Le revigorant Zombillénium sort en salles ce mercredi 18 octobre et on a rencontré les deux réalisateurs Arthur De Pins et Alexis Ducord ainsi que le compositeur des chansons, Mat Bastard. Entretien
Galerie Arludik à Paris. Une exposition de dessins inspirée de Zombillénium qui sort en salles le 18 octobre est présentée à cette occasion dans ce bel endroit. Dans un coin de la pièce, une télévision et un casque de réalité virtuelle pour vivre une expérience de quelques minutes au cœur d’un clip musical autour du film. Assez bluffant et immersif. Zombillénium, formidable d’intensité et de créativité, est la conjonction de talents démoniaques pour une réussite artistique d’enfer! Frais et revigorant! Nous avons justement rendez-vous avec les deux réalisateurs du film, Arthur De Pins et Alexis Ducord ainsi qu’avec Mat Bastard qui en a composé les chansons.
Mais c’est quoi déjà… Zombillénium ? Dans le parc d’attractions d’épouvante Zombillénium, les monstres ont le blues. Non seulement zombies, vampires, loups garous et autres démons sont de vrais monstres dont l’âme appartient au Diable à jamais, mais en plus ils sont fatigués de leur job, fatigués de devoir divertir des humains consuméristes, voyeuristes et égoïstes, bref, fatigués de la vie de bureau en général, surtout quand celle-ci est partie pour durer une éternité… Jusqu’à l’arrivée d’Hector, un humain, contrôleur des normes de sécurité, déterminé à fermer l’établissement. Francis, le Vampire qui dirige le Parc, n’a pas le choix : il doit le mordre pour préserver leur secret. Muté en drôle de monstre, séparé de sa fille Lucie et coincé dans le parc, Hector broie du noir… Et si il devenait finalement la nouvelle attraction phare de Zombillénium ?
VL : Quelle est la génèse de la BD au départ ? L’avez-vous conçue d’emblée comme une série ?
Arthur De Pins: Le tome 1 non. Il est parti d’une couverture que j’ai fait pour Spirou pour un spécial Halloween et dans lequel j’avais dessiné toute une galerie de monstres. J’ai adoré faire cette couv’ parce que je retrouvais un univers que j’avais un peu abandonné après l’adolescence donc j’étais content d’en faire. Et là, le rédacteur en chef m’a dit « On dirait que tu aimes bien cet univers, est-ce que ça te dirait pas de reprendre tes personnages et d’en faire un album ? » Je suis parti là dessus et je me suis dit que je n’allais pas faire seulement des monstres dans le sens classique du terme, qui essayent de bouffer les humains et tout ça, et je me suis posé la question « Que feraient les monstres s’ils vivaient maintenant ? Est-ce qu’ils travailleraient ? Est-ce qu’ils n’auraient finalement pas une vie proche de la nôtre ? »
Et donc là j’ai imaginé cette entreprise, ce parc d’attractions où les monstres peuvent finalement se planquer puisqu’ils vivent à visage découvert mais que les gens pensent qu’ils sont faux. Donc ça c’était le principe de Zombillénium. Et puis au fur et à mesure du tome 1 c’est devenu finalement un peu une BD d’aventures et je me suis dit que de toute façon j’allais en faire une série. C’est un univers que je savais que j’allais pouvoir développer et faire beaucoup de choses avec. C’est une commande qui en fait m’a reconnecté avec ce que j’aimais ado.
Comment est née l’idée d’en faire un film ? Il y a eu un clip à la base ?
Arthur De Pins : Le film était déjà décidé puisque le clip était le pilote du film qu’on a fait avec Mat. Faire un film d’animation ça a toujours été mon rêve. Il se trouve que je suis arrivé à ça par le biais de la BD. Pour moi c’était évident que j’allais le faire, enfin pas tout seul, c’est d’ailleurs pour ça qu’Alexis est arrivé sur le projet. J’imagine toujours mes histoires avec les personnages qui bougent. Pour moi la BD c’est un peu du cinéma sur papier. Il faut du mouvement, il faut de la musique, il faut des personnages qui dansent, qui parlent. D’ailleurs en BD, ça m’arrive parfois de me retrouver un peu coincé quand il y a un type d’humour basé sur la longueur, sur le temps. Pour faire comprendre qu’un ange passe dans une conversation par exemple, il faut répéter la case plusieurs fois. Alors que dans le film c’est instantané.
Alexis Ducord: Les champs – contrechamp en BD au bout d’un moment, s’il n’y a pas de dialogues, tu te dis qu’il y a un problème d’édition (Rires).
Comment vous vous êtes rencontrés tous les trois ?
Mat Bastard: Eux ils se sont rencontrés sur Tinder (Rires).
Alexis Ducord: Avec Arthur on se connait depuis un Festival d’Annecy puisqu’on a fait nos études pas au même endroit mais à la même période et on a tous les deux fini nos films d’études ensemble. On les a présentés à Annecy et on s’est rencontrés là-bas. Après on est restés amis et on l’est toujours d’ailleurs aujourd’hui, preuve que le film s’est bien passé, et il m’avait dit qu’il allait adapter sa bande-dessinée en film et il m’avait demandé de lire son scénario et de donner mon avis. Et ensuite il m’a proposé de venir avec lui et ça s’est fait de manière totalement naturelle.
