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On débriefe pour vous … Altered Carbon (Netflix), science-fiction superficielle

Mélange de polar et de science-fiction, Altered Carbon est efficace sur certains plans mais peut décevoir par son manque de profondeur.

C’est quoi, Altered Carbon ? Au XXIVème siècle, la mort n’est plus définitive : il est désormais possible de sauvegarder la conscience et la mémoire pour les transplanter dans un nouveau corps. Condamné pour terrorisme à un sommeil de plusieurs siècles, Takeshi Kovacs (Joel Kinnaman) est ramené à la vie dans le corps d’un policier : il travaille désormais pour Laurens Bancroft (James Purefoy), millionnaire assassiné qui l’engage afin d’élucider sa propre mort, en échange d’une amnistie complète et d’une récompense substantielle. Avec l’aide de l’agent Ortega (Martha Higareda), Kovacs va donc enquêter sur ce meurtre et se confronter à son passé au cours de son investigation.

Adaptation très attendue du roman de Richard K. Morgan, précédée de bandes-annonces spectaculaires, Altered Carbon a fait beaucoup parler, avant même son lancement. Le résultat ne fait pas forcément l’unanimité : beaucoup ont été conquis ; d’autres (à l’instar de l’auteure de ses lignes) sont plus réservés. Il y a indéniablement de très bonnes choses dans Altered Carbon, mais le traitement superficiel des sujets les plus intéressants peut aussi décevoir.

Dans sa mise en œuvre, Altered Carbon développe un mélange insolite mais réussi de polar des années 1950, de scènes d’action et de science-fiction,en s’appuyant sur l’intrigue qui sert de déclencheur – le meurtre de Bancroft et l’enquête qui en résulte. L’enquête, solide et convaincante, est traitée à la manière des films noirs tirés des classiques de Raymond Chandler ou Dashiell Hammet – scènes de sexe explicites, nus frontaux et violence graphique en plus. Les rues brumeuses du San Francisco du Faucon maltais ont laissé la place à un futur dystopique et cyberpunk, quelque part entre Blade runner et Ghost in the shell, avec voitures volantes, enseignes au néon et pluie incessante. Le choc n’en est que plus violent, lorsqu’on passe de la ville sale et grise au manoir de Bancroft, lumineux et immaculé. Visuellement magnifique, jouant sur la photographie et la gamme chromatique (couleurs claires et lumière naturelle d’un côté, tons sombres et lumières synthétiques de l’autre), Altered Carbon est une explosion de couleurs et d’effets spéciaux.

Le futur d’Altered Carbon, Bladerunner-esque et spectaculaire

 

Complexe, la narration se joue sur plusieurs niveaux : c’est un labyrinthe parfois confus entre présent et passé. Les flash-backs centrés sur Kovacs dans sa vie précédente donnent plus de profondeur au personnage, notamment dans sa relation avec sa sœur Rei (Dichen Lachman); de plus, Will Yun Lee (le Kovacs « original ») se révèle plus intense et convaincant qu’un Kinnaman au jeu un peu monotone. Les autres personnages sont en général bien interprétés : par exemple, James Purefoy saisit le mélange de folie mégalomane, d’ironie et d’orgueil patriarcal de Laurens Bancroft ; et Chris Conner est irrésistible dans le rôle de Poe, intelligence artificielle qui dirige l’Hôtel Raven . (Au passage, les références malicieuses à l’écrivain dont il porte le nom sont délicieuses. A noter que dans le roman, le personnage est inspiré de Jimi Hendrix).

 Takeshi Kovacs : avant / après (ou l’inverse)

 

La première impression est donc plutôt positive : le pilote comporte plusieurs scènes-chocs (le réveil de Kovacs), l’ambiance est immersive, la mise en scène sensationnelle, et la situation et les personnages rapidement mis en place. Malheureusement, ce premier épisode n’est rétrospectivement qu’une suite de promesses non concrétisées. Après cette introduction réussie, Altered Carbon fait le choix de la facilité, se focalisant sur ses scènes d’action et sur son intrigue criminelle, négligeant les richesses offertes par le roman. Dans l’œuvre de Morgan, la science-fiction sert de base à une réflexion, comporte plusieurs niveaux de lecture et d’interprétation ; la série, en revanche, n’en exploite que la dimension visuelle.

On a grossièrement résumé l’histoire ; en réalité, elle est beaucoup plus complexe. En 2384, la technologie permet de stocker la conscience des humains dans des disques téléchargeables qui peuvent être implantés dans un autre corps, biologique ou synthétique. Le procédé n’est toutefois pas à la portée de tous : l’immortalité est surtout l’apanage d’une poignée de riches et puissants (les Mats – de Mathusalem) qui ont les moyens de revivre éternellement dans leur propre corps. La majorité des gens n’ont pas accès à un nouveau corps et restent en « pause » ; ou alors, ils ne choisissent pas leur nouvelle enveloppe et se contentent de celles qui sont disponibles et se retrouvent dans un corps du sexe opposé ou d’un âge différent. Des corps qui viennent de la frange la plus pauvre de la population, et qui sont sans cesse recyclés.

Le duo Ortega / Kovacs : enquête classique dans un univers qui l’est moins.

 

D’une richesse incroyable, l’histoire ouvre une multitude de possibilités, ici traitées sommairement avec une symbolique simpliste et reléguées derrière les scènes d’action. Par exemple, le hiatus entre la religion et le désir d’immortalité ; la fracture socio-économique ; l’exploitation des plus pauvres ; l’idée de justice ; la dimension Nietzschéenne des Mats …Des sujets dilués dans Altered Carbon , où l’intrigue principale reste l’enquête de Kovacs et ses multiples ramifications. Soit une histoire pleine de violence (contre les femmes en particulier), de sexe, de drogue, et de corruption, où les implications de l’immortalité accordée à l’homme apparaissent presque secondaires.

Alors bien sûr, l’ensemble reste globalement efficace, grâce aux points précédemment évoqués : c’est déjà pas mal. Mais pour peu qu’on soit un minimum exigeant, on a le sentiment que e toutes les qualités de la série sont éclipsées par son incapacité à exploiter une histoire, pourtant cohérente et assez bien écrite, pour déborder du cadre du simple polar futuriste et s’ouvrir sur une réelle réflexion. Ce qu’une série comme Transferts, pourtant moins spectaculaire, avait parfaitement réussi.

Et vous pensiez avoir des réveils difficiles…

 

Au final, Altered Carbon est une bonne série de science-fiction. Il suffit juste de ne pas en attendre autre chose que ce qu’elle est : une histoire spectaculaire et divertissante, qui vaut surtout pour l’univers futuriste dans lequel elle se déroule. Altered Carbon reste cependant cantonnée au premier degré, quand elle aurait pu être plus profonde et ambitieuse.  Vraie réussite ou petite déception : à chacun d’en juger.

Altered Carbon – Netflix
10 épisodes de 50′ environ
Disponible depuis le 2 Février.

About author

Traductrice et chroniqueuse, fille spirituelle de Tony Soprano et de Gemma Teller, Fanny Lombard Allegra a développé une addiction quasi-pathologique aux séries. Maîtrisant le maniement du glaive (grâce à Rome), capable de diagnostiquer un lupus (merci Dr House) et de combattre toutes les créatures surnaturelles (vive les frères Winchester), elle n'a toujours rien compris à la fin de Lost et souffre d'un syndrome de stress post-Breaking Bad
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