A la veille du scrutin de 2020, The Comey Rule revient sur l’affaire des e-mails d’Hillary Clinton et l’ingérence de la Russie lors des élections de 2016.
C’est quoi, The Comey Rule ? Nommé directeur du FBI par Barack Obama (Kingsley Ben-Adir), James Comey (Jeff Daniels) est confronté à deux affaires délicates à l’approche des élections de 2016. Des soupçons pèsent en effet sur la candidate démocrate Hillary Clinton, qui aurait utilisé son e-mail personnel pour échanger des informations sensibles ; dans l’ombre, la Russie semble tenter d’influencer la campagne en faveur du candidat républicain, Donald Trump (Brendan Gleeson). Comey lance une enquête, bien que sachant pertinemment que celle-ci aura un impact sur le scrutin.
Quelques semaines avant les élections américaines, Showtime a lancé sa mini-série The Comey Rule (en France sur Canal + ce 29 Octobre). Basée sur un livre écrit par l’ancien directeur du FBI James Comey, elle retrace en quatre épisodes la succession d’événements qui ont contribué à porter Donald Trump au pouvoir en 2016 et le rôle – involontaire – qu’a joué l’auteur qui est aussi son personnage principal.
Le récit commence en 2013, lorsque Obama nomme James Comey au poste de directeur du FBI. Malgré leurs points de vue divergents, Comey gagne la confiance du président grâce à sa droiture morale et son idéalisme ; attentif à chacun, il est vite apprécié de tous ses subalternes. Trois ans plus tard, à quelques semaines des élections, deux affaires éclatent simultanément : le FBI soupçonne la Russie de tenter d’influencer le scrutin à travers des rumeurs et fausses informations, et Hillary Clinton aurait utilisé un compte e-mail personnel non sécurisé pour envoyer des messages évoquant des sujets sensibles. Comey lance une enquête en incitant les agents à la plus grande prudence, conscient des conséquences inévitables sur l’élection. Pourtant, malgré toutes ces précautions, l’affaire va bouleverser le scrutin et Donald Trump va devenir président des États-Unis.
La seconde partie débute au lendemain de l’élection de Trump. Obama, encore en poste pour quelques mois, découvre avec effarement l’ampleur de l’ingérence russe… mais c’est à Trump que doivent désormais répondre les différents services. Et c’est James Comey qui doit l’informer des conclusions des enquêtes, des dossiers que possède la Russie et des éventuels moyens de pression dont elle dispose à son encontre. Trump exige de Comey sa loyauté voire son obéissance ; tous deux ont des systèmes de valeurs et des visions radicalement différentes. L’affrontement, inévitable, sera dévastateur pour le directeur du FBI.
The Comey Rule aborde directement la figure de Trump et sa présidence d’un point de vue dramatique et réaliste. Elle nous plonge dans les coulisses du pouvoir, à l’un des moments les plus importants de l’histoire récente des États-Unis : l’enquête diligentée par le FBI sur les e-mails de Hillary Clinton, les rumeurs sur l’ingérence russe, la victoire inattendue de Trump, les conséquences sur l’administration au cours des premiers mois de son mandat. Les événements, les décisions et les actions de tous les personnages impliqués ont contribué à construire la carrière des uns et à détruire celle des autres, et surtout à façonner la scène politique américaine et mondiale que nous connaissons aujourd’hui.
C’est un série intéressante, basée sur des faits réels ; elle relate les événements de manière méthodique, sans jouer sur l’empathie avec son héros, avec beaucoup d’informations et l’utilisation d’images d’actualité. C’est à la fois sa force et sa faiblesse : The Comey Rule est bavarde et parfois austère, voire difficile d’accès pour qui n’est pas versé dans les subtilités de la politique et de l’administration américaines mais c’est aussi ce qui lui permet de naviguer dans des zones d’ombre. Même si l’on sait à peu près ce qui s’est passé lors des élections de 2016, on découvre des détails et des nuances qui approfondissent grandement l’histoire.
La série vaut aussi pour son casting, qui réunit Kingsley Ben-Adir (The OA), Holly Hunter (Saving Grace), TR Knight (Grey’s anatomy), Scoot McNairy (Halt and catch fire), Michael Kelly (House of cards), Jonathan Banks (Breaking Bad)… dans les rôles de protagonistes ayant réellement joué un rôle dans ces affaires. A noter que bizarrement, parmi les personnages essentiels, seule Hillary Clinton n’est pas incarnée par une actrice (elle n’apparaît que dans des images d’actualité de 2016.)
Ce sont toutefois Jeff Daniels (The newsroom) et surtout Brendan Gleeson (Mr Mercedes) qui portent The Comey Rule sur leurs épaules. Le premier reste toutefois assez terne dans le rôle de Comey mais ce n’est pas de sa faute, l’homme n’ayant rien de flamboyant ; c’est un bureaucrate compétent et idéaliste dépassé par les conséquences de ses décisions et de ses erreurs. En revanche, le second est très… surprenant dans la peau de Trump, ici dépeint comme un type cynique, vindicatif, brutal et orgueilleux. En imitant à la perfection les mimiques, le phrasé et même la démarche du président américain, l’acteur frôle la parodie et au premier abord, on se dit qu’il en fait trop… Mais son interprétation n’est peut-être pas aussi caricaturale que ça : on s’en rend compte en voyant des images du vrai Donald Trump. Après tout, lui-même n’est-il pas dans l’outrance et la représentation permanente ?
Intéressante, The Comey rule est néanmoins discutable, et elle ne convaincra que ceux qui sont déjà acquis à sa cause. Bien que s’en tenant aux faits, elle s’appuie sur le point de vue de James Comey et n’est donc pas aussi neutre qu’elle veut le faire croire ; par exemple, le portrait de Trump et de son administration est aussi dévastateur que simpliste. Malgré tout, et si l’on tient compte de ces réserves, The Comey Rule contextualise l’élection de Trump et les premiers mois de sa présidence, en autorisant une réflexion moins sur l’actuel locataire de la maison blanche que sur l’enchaînement des faits qui lui ont permis d’y accéder. Et qui ont encore des répercussions aujourd’hui, si près des élections de 2020.