Violente et cynique, The Boys, adaptation du comics, ne fait pas dans la dentelle mais elle s’avère d’emblée explosive et accrocheuse.
C’est quoi, The Boys ? Les super-héros ne sont plus ce qu’ils étaient : orgueilleux et corrompus, ils se soucient moins de faire le Bien que d’engranger les contrats publicitaires. Sous la coupe de Vought Industries, le groupe des Sept réunit les plus prestigieux d’entre eux, dont l’Aquaman-esque The Deep (Chance Crawford), le leader Homelander (un Anthony Starr méconnaissable), une Queen Maeve (Dominique McElligott) alcoolique et leur nouvelle collègue, la jeune Starlight (Erin Moriarty). Lorsque le speeder A-Train (Jessie Usher) désintègre accidentellement la petite amie du pauvre Hughie (Jack Quaid), celui-ci est sous le choc. Modeste employé dans un magasin, ce garçon pusillanime est alors contacté par Billy Butcher (Karl Urban), qui tente de le recruter pour mettre un terme aux exactions des Sept. Hughie finit par accepter, rejoignant à son insu l’équipe des Boys.
L’intérêt pour les super-héros ne semblant pas faiblir, Amazon se lance dans la bataille avec la série The Boys, adaptée du comics éponyme créé en 2006 par le dessinateur Darick Robertson et le scénariste Garth Ennis. Ce dernier n’a pas hésité à comparer The Boys à une autre de ses créations : Preacher, dont on connaît le ton violent et subversif. Seth Rogen et Evan Goldberg, créateurs de l’adaptation de Preacher pour AMC, figurent d’ailleurs parmi les producteurs exécutifs de The Boys aux cotés de Eric Kripke (Supernatural) qui endosse aussi le rôle de scénariste. A noter que la série a été reconduite pour une deuxième saison avant même son lancement.
Précédés d’une bande-annonce complètement folle, les trois premiers épisodes de The Boys font indéniablement forte impression : prometteurs, rythmés et prenants, ils sont aussi légèrement frustrants. En particulier le pilote qui, bien que très réussi, se concentre sur les super-héros et la mise en place de l’univers de la série en laissant de côté ces Boys dont la plupart des membres – Female (Karen Fukuhara), Mother’s Milk (Laz Alonso) et Frenchie (Tomer Kapon) – apparaîtront surtout dans les épisodes suivants. Dans deux récits parallèles et complémentaires, nous découvrons donc d’abord le groupe des Sept par l’intermédiaire de Starlight, et nous nous rapprochons de The Boys avec Hughie.
C’est suite à l’accident mortel dont a été victime sa petite amie que Hughie est contacté par Butcher. Se prétendant agent de la CIA, ce dur à cuire bourru dirige en réalité un groupe – The Boys – dont les membres entendent combattre les super-héros dévoyés. La dynamique entre Hughie et Butcher fonctionne immédiatement, notamment grâce aux acteurs : Jack Quaid est réjouissant dans le rôle d’un Hughie introverti et pusillanime qui refoule sa colère, et Karl Urban campe un Butcher charismatique et intrigant, à la nonchalance délicieuse et à l’humour pince-sans-rire ravageur.
De son côté, la jeune aspirante super-héroïne Annie (excellente Erin Moriarty) rejoint Les Sept. Idéaliste et enthousiaste à l’idée de travailler avec ses idoles et d’intégrer un monde dont elle rêve depuis l’enfance, celle qui répond au nom de Starlight lorsqu’elle revêt son costume va vite déchanter… Agressée sexuellement par The Deep, elle comprend que ses acolytes se sont laissés corrompre par leur orgueil et par l’appât du gain, et sont devenus des outils marketing aux mains de Vought Industries. Dirigé par Madelyn Stillwell (Elizabeth Shue), cet énorme conglomérat s’est construit sur le business des super-héros et gère leur image à grand renfort de films et de produits dérivés, étouffe les scandales et loue leurs services à des municipalités contre une substantielle redevance.
D’emblée, The Boys est accrocheuse et rythmée, violente et provocante, à la fois sombre et drôle. Si la série ne fait pas dans la finesse, le résultat n’en est pas moins efficace. Avec ses outrances et son mauvais goût assumé, elle enchaîne scènes de sexe (visite dans un bordel de super-héros ou facesitting qui tourne mal…) et violence gore visuellement impressionnante (« l’accident » provoqué par A-Train où un Hughie couvert de sang tient les bras arrachés de sa petite amie ou la formidable baston qui referme le pilote ) ; entre ironie, parodie, ridicule de certaines situations et références méta, elle est aussi pleine d’un humour acide irrésistible dans son genre.
The Boys construit un monde fantastique en réinventant les super-héros traditionnels pour en faire des « anti-super-héros » arrogants, imbus d’eux-même, corrompus et dangereux. Pour autant, le renversement de paradigme ne suffit pas à réinventer le genre, et le ton n’est pas forcément plus subversif que celui de Preacher (tiens donc…) ou de la géniale et déjantée Doom Patrol.
Mais là où The Boys se démarque, c’est lorsque la comédie noire lui sert à construire une satire acerbe. Celle-ci englobe de nombreux thèmes – harcèlement sexuel, masculinité toxique, politique sécuritaire, société de consommation, propagande médiatique, obsession pour la célébrité, main-mise des grandes entreprises sur les structures politiques, complaisance de la majeure partie du public… La transgression apparaît parfois gratuite ; le plus souvent, l’excès et l’hyperbole servent une critique acide de cette société soumise aux intérêts commerciaux et à la dictature de l’image, où les puissants (super-héros et Vought Industries) ne payent pas pour les conséquences de leurs actes et semblent au-dessus des lois. C’est précisément ce qu’entendent combattre The Boys dans ce monde qui – super-héros mis à part – n’est pas sans rappeler le nôtre…
A travers son univers fantastique de super-héros dévoyés et contrôlés par des grandes entreprises, The Boys esquisse une satire cynique et sans concession d’un monde parfois un peu trop proche du nôtre. La critique est toujours présente en arrière-plan, mais elle s’appuie d’abord sur une histoire accrocheuse, haletante et pleine de scènes-choc impressionnantes. Sombre, violente et drôle, The Boys offre en fin de compte une vision alternative qui séduira certainement les adeptes du genre et réjouira ceux qui en ont marre des super-héros classiques qui pullulent sur les écrans.