Tout Pour Réussir, dix minutes d’interview avec Saad Merzak. Un retour sur la carrière d’une personnalité du monde médiatique, artistique ou économique, et les raisons de son succès. Aujourd’hui Saad reçoit Mathieu Gallet. Il est le Président Directeur Général de Radio France.
Ça fait maintenant trois ans et demi que vous êtes à la tête de Radio France, est-ce que c’est le plus beau métier de l’audiovisuel ?
Je n’ai pas fait de comparaison avec les autres, mais en tout cas ça m’apporte beaucoup de satisfaction et d’épanouissement.
Depuis trois ans, quel bilan vous tirez de tout ce que vous avez fait au sein du groupe ?
Je ne sais pas si c’est une question de bilan. En tout cas je vois les réalisations qui ont été faites par les équipes. On a gagné plus de 1 100 000 auditeurs en trois ans. Ça veut dire qu’il y a un public nouveau qui nous a rejoint, et ça c’est une grande satisfaction pour moi. Ça veut dire que le travail qui avait été fait de repositionnement de chacune des chaînes pour qu’elles soient le plus complémentaire possible les unes des autres, aujourd’hui, ça a payé. Je pense qu’on est à la fois nous-mêmes, et en même temps on a changé
Il y a des réussites, mais il y a aussi quelques échecs. Par exemple Mouv’ ça ne marche pas très bien en radio, mais sur le web ça cartonne. Alors vous en êtes où ? Parce que je crois qu’il y a très longtemps vous aviez dit que…
(Coupe) Je ne suis pas d’accord avec vous parce que Mouv’ justement c’est une de mes fiertés. Ce n’est pas encore au niveau que j’attendais, c’est à dire dépasser le point d’audience. Mais depuis 2015, quand nous avons lancé Mouv’ qui a remplacé Le Mouv’ en février 2015, on a une audience qui est passée de 0.3 à 0.7. Ça veut dire qu’on a doublé l’audience entre la saison 2015-2016 et la saison 2016-2017. Aujourd’hui on a 200 000 auditeurs : il faut qu’on en ait un peu plus. En Ile-de-France on est aujourd’hui à 1,9 d’audience, tout ça bien sûr sur l’aspect seulement FM, sur un petit réseau d’une trentaine de fréquences. Evidemment comme vous l’avez dit c’est soutenu par notre présence sur les réseaux sociaux, sur les plateformes de partage, pour pouvoir donner une existence, une visibilité à la marque Mouv’ et donc à cette identité qui n’est plus du tout celle de l’ancienne radio qu’était Le Mouv’ : on est aujourd’hui une radio hip hop, RnB, tournée autour des cultures urbaines.
Je me souviens, je crois que vous aviez dit que si vous n’atteigniez pas ce fameux 1,0 en audience, à terme Mouv’ ne pouvait être qu’une webradio
Alors une webradio non, parce qu’une webradio c’est un autre modèle. On a des webradios qui font partie aussi de mes fiertés, sept webradios à FIP, à France Musique, qui sont sur une autre économie. La question qui se posera, mais pour toutes les radios, c’est la diffusion en numérique de ces radios, la RNT, un radioplayer commun… ce sont des sujets auxquels on réfléchit. Mais bien sûr l’enjeu pour Mouv’ c’est de tendre vers le point évidemment et je trouve qu’aujourd’hui la tendance est très encourageante.
L’été dernier, vous avez perdu l’une de vos têtes d’affiche de France Inter, Patrick Cohen, et votre numéro 2 Frederic Schlesinger. Comment l’avez-vous vécu ? Est-ce que c’était plutôt une déception, voire même une trahison ?
Vous savez, moi je ne fais pas de sentiments dans le travail. Je préfère travailler avec des gens avec qui on s’entend, même pour lesquels on a une certaine admiration, ce qui est le cas d’ailleurs pour les deux. Après, la vie des entreprises, elle est ce qu’elle est. Qu’après sept ans de matinale Patrick ait eu envie d’une nouvelle aventure et que Frédéric après sept ans de travail ensemble – puisqu’on travaillait déjà ensemble à l’INA – ait voulu relever le défi de relancer Europe 1, c’est tout à fait compréhensible. Donc moi je ne mets pas de sentiments sur des questions qui sont avant tout professionnelles.
Alors dans votre mercato vous avez recruté Bruce Toussaint à France Info. Quels sont les animateurs ou journalistes avec qui vous aimeriez travailler aujourd’hui et qui ne sont pas Radio France ?
Ecoutez s’il y en avait ce n’est certainement pas à vous que je le dirais (rires), mais aux intéressés en direct.
Une question plus personnelle, en tant que patron, Radio France c’est aussi des polémiques, est-ce qu’il y en a une qui vous a plus touché personnellement depuis que vous êtes arrivé à la tête de Radio France ?
L’histoire du bureau effectivement… C’était assez désagréable d’avoir au fond à s’expliquer et à s’excuser pour une décision qui était antérieure à mon arrivée. Après ça fait partie du jeu social j’ai envie de dire… Que de faire usage y compris d’une certaine mauvaise foi, voire d’une distorsion des faits, pour utiliser des éléments contre un adversaire, ou en tout cas quelqu’un qui peut déranger. Après en même temps, vous savez, pour faire ce genre de métier il faut avoir le cuir épais. Je crois que j’ai montré que je l’avais, donc bon j’ai envie de dire que j’ai passé l’éponge.
Qu’est-ce qui vous a donné envie de travailler dans l’univers des médias ?
