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On a vu pour vous … BoJack Horseman, spleen enivrant

La série de Netflix, dont la cinquième saison est d’ores et déjà renouvelée, met en exergue les tourments de la starisation, dans lesquels le personnage central, un cheval, semble piégé. Brillante.

C’est quoi BoJack HorsemanLa série relate le quotidien de BoJack (interprété par Will Arnett), un cheval ayant crevé le petit écran dans les années 90 avec une sitcom familiale, “Horsin’ Around”. Depuis, il ère seul (ou presque) dans son manoir Hollywoodien, noyant son amertume dans l’alcool et la drogue. Autour de lui gravitent des amis souvent encombrants, mais dont l’aide sera cruciale pour son retour tonitruant.

En jetant un regard bref, on pourrait croire que BoJack Horseman n’est qu’un concentré de situations absurdes, impression d’autant plus renforcée par sa galerie de personnages haute en couleurs, mêlant humains et animaux. Mais le célèbre dicton « ne pas se fier aux apparences » trouve tout son sens lorsque l’on s’y attarde, donnant à la série une tonalité dramatique et un cynisme corrosif. Le postulat est on ne peut plus simple : BoJack, un cheval anthropomorphisé, décide de faire son come-back après avoir été la star d’une sitcom dans les années 1990. Suranné, la condition de son bonheur semble résider dans la célébrité, désir communément partagé. Cette quête perpétuelle de reconnaissance donne alors lieu à une épopée fantasque, où les blagues s’enchaînent sans jamais renoncer au propos initial : les affres de la médiatisation.

« Il y aura plein de gens autour de moi quand je me suiciderai »

Là où la série se distingue de ses consœurs- South Park ou Les Simpsons en tête- c’est bel et bien par ce fil rouge qui unit les épisodes les uns aux autres, formant un ensemble cohérent. Alors que la première saison autorise un visionnage parcimonieux, les suivantes mettent fin aux épisodes unitaires, invitant à binge-watcher la série. Les personnages vont alors s’étoffer, se complexifier et se révéler, au fur et à mesure que la lumière est mise sur leur passé. On comprend ainsi que les faiblesses de BoJack, dépressif et alcoolique, ne sont pas étrangères à son enfance chaotique, privé d’amour et de repères parentaux.

La série de Netflix va en effet prendre un malin plaisir à détruire tout ce qui semble acquis, remuant en permanence nos émotions : les relations amoureuses s’effondrent, les aspirations professionnelles se fracassent contre un mur de conformisme et d’hypocrisie, les amitiés se délitent. Les délires incongrus de BoJack sont contrebalancés par ses larmes quelques épisodes plus tard, illustrant bien là ce qui distingue l’être du paraître.

Car ce qu’interroge au fond la série, c’est ce que signifie être heureux. Dans la saison 3, Bojack aspire à la récompense ultime, percevant dans celle-ci la solution miracle à son mal-être : l’oscar. Son amie Diane, chargée dans la saison 1 de lui écrire ses mémoires, le prévient alors : « Tu vas gagner cet oscar, prononcer ton discours, et tu rentreras chez toi. Et tu te sentiras tellement misérable que tu voudras te suicider. Et il n’y aura plus personne pour t’arrêter. » BoJack, entraîné par les inconnus venus profiter de sa fête et qui scandent son nom, lui rétorque, non sans fierté : « Personne ne sera là quand je me suiciderai ? Ecoute Diane ! Ecoute-les chanter ! Il y aura plein de gens autour de moi quand je me suiciderai ! » Mais cette brève euphorie est instantanément suivie d’un temps d’arrêt, où BoJack fixe le sol d’un air abattu, comme si le poids de la réalité retombait.

Dramatique, la série est également satirique, n’hésitant pas à étriller les médias et les politiques, façonneurs de l’opinion publique. Surtout, elle parvient à traiter avec une extrême justesse et beaucoup d’humour des sujets épineux et actuels, tels que le droit à l’avortement, le port des armes aux Etats-Unis ou encore les agressions sexuelles.

A l’issue des quatre saisons, on en ressort complètement subjugué par l’intelligence et l’audace qui s’y émanent- à l’image de cet épisode entièrement muet- tout en étant empreint d’une certaine mélancolie. « La vie oscille comme un pendule de la souffrance à l’ennui » disait Schopenhauer. Pourtant, une chose est sûre : l’ennui ne nous a pas guettés.

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Étudiant en science politique, explore l'Art et joue le dimanche à ses heures perdues.
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