Fallout reprend les codes et l’univers du jeu vidéo pour raconter une histoire inédite avec de nouveaux personnages.
C’est quoi, Fallout ? Nous sommes en 2296, 200 ans après une guerre nucléaire. Une partie de la population mène une vie paisible dans des abris souterrains rétro futuristes dignes des années 1940 ; à la surface, les autres survivent dans le « wasteland » dévasté et irradié où pullulent faune mutante, gangs de pillards et cannibales. Dans l’abri 33, Lucy (Ella Purnell) voit son père enlevé par des gens de l’extérieur : elle décide de monter à la surface pour le retrouver. Son chemin va croiser celui de Maximus (Aaron Moten), membre de la Confrérie de l’Acier, et d’un chasseur de prime surnommé la goule (Walton Goggins), qui a survécu depuis les attaques nucléaires. Ils ont le même objectif : retrouver un scientifique qui a en tête (littéralement) une idée qui pourrait tout changer.
Fallout pour les gamers – et pour les autres
Si Hollywood a souvent tenté d’adapter au cinéma les jeux vidéo les plus populaires, ce sont aujourd’hui les séries qui se lancent dans l’aventure. Après la série animée Arcane (tirée de League of Legends), Halo ou The Last of Us, c’est au tour de Fallout de débarquer sur Prime vidéo, avec Jonathan Nolan et Lisa Joy (Westworld) comme producteurs et Genève Robertson-Dworet et Graham Wagner comme showrunners.
Fallout fait partie de ces jeux où l’on avance à son rythme, où l’on choisit son personnage et où, même s’il y a une mission à accomplir, on peut faire des détours pour explorer son univers. Adapter un jeu comme celui-ci entraîne donc des difficultés, ne serait-ce qu’en raison de la nécessité de créer une structure narrative dans une durée et un nombre d’épisodes limités. La série a choisi de raconter une histoire inédite, non tirée du jeu, mais en reprenant l’univers, les codes et en expliquant rapidement la situation générale. De sorte que ceux qui n’ont jamais touché une console de leur vie ne seront pas perdus tandis que les gamers profiteront d’une multitude de clins d’œil sans avoir l’impression d’une redite.
Une apocalypse, trois personnages
Longs de plus d’une heure, les deux premiers épisodes souffrent du caractère nécessairement introductif de cette première saison. Il reste toutefois suffisamment d’éléments, d’intrigues et d’action pour qu’on se laisse emporter par l’histoire. Ou par les histoires, avec trois personnages qui évoluent en parallèle jusqu’à ce que leurs parcours se croisent. Lucy, Maximus et la Goule sont au cœur de la série – même si d’autres intrigues se jouent en arrière-plan, comme lorsque le frère de Lucy s’interroge sur certains mystères liés aux abris.
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L’idée de construire le récit entre trois protagonistes est parfaite pour « raconter » l’univers de Fallout, d’autant que chacun en illustre un aspect différent. Lucy, surprotégée dans l’abri, est notre porte d’entrée vers le Wasteland ; Maximus nous présente la confrérie de l’acier, organisation militaire avec ses soldats revêtus d’une armure à la Transformers ; la Goule nous guide à la surface mais aussi dans le passé, grâce à des flash-back pré-apocalypse.
Ces personnages fonctionnent individuellement et dans leurs interactions, notamment grâce aux acteurs. En particulier Ella Purnell, parfaite dans le rôle de Lucy confrontée à la brutalité et la sauvagerie de la surface mais qui garde un mélange de naïveté et d’optimisme. Toutefois, c’est bien Walton Goggins qui « dévore » l’écran : il est sinistrement drôle ou drôlement sinistre dans le rôle de La Goule, avec des punchlines qui font mouche et, dans les flash-back où on le retrouve sous l’identité de l’acteur Cooper Howard, il ajoute l’émotion et l’arrière-plan nécessaires au personnage. Citons aussi quelques noms réjouissants au casting : Kyle MacLachlan, Michael Emerson ou le toujours génial Matt Berry.
Une apocalypse pas si sérieuse
L’une des réussites de la série, c’est qu’elle transmet au spectateur (et plus encore au joueur) le sentiment d’être dans l’univers de Fallout tout en faisant oublier qu’elle est basée sur un jeu vidéo. Les fans y retrouvent l’esthétique des abris, le célèbre Pip-boy, le chien Canigou, la technologie présente dans les jeux. Mais au fil des épisodes, on pense davantage à Mad Max, aux westerns spaghetti du genre Le bon, la brute et le truand, à Westworld , Silo… Et surtout à Doom Patrol et The Boys, avec une propension réjouissante à l’humour noir et au gore.
Car si Fallout reste une fiction post-apocalyptique, elle n’est finalement pas aussi anxiogène ni aussi sérieuse que The Last of Us ou The Walking Dead. Certes, on trouve des thèmes comme la guerre froide, le racisme, les rapports entre science et pouvoir, l’épuisement des ressources énergétiques ou la puissance de nuisance des grandes entreprises, mais le monde de Fallout est d’une folie macabre et sarcastique qui désamorce la tension.
On est plongé en permanence dans un univers acide, ironique, grotesque où tout est vu avec la distance de l’humour noir, de l’outrance et d’une bonne dose d’auto-dérision. Il y a un décalage absurde entre le dramatique et la brutalité des situations, les répliques naïves de Lucy ou les sarcasmes de La Goule, la violence stylisée et sanglante de certaines scènes et les chansons charmantes et désuètes des années 1940 et 1950. Comme le massacre du premier épisode, où les membres sont arrachés au son de la douce Some Enchanted Evening. Une drôle d’apocalypse, décidément.
Très attendue, Fallout a trouvé le moyen d’adapter en série un jeu vidéo aussi populaire. En s’emparant du meilleur du matériau original (en l’occurrence le décor, l’atmosphère et l’humour grotesque) tout en s’écartant des scénarios du jeu avec une intrigue qui enrichit le lore existant, elle peut ainsi contenter les fans mais aussi séduire un public plus large. Décalée et originale, avec des scènes marquantes, une bande originale charmante plaquée sur une esthétique violente et forte, un formidable « bad guy », et un univers qui ne demande qu’à être exploré, Fallout est une indéniable réussite.
Fallout
8 épisodes de 45’ à 70’
Sur Prime Video