C’est un univers qui m’a toujours intéressé quand j’étais étudiant, en tant qu’auditeur, lecteur de la presse. Je n’ai jamais eu envie d’être journaliste, ce n’est pas quelque chose qui m’a tenté. En revanche, voyant le rôle qu’ont les médias dans la vie sociale, dans la vie démocratique et citoyenne, ça donne un sens je pense à votre vie, c’est aussi pour moi une façon d’être utile.
Vous avez aussi fait un passage dans les cabinets ministériels lors de votre parcours, quels souvenirs en gardez-vous ?
Des souvenirs assez heureux, beaucoup de travail. Quand je vois qu’aujourd’hui les cabinets sont limités à dix, je ne sais pas s’ils arrivent à être complètement épanouis, car nous on devait déjà être une quinzaine et c’était déjà très exigeant. Mais c’était passionnant puisqu’on travaillait sur des dossiers très variés. On avait un sentiment d’utilité, avec une bonne ambiance, une émulation, avec des collègues qui étaient souvent des grosses tronches mais qui ne se prenaient pas au sérieux.
Vous avez seulement 40 ans et déjà un très beau CV de dirigeant. Quelles ont été vos trois meilleures rencontres professionnelles et pourquoi ?
Vous me faites puiser dans mes souvenirs ! Parmi les gens qui m’ont marqué dans mon parcours professionnel, il y a Bertrand Méheut en tant que patron du groupe Canal. J’ai vu le parcours qu’il a fait au sein de Canal, quand il est arrivé venant de l’industrie chimique, et quand je vois ce qu’il a fait de Canal en dix ans… C’est quelqu’un qui m’a appris, dans la façon dont il manageait, dans les méthodes, dans la prise de décision, dans la capacité à s’entourer… Quand on voit l’équipe qu’il y avait autour de lui et le parcours qu’ils ont fait par la suite… Ensuite les trois ministres avec qui j’ai travaillé (François Loos, Christine Albanel et Frédéric Mitterrand), j’ai eu beaucoup de plaisir à travailler avec eux, dans trois genres différents. Ce sont des rencontres qui ont compté. Et puis j’ai été l’assistant pendant quelques temps de Bob Wilson, le metteur en scène américain ; forcément même si c’est une parenthèse dans mon parcours, c’est quelqu’un qui m’a marqué, par son travail, son histoire, sa création, et sa personnalité… c’est un moment qui a marqué ma carrière.
J’ai remarqué dans votre parcours – avant vous étiez président de l’INA- à chaque fois que vous êtes candidat à la présidence d’un groupe, vous suscitez des polémiques, parfois même de la jalousie de la part de certains professionnels. Vous pensez que le succès rend jaloux ?
Le succès forcément vous rend plus visible… et donc plus enviable.
Selon le magazine Capital, 53% des Français ont une bonne opinion de vous en tant que dirigeant. Mais quel patron êtes-vous au travail ?
Déjà 53% des Français… je ne pensais pas qu’il y avait 53% des Français qui me connaissaient déjà, c’est pour ça que c’est un peu étonnant (rires). Quel patron je suis au travail ? J’essaie d’être un patron d’égal humeur. J’y veille, je ne suis pas quelqu’un ni de colérique, ni de très enjoué non plus, donc c’est vrai que ça donne parfois l’impression d’être…au fond j’ai une forme d’équanimité qui m’est chère. Je délègue beaucoup à mes collaborateurs, je leurs fais confiance, je pense que c’est le principe du management. Une fois que je leur ai donné un cap et que je leur fais confiance, je suis là aussi pour veiller à ce que j’ai demandé qu’ils fassent soit appliqué. Il y a un travail de contrôle de la mise en œuvre de la stratégie.
Quand vous ne travaillez pas, à quoi ressemble votre vie ? Pour vous détendre par exemple…
Je passe beaucoup de temps généralement dans les expositions, dans les concerts, au théâtre, même si la saison dernière je n’y suis pas allé suffisamment à mon goût. Je fais du sport aussi, et puis je passe du temps avec mes amis, ou en amoureux…un peu comme tout le monde.
Quels sont les sports que vous pratiquez durant votre temps libre ?
Généralement c’est du vélo, et je fais un peu de musculation dans un club. Très basique pour un parisien.
Le patron de Twitter Monde a dit que FIP était la meilleure radio au monde. Et vous, c’est quoi la radio que vous écoutez au quotidien, en tant qu’homme et non en tant que patron de Radio France ?
J’en écoute plusieurs… ça fait plus de vingt ans que je me réveille avec France Inter donc ça fait partie de mes habitudes. J’ai beaucoup de plaisir à écouter Culture, mais en podcasts, des émissions plutôt longues. Le soir j’écoute Info, et FIP très souvent…j’aime bien Nova aussi, et Virgin Radio. J’écoute assez peu les autres radios commerciales.
Pourquoi Virgin Radio en particulier ?
J’aime bien la programmation notamment électro de Virgin.
Votre mandat se termine en 2019. Où voyez-vous votre avenir ?
Je ne sais pas… je ne raisonne pas comme ça, je ne suis pas dans la projection de l’après. Il faudra bien sûr que j’y pense, et à l’automne 2018 il faudra que j’y pense : est-ce que j’aurai envie de candidater pour un 2e mandat ou pas ? Mais j’avoue que je ne suis pas quelqu’un qui a pensé sa carrière par anticipation.
Si jamais vous ne candidatez pas pour un 2e mandat, est-ce que France Télévisions c’est quelque chose qui pourrait vous intéresser ?
Je vous dis, aujourd’hui je suis vraiment dans l’action de ce que je fais, et je crois d’ailleurs que dans une carrière ce qui compte c’est autant les rencontres que les plans. Et je fais beaucoup plus confiance aux rencontres qu’aux plans de carrière.