Médiapart a enquêté et révèle cinquante nouveaux cas de militaires néonazis au sein de l’armée française. Des hommes qui n’hésitent pas à afficher leurs convictions néonazies alors qu’ils portent l’uniforme. Le ministère des armées reconnait que les faits sont très graves. Pour autant, afficher des convictions néonazies n’entraine pas systématiquement l’exclusion…
Mediapart a épluché de nombreux profils de militaires sur les réseaux sociaux et y a trouvé beaucoup de chose. Des saluts nazis, des croix gammées sur le frigidaire d’une caserne, des photos devant des drapeau du IIIe Reich, des militaires qui arborent le code 88 sur un sweat ou dans un pseudo… « 88 » étant le code nazi par excellence, le 8 fait référence à la huitième lettre de l’alphabet, le H. Le double 8 symbolise les initiales de « Heil Hitler ». On y trouve également des photos de militaires s’étant fait tatoués une totenkopf, l’emblème d’une division SS notamment affectée à la garde des camps de concentration et d’extermination nazis.
Plus problématique encore, « ces militaires n’hésitent plus à glorifier le nazisme non seulement sur les réseaux sociaux mais aussi au sein même de leurs régiments » précise Médiapart. Plusieurs photos et vidéos montrent en effet des drapeaux et autres symboles sans équivoque affichés au sein même des casernes.
Ces nombreux cas s’ajoutent à ceux révélés en juillet 2020 par une première enquête de médiapart. Sont concernés en tout 14 régiments de l’armée, principalement ceux de la Légion étrangère mais pas que. Sont aussi mis en cause des militaires du 3ème régiment de parachutistes d’infanterie de Marine, du 35ème régiment d’infanterie, du 132ème régiment d’infanterie cynotechnique et bien d’autres. Ces 50 militaires ne sont pas isolés les uns des autres, mais se connaissent et communiquent entre eux.
Cela pose question sur la façon dont ces militaires exercent leurs métiers. L’article cite l’exemple de Nikita H, un légionnaire d’origine Ukrainienne. Ce dernier a partagé sur son compte Instagram une vidéo de souvenirs de sa participation à l’opération «Harpie» visant à lutter contre l’orpaillage illégal en Guyane. On y retrouve une vidéo montrant quatre jeunes enfants guyanais effectuant un salut nazi. Les petits répètent « Sieg Heil ! », en effectuant un salut nazi, sans même savoir ce que cela signifie…
Une tolérance zéro du ministère des Armées
“Les éléments soulevés par l’enquête de Mediapart sont très graves et ont fait l’objet d’une analyse minutieuse”, a réagi le ministère des Armées, en soulignant que “toutes les idéologies néfastes, nauséabondes, révisionnistes, extrémistes, sont proscrites dans les armées” et qu’il n’existe “aucune tolérance” pour ces faits.
Pourtant nombre des cinquante nouveaux cas révélés par médiapart avaient déjà publié sur les réseaux sociaux des contenus nazis bien avant leur incorporation dans les rangs de l’Armée française. L’article de Mediapart expose le cas de Lucas, un jeune homme s’affichant fièrement sur Instagram vêtu d’un T-shirt à la gloire de la Division Charlemagne,une unité de la Waffen-SS. Il participe également « à un chat d’extrême droite sur la messagerie Telegram, partageant une vidéo intitulée «Guerre raciale : le fondamentalisme antiblanc, nouvelle religion de l’Occident», du néonazi français Boris Le Lay » précise le site. En décembre 2019, il prépare un dossier de candidature pour rejoindre l’armée. Mediapart décide donc d’avertir le ministère des Armées de ses agissements.
« L’institution militaire n’ignorait donc rien du profil de Lucas M. et de ses publications néonazies, le jeune homme a pourtant bel et fini par intégrer ses rangs. Il pose désormais sur les réseaux sociaux en uniforme de la Légion. Pour fêter son incorporation, il trinque « à la race et à Maurras » et se fait tatouer dans le cou « Me ne frego » (« Je m’en fous »)–une célèbre devise du fascisme italien. (…) Sur une vidéo, quelques légionnaires rangent en musique le fruit de leurs agapes. Ce qu’ils écoutent? « Cara al sol », hymne de la Phalange espagnole et symbole du franquisme. Quand il remarque qu’on le filme, Lucas M. effectue un salut nazi, ce qui provoque l’hilarité de celui qui enregistre la scène. » nous apprend pourtant Médiapart, édifiant.
Comment expliquer ces « trous dans la raquette » évoqués par Florence Parly, interrogée le 14 juillet 2020 par France Info, au lendemain des premières révélations de Mediapart? Lorsque Mediapart avait interrogé la ministre des Armées, à l’été 2020, elle répondu : « Par construction, nous n’avons pas les moyens de suivre les publications de nos 140.000 personnels lorsqu’ils s’expriment sur Internet. Tous ne font pas état de leur qualité de militaire dans leurs publications ou s’expriment sousune autre identité. […] Une minorité de soldats s’expriment via leurs comptes personnels sur les réseaux sociaux ou sur des sites extrémistes sans que l’armée de terre puisse le détecter.» Un an plus tard, relancée par Médiapart, elle répond à nouveau que «la DRSD réalise un travail immense et crucial afin de prévenir toute incursion de ce type d’idéologies dans les armées. Mais, comme Madame la ministre des armées a eu l’occasion de le dire, il faut bien entendu rester humble car aucun dispositif de détection n’est infaillible ».