Les critiques envers l’état d’urgence, décrété le soir même des attentats du vendredi 13 novembre, se multiplient. La Ligue des droits de l’homme (LDH) vient d’en demander la suspension tandis que le gouvernement réfléchit à sa prolongation.
Des rapports critiques
L’association Ligue des droits de l’homme (LDH) vient de saisir le Conseil d’Etat en référé-liberté pour demander la suspension de l’état d’urgence. Cette procédure administrative d’urgence est étudiée dans un délai très court, en général, dans les 48 heures. Ici, l’audience est fixée au mardi 26 janvier. Cette requête évoque une « atteinte grave et manifestement illégale à plusieurs libertés fondamentales« . Même si elle a peu de chance d’aboutir, cette demande permettra de poser le débat. La réponse de la plus haute juridiction administrative sera scrutée par les observateurs.
L’Europe s’est aussi intéressée à la question. Un rapport du commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe a jeté un froid sur cette disposition. Des « dérives » et « un risque » pour la démocratie. Dans ce même document, les profilages ethniques effectués par les forces de l’ordre sont pointés du doigt.
La gestion du dossier fut aussi critiquée à l’internationale. Ainsi, cinq experts indépendants de l’ONU ont dénoncé « certaines mesures contenues dans la loi et évoquent restrictions excessives et disproportionnées sur les libertés fondamentales«
Des assignations à résidence mises à mal
Une des principales mesures de l’état d’urgence est de pouvoir procéder à des perquisitions sans l’accord préalable d’un juge. Ainsi « Plus de 3 000 perquisitions » ont été comptabilisées avec pour bilan « la saisie de 500 armes, dont 50 armes de guerre » d’après une déclaration du ministère de l’Intérieur. Des résultats contrastés.
L’autre disposition importante est l’assignation à résidence. Tout individu considéré comme suspect peut être consigné chez lui si son « activité s’avère dangereuse pour la sécurité et l’ordre publics ». Ce qui peut aboutir parfois à des situations ubuesques à la limite de l’abus.
Un bilan des deux premiers mois sous état d’urgence a été réalisé par le Conseil d’Etat. Ainsi, la juridiction a été saisie d’une vingtaine de dossiers. Six mesures d’assignation ont été annulées totalement ou partiellement. Dans quatre autres cas, une fois le Conseil de l’Etat saisi, le ministre de l’Intérieur a de lui-même levé les arrêtés d’assignation à résidence. Pour éviter de nouveaux revers?
Vers une nouvelle prolongation?
Historiquement, la loi relative à l’état d’urgence fut instaurée pendant la guerre d’Algérie et appliquée immédiatement sur ce territoire alors français. Depuis, ce dispositif a été de nouveau décrété localement lors d’événements bien précis, comme en Nouvelle-Calédonie ou pendant les émeutes de 2005, mais il n’avait jamais été étendu sur la totalité du territoire français, comme c’est le cas aujourd’hui.
Depuis l’intervention de François Hollande le 13 novembre, l’état d’urgence a été prolongé pour 3 mois par la loi après un vote de l’Assemblée nationale. Il doit prendre fin le 26 février. D’ici là, le gouvernement cherche une solution pour donner plus de pouvoir et de liberté aux forces de l’ordre.
Stéphane Le Foll, le porte-parole du gouvernement, a déclaré : « les discussions sont en cours sur la question de l’état d’urgence » car « la menace terroriste est toujours là« . Malgré les inquiétudes nationales, continentales et même internationales, l’état d’urgence rassure les Français. Avec la sécurité comme « première des libertés » selon Manuels Valls, une prolongation est plus que jamais d’actualité.
Crédits: Le Parisien/Matthieu de Martignac