ancon, un paquebot transformé en navire de guerre. Le soir même, après que son reportage est passé dans les mains de la censure, le document radiographique est diffusé entre 23h et 23h30 sur CBS, NBC et le North American Service de la BBC. Le journaliste raconte : « Vous voyez les bateaux couchés dans toutes les directions, juste comme des ombres noires dans le soleil gris. (…) Maintenant les avions passent au-dessus de nousLes tirs violents sont juste derrière nousles bombes éclatant sur le rivage et le long des convois. » Tout au long de ses commentaires, on entend les sons de bombardements, de sirènes, d’avions, et de tirs, dans une forme d’excitation et de confusion, de chaos et de mort.

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Un débarquement sur les plages de Normandie

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En ce jour du 6 juin 1944, dès 6h30, la première vague de la 4e division d’infanterie américaine débarque à Utah Beach. Cette division, s’échouant à deux kilomètres de son objectif, va profiter de cette erreur pour débarquer dans un secteur moins défendu. Un quart d’heure plus tard, les GIs débarquent à Omaha. Les soldats trouvent face à eux des troupes plus nombreuses et plus solides qu’ils ne pouvaient le penser. Devant eux, se trouve la 352e division du Général Kraiss, une unité entraînée et très équipée, et dont la présence sur les côtes n’est pas parvenue jusqu’à Londres. C’est là que les dommages sont les plus conséquents : les pertes s’élèvent à 2500 tués et blessés à la fin de la journée. Les hommes de la première vague d’assaut atterrissent ainsi sur une plage où le défensif allemand est déjà bien installé.

 les-70-ans-de-la-liberation-la-jeunesse-au-coeur-de-la-guerreAu fil des photographies de Robert Capa, les hommes tombent par centaines, la panique se fait place, les péniches s’enflamment et sombrent. Des unités entières sont décimées avant même d’avoir pu atteindre la plage. Lorsque la deuxième vague de soldats débarque à 7h00, la première est toujours sur place. La confusion règne. Dans le même temps, la mer monte, les hommes s’entassent sur la plage étroite. La Manche noie les blessés abandonnés sur place. Des embarcations explosent.

Vers 8h30, l’envoi de nouvelles vagues de renfort est suspendu à cause de l’engorgement présent sur la plage. Néanmoins, vers la fin de la matinée, la situation tourne en la faveur des Américains. En effet, les destroyers s’approchent de plus en plus près des côtes et beaucoup de positions sont mises à mal. Grâce aux efforts répétés des Américains, la résistance allemande s’essouffle.

Pendant ce temps, une troupe d’assaut est chargée de prendre position avant la mise à terre des troupes qui doivent débarquer sur les plages. Plusieurs heures auparavant, vers 4h30, en ce D-Day, les 225 Rangers du Colonel Rudder partent en direction de la Pointe. Leur arrivée prévue deux heures plus tard est retardée de 40 minutes, permettant aux Allemands de se ressaisir après les tirs de marine. La lutte entre les deux camps est sans merci. Malgré tout, les 150 Rangers encore vivants escaladent la falaise et atteignent le sommet de la Pointe. Dans leur progression, les Rangers découvrent le subterfuge allemand : pas de casemate ou de cuve bétonnée. Les canons ont été dissimulés un kilomètre plus loin. Ils les retrouvent et les détruisent. Sur les 225 Rangers déployés, plus de la moitié ont été tués, blessés ou encore faits prisonniers.

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Les plages du débarquement, avec la position des navires de ligne

Du côté de Juno Beach, aucune position d’artillerie n’est semblable à celles de la Pointe de la Hoc, les récifs empêchant toute opération allemande. Ici, ce sont les Canadiens qui doivent nettoyer la plage, se diriger vers Caen par la route Caen-Bayeux pour prendre l’aérodrome de Carpiquet afin de réaliser une jonction avec les deux plages britanniques voisines. Pourtant, le débarquement prévu à 7h30 accuse un retard de 10 minutes, ce qui donne aux Allemands la possibilité de reprendre force. En outre, dans le même temps, la montée de la mer recouvre un nombre important d’obstacles minés placés sur la plage provoquant le naufrage de nombreuses péniches de débarquement qui ne les voient pas. Au même moment, sur la Sword Beach, près de Ouistreham, la 3e division britannique du Général Rennie aborde les plages après avoir subi de fortes attaques allemandes. La traversée de la grève est tout aussi terrible. Mais, en dépit des pertes sévères, les troupes britanniques arrivent à percer la brèche. Les Français se chargent de prendre l’ancien casino, détruit par les Allemands et à la place duquel ces derniers ont érigé un bunker. La libération d’Hermanville, de Colleville et d’Ouistreham est effectuée respectivement par le South Lancashire Regiment, le Suffolk Regiment, l’East Yorkshire Regiment et le Royal Marine Commando n°4. Par la suite, le commando n°4 se dirige vers le pont de Bénouville pour renforcer les troupes de la 6e division aéroportée.

