La série policière Rapa se concentre davantage sur le mobile que sur l’identité de l’assassin, dans les paysages sauvages de la Galice.
C’est quoi, Rapa ? Tomas Hernandez (Javier Camara), professeur de littérature dans une petite ville de Galice, se promène près d’une falaise lorsqu’il découvre un cadavre. Il s’agit de celui de Amparo Seoane, la maire du village de Cedeira qui, en vingt ans passés à la tête du conseil municipal, s’est fait autant d’alliés que d’ennemis. La Guardia civil confie le dossier au sergent Maite (Monica Lopez) qui s’intéresse à l’entourage de la victime mais aussi aux affaires dans lesquelles elle aurait pu être impliquée. Dans le même temps, Tomas ne cesse de repenser à la découverte du corps ; atteint de SLA et dépressif, il trouve dans ce crime un dérivatif à sa léthargie et décide alors d’enquêter de son côté…
Créateurs de la série Hierro, les frères José et Pepe Coira et le scénariste Fran Araujo avaient envie de poursuivre leur collaboration en retournant dans leur région d’origine, la Galice. Bien sûr pour des raisons affectives envers cet endroit qu’ils connaissent évidemment très bien, mais aussi parce que le lieu leur semblait suffisamment emblématique pour apporter une atmosphère particulière à une série policière, entre chaîne de montagnes, falaises et landes sauvages.
Un peu à la manière des Nordic noir ou de séries britanniques comme Broadchurch ou Shetland, Rapa exploite donc le décor qui joue dès lors un rôle non négligeable en tant que cadre géographique, topographique mais aussi socio-culturel. La première des trois saisons que compte pour le moment la série est diffusée les 13 et 20 Février sur Arte, et elle est disponible sur Arte.tv.
Duo classique et coupable connu dès le début
Rapa est un thriller policier aussi classique que solide et efficace, qui ne cherche pas à révolutionner la série policière. La seule surprise réside dans le fait que, contrairement à la plupart des séries du genre, on découvre l’identité du coupable dès la fin du premier épisode, soit bien avant les deux héros. La question centrale n’est donc pas de savoir qui a tué mais pourquoi, mais aussi de découvrir comment le meurtre impacte toute la communauté, notamment le tueur et les les deux personnages principaux. Ce choix narratif permet au public de se concentrer sur d’autres aspects de l’intrigue, sans perdre de vue l’objectif de Tomás et Maite.
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C’est ce duo atypique qui va tenter de résoudre ce meurtre. Lui, un professeur de littérature asocial atteint de SLA, trouve dans l’enquête une motivation qui lui permet de sortir de sa dépression et de sa léthargie. Elle, mariée et mère d’une adolescente, est la sergent de la Guardia Civil officiellement chargée de l’affaire. S’ils commencent leurs investigations chacun de leur côté, leurs trajectoires vont se rejoindre à partir du troisième épisode et c’est ensemble qu’ils vont poursuivre leur enquête – bien que Maite soit d’abord réticente à laisser un civil s’immiscer dans l’affaire.
Duo atypique – mais dynamique classique. A partir de ses deux personnages qui, a priori, n’ont aucune raison de collaborer et qui ne s’entendent pas forcément, Rapa parvient toutefois à construire deux héros intéressants et complexes. Javier Camara apporte à Tomás, pourtant au départ rustre et assez antipathique, de nombreuses nuances psychologiques qui finissent par le rendre attachant. Monica Lopez est tout aussi convaincante dans le rôle de Maité, jeune femme qui doit constamment faire ses preuves face à ses homologues masculins.
Une enquête convenue, mais entre paysages galiciens et traditions locales
On l’a dit, Rapa est bien construite, et son intrigue est suffisamment imprévisible pour qu’on se prenne au jeu. Mais elle n’a rien non plus de particulièrement original, une fois passée la révélation rapide du coupable. En revanche, elle se démarque par l’utilisation du cadre de la Galice, autant dans sa topographie que dans le contexte socio-économique de la région, qui joue un rôle prépondérant dans l’histoire.

S’il y a bien quelques scènes d’action, l’investigation est avant tout méthodique avec un rythme posé. L’enquête s’oriente rapidement vers les rivalités et dynamiques au sein du conseil municipal et du conseil régional, des tensions entre industriels et agriculteurs, des questions financières impactant le développement du territoire, de la corruption et du trafic d’influence. La maire assassinée envisageait en particulier d’autoriser l’implantation d’une mine de matériaux rares dans la montagne de Cedeira – l’investissement financier des exploitants permettant la création de nombreux emplois mais supposant la destruction de l’environnement et la pollution des zones d’agriculture et d’élevage, engendrant la colère de nombreux habitants.
Dans ce contexte, Rapa se démarque par son atmosphère. D’abord, avec les décors somptueux de la Galice, souvent magnifiés par des prises de vue aériennes impressionnantes. Ce sont des paysages et lieux emblématiques de la région de la Serra da Capelada, une zone rurale entre mer et montagne où les hautes falaises bordent les vastes espaces où galopent librement les chevaux sauvages. Mais c’est aussi tout un contexte culturel.
L’exemple le plus marquant est contenu dans le titre, Rapa, qui renvoie à la Rapa das Bestas : une fête populaire spectaculaire au cours de laquelle on rase la crinière des chevaux sauvages afin de les vermifuger et de les soigner. Cette tradition, montrée dans le troisième épisode, est non seulement passionnante à découvrir mais elle a aussi toute sa place dans l’intrigue. C’est toute la force de Rapa qui, malgré une intrigue finalement assez convenue, construit une ambiance et une atmosphère particulières.
Avec son intrigue bien construite et son casting brillant, Rapa est une bonne série. Sans extravagance et sans prise de risque, mais c’est une série policière qui fait ce qu’on attend d’elle, qui séduira sans aucun doute les amateurs du genre. En revanche, là où Rapa se démarque, c’est dans l’utilisation parfaite de son cadre géographique et culturel, qui lui permet une autre approche de l’enquête. Plus qu’une série espagnole, c’est une série galicienne – qui ne pourrait pas se dérouler ailleurs.