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On débriefe pour vous… Anna, fable post-apocalyptique choc

La série italienne Anna, présentée à Séries Mania et déjà disponible sur Arte.tv arrive ce soir. Elle se révèle aussi bouleversante que choquante avec ses airs prémonitoires. 

C’est quoi, Anna ? Anna (Giulia Dragotto) veille sur son petit frère Astor (Alessandro Pecorella) comme elle l’a promis à sa mère (Elena Lietti) mourante. Le monde a été ravagé par une maladie infectant l’ensemble de la population, qui épargne les enfants mais tue les adultes. Au cœur de la Sicile, livrés à eux-mêmes, le frère et la sœur tentent de survivre dans le chaos général d’une île dévastée , en proie à l’anarchie et la violence. Lorsque Astor est enlevé par un groupe d’enfants obéissant à la mystérieuse  Angelica, (Clara Tramontano), Anna part à sa recherche avec l’aide de Pietro (Giovanni Movilla) ; prête à tout pour retrouver Astor, elle s’expose à de multiples dangers. 

Apparemment, Niccolò Ammaniti a pris goût aux séries : après sa création originale Il Miracolo, le romancier italien renouvelle l’exercice avec l’adaptation de son livre éponyme Anna. Une mise en images à la fois semblable et différente du texte : à l’écran, l’histoire étend la perspective, multiplie les personnages et donne une dimension plus globale et encore plus poignante à l’ensemble. 

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Nous sommes en Sicile, alors qu’une pandémie mortelle a infecté toute la population mondiale : les adultes en meurent, les plus jeunes survivent jusqu’à l’âge fatidique. L’histoire est celle de Anna, une jeune fille de 13 ans qui a promis à sa mère de veiller sur son petit frère Astor après sa mort. La maman est décédée depuis plusieurs années maintenant, laissant ses enfants livrés à eux-mêmes dans un monde aux airs post-apocalyptiques, plongé dans l’anarchie et la violence.

Livrés à eux-mêmes

Ce qui frappe d’abord, c’est bien cet univers particulier, impressionnant de beauté et d’horreur. Dans cette Sicile où la nature a repris ses droits, la disparition des adultes a engendré une sorte de mélange entre Mad Max Fury Road et Peter Pan. C’est un monde à la fois bucolique et fantomatique, féerique et cauchemardesque :  la beauté des forêts luxuriantes et des littoraux contraste avec les ordures et le sang, les rues où s’empilent les voitures en panne, les maisons délabrées envahies par les gravats et les déchets.  Le tout, au son d’une musique oscillant entre mélodies aériennes et tribales, mais aussi de chansons emblématiques de Loredana Bertè, Frank Sinatra ou Cristina Donà (qui signe le générique avec son titre Settembre). 

De petite fille à adolescente, on s’attache à Anna,  obligée de grandir trop vite et d’assumer des responsabilités écrasantes ; elle ne peut compter que sur son instinct et sur le Livre des choses importantes (un manuscrit laissé par sa mère qui explique par exemple comment reconnaître les bons aliments des mauvais). Le reste, Anna l’apprendra par elle-même, à ses risques et périls, en particulier lorsqu’elle se lance dans un périple à travers l’île pour secourir Astor, enlevé par une bande d’enfants dignes de Sa Majesté des mouches. 

On vit tout à travers le regard de Anna, et la série «  vomit » sur nous un récit dévastateur.  C’est presque une odyssée, littéralement et symboliquement, constellée de moments de pure beauté et de scènes angoissantes voire terrifiantes – on croirait parfois plonger la tête la première dans l’effrayant tableau  Jeux d’enfants de Brueghel l’Ancien. Un monde post-apocalyptique voué à la destruction (tous meurent en atteignant l’âge adulte et donc sans pouvoir perpétuer la vie), dont les seuls survivants sont des enfants encore naïfs et insouciants mais corrompus trop tôt par la souffrance : ils sont devenus brutaux, sont envahis par une soif de pouvoir et / ou de violence bestiale et même le jeu prend une dimension perverse et horrifique. 

Portée par de jeunes acteurs formidables, dont la fascinante Giulia Dragotto dans le rôle titre, la série retrace le parcours de Anna en l’entrecoupant de flash back plus ou moins longs, offrant un regard sur le passé de chaque personnage et expliquant partiellement leur comportement actuel. Une grande partie des scènes du passé concerne aussi la maman de Anna et Astor ; mais même lorsqu’elle n’est pas présente, Maria Grazia est le moteur de l’histoire – jusqu’au dénouement. 

Qu’il soit romancier ou scénariste, l’écriture de Ammaniti est incisive et ravageuse. Il nous plonge brutalement dans les entrailles d’une société où les enfants sont livrés à eux-mêmes, où règnent la loi de la jungle et du chacun pour soi. L’action toute entière se déroule dans le contexte d’une pandémie, quasiment à partir de ses débuts. Or, le roman est paru en en 2015, le tournage de la série s’est achevé quelques mois avant le début de la pandémie de Covid (comme l’explique un insert en début de chacun des six épisodes.) : il y a donc quelque chose de profondément perturbant, lorsque les personnages parlent de cette maladie qui touche les poumons, dont on se protège en évitant les contacts sociaux et en se confinant, tandis que le vaccin mis en place n’est pas efficace face aux variants… 

Pensée au départ comme une pure dystopie, Anna a été rattrapée par l’actualité et prend parfois des airs prémonitoires – espérons-le, pas prophétiques. C’est toutefois un élément déterminant dans le sens où il rend encore plus fortes la réflexion et les thématiques qui sous-tendent tout le récit, bien que la perspective coïncide autant avec  la crise sanitaire que le contexte écologique.  Dans Anna, le monde s’effondre et l’avenir est entre les mains des enfants et des adolescents : sauront-ils tirer la leçon des événements dramatiques, exploiter les enseignements laissés par les adultes et ne pas réitérer leurs erreurs ?  

Pleine de scènes d’horreur pure qui côtoient des moments de beauté mélancolique, Anna est une série où le rêve et le cauchemar s’entremêlent sans cesse. Une histoire brutale, pénible à regarder, poignante et bouleversante. Et pourtant… On termine le dernier épisode avec un sourire aux lèvres ; un sourire  doux-amer, à l’image du destin de cette héroïne qui ressent tout le poids de la tragédie qu’elle a vécue, mais qui regarde le ciel en gardant l’espoir que, après la nuit, le soleil se lèvera à nouveau.  

Anna
6 X 50′ environ.
Sur ARTE.TV, et dès ce soir sur Arte

About author

Traductrice et chroniqueuse, fille spirituelle de Tony Soprano et de Gemma Teller, Fanny Lombard Allegra a développé une addiction quasi-pathologique aux séries. Maîtrisant le maniement du glaive (grâce à Rome), capable de diagnostiquer un lupus (merci Dr House) et de combattre toutes les créatures surnaturelles (vive les frères Winchester), elle n'a toujours rien compris à la fin de Lost et souffre d'un syndrome de stress post-Breaking Bad
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