Au soir du 6 juin 1944, seuls les débarquements de Gold et de Juno ont réalisé leur jonction. Ce n’est que deux jours plus tard que l’ensemble des liaisons est établi. Néanmoins, il reste aux Alliés à consolider la bande littorale, puis la percer en direction du Sud. C’est à partir de ce Jour J que commence la Bataille de Normandie qui se déroule entre juin et août 1944. Grande opération logistique, cette bataille aboutira à la Libération de Paris le 25 août 1944.

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Le Général de Gaulle et son entourage descendent fièrement de l’Arc de Triomphe vers Notre-Dame pour un office religieux après la libération de Paris, en août 1944.

Les victimes collatérales d’une guerre qui paraît sans fin

Lorsque le jour tombe en ce jour du 6 juin, c’est plus de 10 000 soldats alliés qui sont morts ou blessés. Les jours qui suivent alourdissent le bilan. Le coût de la liberté s’élève à près de 200 000 tués dans la bataille de Normandie, et à des milliers de chars et de véhicules détruits. En ce qui concerne le côté allemand, celui-ci souffre de 6500 pertes dans leur camp.

Au delà de ces chiffres, c’est l’âge de ces jeunes hommes qui interpelle. La plupart avaient à peine atteint la majorité. Souvent âgés d’une vingtaine d’années, parfois même pas encore majeurs, ces soldats à peine sortis de l’adolescence se sont retrouvés aux premières lignes d’un conflit complexe, dont les finitudes leur échappaient. Volontaires ou forcés à combattre, ce sont les canons de leur fusil qui ont résonné dans cette journée du 6 juin. Dans cette effrayante guerre, loin de leur patrie, ceux-ci ont fait le choix radical de se sacrifier pour un pays qui n’était pas le leur. En témoignent les cimetières américains de Colleville-sur-Mer et de Saint-James, les croix s’étendent à perte de vue au milieu de l’herbe coupée au ras. Des milliers de morts sont venues s’ajouter aux millions de décès déjà déclarés.

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Cimetière de Colleville-sur-Mer

Quel était donc l’état d’esprit de ces jeunes ? Etaient-ils insouciants ? C’est en tout cas ce dont parle un soldat allemand, témoin du débarquement, en confessant son désarroi : « Nous avions beau avoir vingt ans et afficher l’insouciance de notre âge, nous savions tous que la fin approchait. » Chaque jeune soldat qu’il soit du côté allié ou des ennemis était supposé être un adulte, maitriser des armes dangereuses et libérer un pays que la plupart n’avait jamais vu. Forme de naïveté, mais surtout d’insouciance, la plupart de ces jeunes hommes ne savaient pas ce qui les attendait.

La fierté de défendre une culture dans laquelle ils croyaient, la conscience qu’il fallait combattre pour libérer l’Europe et le monde du nazisme, est-ce cela peut être ce qui les a poussé à affronter l’ennemi malgré cette peur de l’inconnu, cette peur de se faire tuer.

Victime collatérale de la guerre, la jeunesse n’aura jamais été épargnée. Même après le débarquement en Normandie, l’horreur continue. En effet, le 10 juin 1944, soit 4 jours après le D-Day, le village d’Oradour-sur-Glane subit le joug de soldats de la Wehrmacht qui essayaient de regagner l’armée allemande. Parmi les 642 villageois massacrés ce jour-là, près de 200 enfants périrent brûlés vivants dans l’église de la commune.

Revenir sur ces faits historiques, ce n’est pas simplement une démarche pour se souvenir, mais c’est surtout celle de témoigner, de raconter ce qu’il s’est passé. Bientôt, nombreux de ceux qui auront combattu, résisté, vécu l’Histoire ne seront plus là. C’est aux historiens comme aux médias de prendre alors le relai, rappeler ces épisodes sombres d’une histoire contemporaine pénible. La jeunesse de maintenant est l’héritage du monde que hier les jeunes générations ont construit. Beaucoup ont essayé de façonner l’avenir, mais c’est à nous, jeunes d’aujourd’hui, de bâtir nos lendemains, car n’oublions pas que ceux qui possèdent la jeunesse maitriseront le futur.

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