Emmanuel Macron est arrivé en tête du premier tour de l’élection présidentielle ce dimanche soir, recueillant 23,75% des suffrages exprimés. Le candidat d’En Marche! retrouvera au second tour Marine Le Pen (21,53%) au soir d’un 7 mai qui s’annonce être une formalité. Toutefois, le constat d’une France divisée comme jamais et d’un Président potentiellement sans majorité ne font que renforcer les craintes d’une France ingouvernable.
Macron: La victoire du marketing politique
La pari du fondateur d’En Marche! s’est concrétisé ce dimanche 23 avril 2017. Le pari d’un homme qui sur le papier n’avait rien pour rassembler autour de lui une majorité relative autour de son nom à la Présidentielle. Cet énarque de 39 ans, ancien inspecteur des finances, est passé par la très prestigieuse banque Rothschild & Cie avant d’entamer une carrière publique. Entrant comme Secrétaire national adjoint de François Hollande, il fait partie de ceux qui murmurent à l’oreille du Président Hollande, jusqu’à son sacre à Bercy en août 2014 où il remplace Arnaud Montebourg.
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Son style détonne, représentant le courant du « libéralisme social », au sein d’un gouvernement où il se retrouve en marge et attaqué par une majorité fragilisée par des frondeurs qui obligeront Manuel Valls à engager l’article 49 al.3 pour faire passer la Loi Macron en force. Ambitieux, le ministre de l’économie croît en son étoile face à des partis traditionnels en perte de vitesse. En avril 2016, il lance son mouvement En Marche!, présenté comme un mouvement citoyen en dehors du clivage gauche-droite. Ne pouvant plus assumer la casquette de ministre de François Hollande et de candidat du renouveau politique, il quitte le gouvernement le 30 août 2016 pour se consacrer à l’élection présidentielle.
Lors de la campagne pour l’élection présidentielle, Emmanuel Macron a bénéficié de nombreux soutiens et ce, de tout bords politiques, du communiste Robert Hue au libéral Alain Madelin en passant par François Bayrou. Il est accusé par ses adversaires politiques de ne pas avoir de programme clair et de ménager les électeurs en évitant les sujets provoquant des clivages. Il répond qu’il est le candidat du renouveau de la classe politique, lui qui ne s’est jamais présenté devant les électeurs, et que les partis traditionnels sont dépassés.
Au cours des différents débats, Macron est attaqué par les principaux candidats, sur sa gauche, par un Benoit Hamon qui, à l’époque, ressort en challenger sérieux suite aux primaires de la gauche, et qui tacle le libéralisme du candidat EM!, que sur sa droite, avec un François Fillon ébranlé par les affaires, qui le réduit à son état d’ex ministre de François Hollande. Solide, Macron s’en sort habilement sans toutefois convaincre sur ses propositions.
Une France écartelée au soir du 1er tour
Les sondages ne laissaient guère de doute, Emmanuel Macron devait se retrouver au second tour. Il restait toutefois à connaître son adversaire. Au cours d’une campagne marquée par des sondages très serrés jusqu’au dernier jour de campagne, Marine Le Pen et François Fillon pouvaient s’inviter au second tour, ainsi que Jean Luc Mélenchon, auteur sans doute de l’une des campagnes les plus réussies. C’est finalement Marine Le Pen qui affrontera Macron. Une Marine Le Pen qui réussit un score historique en terme de voix, avec 7,6 millions de voix, dans un premier tour marqué par la disparition des grands partis, le candidat Les Républicains rassemblant 19,91%, un score sans doute honorable au regard de la campagne difficile du candidat de la droite, et de l’écrasant échec de Benoit Hamon qui réunit quant à lui 6,35% des voix.
Le véritable enseignement de ce 1er tour reste cette photographie de la France, divisée pour les 3/4 des électeurs qui se sont déplacés aux urnes entre un candidat incarnant le libéralisme social (Macron), une candidate prônant sur le repli sur soi et la sortie de l’Euro (Marine Le Pen), mais également un candidat représentant la droite catholique « anti-système » ( François Fillon) et enfin l’extrême gauche eurosceptique ( Jean-Luc Mélenchon). Dès lors, comment penser que la France ressortira unie le soir du second tour face à de telles disparités d’opinions ?
Macron Président, puis un retour vers la 4ème République?
Fort logiquement et dans le respect de la tradition des partis « républicains », le Parti Socialiste ainsi que le parti Les Républicains ont invités leurs partisans à voter Emmanuel Macron pour faire barrage à Marine Le Pen. Cette dernière ne pouvant guère compter que sur un éventuel ralliement de Nicolas Dupont-Aignan pour progresser en terme de voix, sa tâche semble déjà condamné par le « plafond de verre ». Emmanuel Macron n’a plus qu’à gérer l’entre-deux-tours et éviter de porter l’image d’un candidat de la « France d’en-haut », candidat de la Finance et du microcosme parisien contre Marine Le Pen, candidate du peuple et des « patriotes ».
Car la victoire d’Emmanuel Macron peut vite se transformer en cauchemar le mois suivant son élection. Son mouvement citoyen, ratissant large ( parfois malgré lui ose t-on glisser dans l’entourage du candidat, presque victime de son succès) porte en lui autant la victoire du renouvellement que la défaite de l’insouciance de candidats sans expériences politiques qui n’auront pas le talent et l’aura de la star Emmanuel Macron.
Peut-il légitimement espérer comme il l’a soutenu pendant toute sa campagne que les 577 candidats d’En Marche! vont porter le renouveau de la politique Française ? On peut en douter, car si les partis traditionnels ont été balayés du 1er tour de la présidentielle, les 575 députés qui portent les couleurs d’un parti traditionnel ne laisseront pas leurs circonscriptions sur l’autel du front républicain. Dès lors, sans accord électoral (sans nul doute avec le parti socialiste, où des tractations auraient déjà eu lieu), Emmanuel Macron se retrouverait au mieux, à une coalition forcée, ou au pire, à un régime qui redeviendrait parlementaire, avec une assemblée incontrôlable, comme sous la 4ème République, où les lois seraient votées tantôt par la droite lorsqu’elles sont libérales, tantôt par la gauche lorsqu’elles sont sociales.
L’ironie du sort pour un candidat du renouveau politique est que, sans nul doute, il devra sa victoire au « front républicain » des électeurs des partis traditionnels, lui qui a privés ces électeurs de leurs candidats respectifs, et qu’il devra, pour gouverner, faire une alliance avec un mouvement politique traditionnel.
La politique ne serait-elle pas un éternel recommencement?