Tournée en plein conflit, In Her Car raconte les histoires de plusieurs ukrainiens au lendemain du déclenchement de l’invasion russe.
C’est quoi, In her car ? La veille de l’offensive Russe en Ukraine, en Février 2022, la psychothérapeute Lydia (Anastasia Karpenko) roule vers Kharkiv pour finaliser son divorce. Sur une impulsion, elle décide de se mettre à disposition de ceux qui ont besoin d’un véhicule et d’un chauffeur pour se déplacer dans le pays. C’est le début d’un road trip au cours duquel Lydia va convoyer plusieurs inconnus mais aussi faire face à son propre traumatisme : celui de la mort de sa sœur Natalya, survenue lors du bombardement de la ville Louhansk, 8 ans plus tôt.
Le 24 février 2022, la Russie lançait l’offensive sur l’Ukraine. Deux ans plus tard, la guerre continue, bouleversant toujours davantage le quotidien des Ukrainiens restés sur place ou ayant fui le pays. Coproduite notamment par France Télévisions et ZDF, lancée simultanément le 21 Février sur France.tv et sur les plate-formes de plusieurs médias publics européens (avant diffusion sur France 2 le 26 Février), In her car a été tournée sur place au début du conflit. Dans un road trip de dix épisodes d’une vingtaine de minutes, Eugen Tunik qui a écrit la série raconte certaines des histoires de ces Ukrainiens plongés dans les tumultes de la guerre.
Entre traumatisme et résilience
Au cœur de la série, Lydia (extraordinaire Anastasia Karpenko) est une psychologue en plein désarroi : il y a 8 ans, sa sœur Natalya a été tuée lors de l’évacuation de Louhansk ; elle veut divorcer de Dmytro qui retarde volontairement la procédure. Alors que l’invasion russe vient juste de commencer, elle est en route pour lui faire signer des papiers lorsqu’elle prend en stop Olga, qui tente désespérément de rejoindre son village natal. Lydia décide alors de se proposer comme chauffeur à ceux qui ont besoin de se déplacer.
D’un épisode à l’autre, elle va convoyer des passagers qui, pour une raison ou une autre, ont besoin de son aide pour être véhiculés : la maîtresse de son mari qu’elle va conduire à la frontière, un jeune homme qui cherche des médicaments pour son beau-père, des Français venus voir leur fils, une vieille dame qui veut donner un violon à son petit-fils en route pour le front. A chaque fois, c’est l’histoire d’un passager différent affecté par la guerre mais aussi en toile de fond celle de Lydia, qui va devoir faire face à son propre traumatisme. Au fur et à mesure qu’elle s’interroge sur les circonstances de la mort de sa sœur, elle découvre peu à peu qu’il ne s’agit peut-être pas d’un « dommage collatéral ».
Entre récit au présent et flash-back, thérapie improvisée dans la voiture, révélations sur le passé des différents protagonistes, la série multiplie les histoires, les perspectives et les situations. Chaque épisode prend le titre d’un conte de fées, narré en voix off par Lydia : des récits traditionnels ukrainiens, qu’elle lisait à sa sœur quand elles étaient petites. Tandis que les soldats ukrainiens patrouillent, que l’essence manque, que les bâtiments s’effondrent, que les bombes tombent et que les cadavres s’amoncellent, ces histoires teintées de magie et de merveilleux prennent une dimension fantasmagorique parfois rassurante, parfois inquiétante mais toujours symbolique.
Le pouvoir de la fiction face à l’information
Même si la série se déroule dans une situation particulière où l’invasion russe affecte tout de façon criante ou plus insidieuse, il faut d’abord souligner que In her car est une série brillante, au-delà du contexte. Les histoires qu’elle nous raconte ont quelque chose d’universel : ce sont des conflits familiaux, des regrets, un sentiment de culpabilité, de vieilles rancœurs qu’il faut résoudre avant qu’il ne soit trop tard. Des problématiques dans lesquelles on peut tous se retrouver mais ici avec un caractère d’urgence à cause de la guerre qui précipite le drame, accentue le traumatisme et aussi la nécessité de réparer ce qui peut l’être et de trouver une forme de résilience. Au passage, la série se refuse à toute propagande, évite la haine envers les Russes (parfois, l’armée ukrainienne est aussi menaçante que les bombes) , n’est jamais manichéenne. In her car montre simplement des hommes et des femmes comme vous et moi, dont le destin est bouleversé par une situation internationale qui les dépasse.
Mais justement, on ne peut pas faire abstraction de la situation. Deux ans après le déclenchement de l’invasion russe, nous continuons de suivre l’évolution du conflit à travers les informations – qui ont toutefois souvent relégué les annonces après les gros titres, maintenant que le choc et l’émotion se sont estompés. C’est banalement humain : on est touché par les images de détresse et de désespoir, frappé par le décompte des morts… et on passe à autre chose Et c’est là que In her car joue un rôle essentiel.
La série s’inspire d’événements réels vécus par des Ukrainiens pendant les premiers jours de l’invasion russe. Se faisant, elle donne un nom et un visage aux acteurs de ces drames intimes, rend tangible la souffrance de ceux jusque-là anonymes. Ce n’est plus « une femme et un enfant tués à Kharkiv », c’est Olga qui a perdu sa maison ou Natalia qui a perdu la vie dans un bombardement. Et cet affect, ses noms et ses vies que l’on peut associer aux personnages font une immense différence : désormais, on ne regarde plus les infos avec le même détachement.
In her car est une série passionnante, pleine de tension et d’émotion, parfaitement écrite et réalisée, et portée par sa formidable actrice principale, Anastasia Karpenko. Ce serait déjà une raison suffisante pour qu’on vous la recommande vivement. Mais tournée en pleine guerre, cette série ukrainienne prend une toute autre dimension : grâce au pouvoir de la fiction, elle transforme les titres des informations en histoires humaines, concrètes et bouleversantes. Une série à ne pas manquer.
In her car
10 épisodes de 25′ environ.
Sur France.tv puis sur France 2 à partir du 26 Février à 22H40