Et vous Mat comment vous êtes arrivé sur ce projet ? Par le biais du clip ?
Mat Bastard: Oui voilà, on se connaissait avec le producteur du film Henri Magalon, à l’époque j’étais dans Skip the Use. Henri est venu me voir en concert avec Arthur et on s’est retrouvés à une terrasse, on s’est dits que ce serait rigolo qu’on se retrouve un jour sur un clip. Moi c’était un peu mon rêve de travailler sur ce genre de projet et le temps que tout se monte ça a été assez long mais j’étais dans les parages et j’ai commencé à faire des petites chansons.
Comment s’est déroulée l’écriture du scénario ? Est-ce que le travail d’adaptation par rapport à la bande-dessinée a été compliqué ?
Arthur De Pins: Oui, ça a été compliqué. Dès le début on s’est dits qu’on allait reprendre l’univers qui existe, par contre on ne cherche pas à connecter l’histoire à celle de la BD. On voulait vraiment partir de zéro, faire une histoire qui soit propre au film. L’idée par exemple que le parc est une ancienne mine c’est vraiment une idée qui est venue avec le film. On a augmenté l’univers par contre, ce qui est totalement différent c’est que le héros n’est pas le même. Le personnage d’Aurélien de la BD, il a un côté lunaire et absurde qui ne marchait pas pour le film, car ça aurait pu faire décrocher le spectateur. Hector a été façonné par cette nouvelle version du scénario. On avait besoin qu’au début il soit méchant, qu’il ait envie de s’évader, on avait besoin qu’il soit un personnage antipathique et qu’il se bonifie en devenant un monstre… Donc pour le film on a vraiment fait une histoire spécifique et évidemment il n’y a aucun besoin de connaitre la BD pour aller voir le film.
Quelles sont vos influences ? On pense à Freaks par exemple…
Arthur De Pins: Freaks oui c’est sans doute le plus connu et le principe que les humains sont des monstres et que les monstres sont des humains, c’est un grand classique et forcément là on est dans le même cas de figure. Moi je ne suis pas plus fan que ça des Romero, des films de genre, peut-être parce que je n’en ai pas vu gamin, mais j’aime beaucoup les monstres eux-même. Mes influences pour Zombillénium c’est plus le cinéma social anglais qui mêle souvent sur fond de drame social une sorte de comédie. L’exemple pour moi le plus parlant c’est Les Virtuoses (Brassed Off – 1997) dont la trame n’est finalement pas si étrangère à Zombillénium, avec toutes ces figures qui forment comme une famille et qui luttent chacun à leur manière mais en restant toujours un peu soudés. Il y a toujours un peu cet aller-retour entre le fantastique et un domaine un peu plus quotidien, mais c’était déjà le cas pour la BD.
Et vous Alexis, quelles sont vos influences ?
Alexis Ducord: Pour ce film en tout cas on s’est en effet inspirés de ce cinéma anglais pour pas mal de choses narrativement, mais pour donner des directions pour les comédiens, on avait fait regarder aux animateurs L’Aventure c’est L’Aventure par exemple, parce qu’on voulait les mêmes acting que dans ce film-là. On s’est autant inspirés de vieux films français que de trucs très actuels. Pour l’écriture, j’ai envie de dire quand on me demande quelle est la cible du film que c’est un peu comme Indiana Jones, c’est un film d’aventures familial, mais il n’y avait pas de cibles bien précises quand on a écrit le film. Après il y a un tas de choses qui nous influencent. Moi, ce que je regarde sans arrêt, ce sont les films des Frères Coen, pour l’écriture, le timing, la perfection des gags. Tout est très bien monté, c’est vraiment du cinéma d’orfèvre.
Mat comment avez-vous travaillé pour composer la musique? Vous avez travaillé sur les images finies?
Mat Bastard: J’ai travaillé sur les BD, les animatiques puis après sur les images finies. Un peu comme mes camarades je suis assez fan de la créativité musicale anglaise, car je trouve qu’ils vont beaucoup plus loin et que ce sont eux qui ont tout inventé en musique même si j’aime la production américaine. Pour Zombillénium, je trouve qu’on retrouve cette créativité anglaise, cette prise de position d’aborder des sujets qui ne le sont pas toujours et de le faire avec brio, et en même temps avec une technicité et un rendu final qui fait que quand tu enchaines Zombillénium avec un Pixar ou un Disney, tu te dis que c’est tout aussi cool. Et pour la musique c’était un peu pareil, c’était essayer d’aller au-delà de ce que les codes de la musique t’imposent mais de le faire avec un emballage qui envoie.
Quels sont vos projets après Zombillénium ?
Arthur De Pins: J’ai déjà commencé le Tome 4 de la BD toujours chez Dupuis et qui paraitra aussi dans Spirou. Ça va me prendre au moins un an donc je pense que c’est peut-être une année pendant laquelle on aura le temps de se décider si on fait un deuxième ou pas. Mais la BD surtout.
Et vous Alexis ?
Alexis Ducord: Moi je me suis tellement amusé à faire un long métrage que je n’ai plus trop envie de retourner faire de la série. J’aimerais bien en faire un autre mais c’est tellement long pour financer ou faire un film que le prochain film qui portera mon nom il ne sera pas sur les écrans avant 7 ou 8 ans (Rires).
Propos recueillis par Fred Teper
Merci à Monica Donati et Barthélémy Dupont