Sofía Vergara brille dans le rôle d’une narcotrafiquante, héroïne (!) de la mini-série Griselda des créateurs de Narcos.
C’est quoi, Griselda ? Après une dispute sanglante avec son mari, Griselda Blanco (Sofía Vergara) a quitté la Colombie en 1978 pour Miami, où elle emménage chez son amie Carmen (Vanessa Ferlito) avec ses trois fils. Griselda a eu la bonne (?) idée d’emporter avec elle un kilo de cocaïne qu’elle décide de vendre pour gagner rapidement l’argent nécessaire pour s’installer. Avec l’aide de Chucho (Fredy Yate), engagé comme garde du corps, elle approche les trafiquants locaux, dont Amilcar (José Zúñiga) et son bras droit Rivi (Martin Rodriguez). Ce n’est que le début de la montée en puissance de Griselda qui, peu à peu, va se frayer un chemin jusqu’au sommet du trafic sans pitié contrôlé par les cartels et dominé par des hommes. Dans le même temps, l’officier June Hawkins (Juliana Aidén Martinez) commence à s’intéresser à celle qui contrôle désormais le trafic de drogue à Miami.
Après Narcos, consacré au plus célèbre baron de la drogue Pablo Escobar, Netflix tente de réitérer le succès avec une nouvelle histoire basée sur des faits réels et sur les crimes liés au narcotrafic. Cette fois, c’est au tour d’une certaine Griselda de se retrouver au centre de l’attention : Griselda Blanco, trafiquante de drogue colombienne, fondatrice du cartel de Medellín, dont la mainmise sur le trafic à Miami dans les années 1980 a causé la mort de près de 200 personnes. Et la seule personne que, de son propre aveu, craignait Escobar.
Sur la même ligne (blanche?) que Narcos …
Même si – théoriquement – il n’y a pas de lien officiel entre les deux séries, Griselda a tout pour apparaître comme un nouveau volet de ce qui s’apparente à une saga : il s’agit encore une fois de la biographie d’un personnage ayant réellement existé, nous sommes à nouveau dans le monde de la drogue sud-américaine exportée aux États-Unis, la série a été créé par la même équipe (Eric Newman , Doug Miro, Ingrid Escajeda et Carlo Bernard), on retrouve plusieurs ressorts similaires et la mini-série s’ouvre même sur une citation de Pablo Escobar.
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La série n’a peut-être rien de particulièrement remarquable ou original sur le plan de l’écriture ou de la réalisation – mais ce n’est pas le but. Comme dans Narcos, l’objectif est de construire une histoire solide, en s’appuyant sur le modèle classique mais toujours efficace de la montée en puissance puis de la descente aux enfers d’un personnage emblématique Chose que Griselda fait bien, parvenant à nous garder scotché devant l’écran du début à la fin, avec d’excellentes scènes d’action et de violence, des rebondissements, des trahisons, etc.
Comme dans Narcos, l’intrigue s’appuie aussi sur la confrontation à distance de deux personnages : le (la) trafiquant(e) et le (la) flic qui le traque. Et ce, même si l’agent de la DEA de Narcos a laissé la place à une enquêtrice du Miami PD, entraînant déjà deux changements notables. D’une part, l’aspect politique, les dissensions entre agences, les conflits entre autorités sud-américaines et américaines sont absentes de l’équation. D’autre part, la série met les deux personnages en parallèle face à un thème commun : la difficulté pour une femme de s’imposer dans un contexte éminemment masculin où elles ne sont pas prises au sérieux, qu’il s’agisse du narcotrafic ou des forces de l’ordre.
… mais avec de nombreux changements
Il existe cependant des différences importantes, qui permettent à Griselda de se démarquer. D’abord, la forme concentrée de la mini-série en six épisodes, qui permet de résumer une histoire de plusieurs décennies en évitant les temps morts. Même si c’est parfois au détriment d’un certain approfondissement de l’intrigue ou des personnages, et on a parfois l’impression que la série aurait eu besoin de plus d’espace pour exprimer tout son potentiel.
Au-delà de ça, il y a surtout un vrai changement de paradigme. Si Pablo Escobar est le personnage le plus important et le plus charismatique de Narcos, il est aussi explicitement le « méchant » et l’histoire est racontée en voix off par l’agent de la DEA. Griselda est racontée du point de vue de son héroïne ; quand la vraie Griselda Blanco est restée célèbre pour sa cruauté, le procédé tend parfois à justifier ses actes (du moins au début) et on en arrive presque à la plaindre.
Au milieu d’un casting plus que convaincant, Sofía Vergara est absolument brillante. On oublie la Gloria de Modern Family. Vergara met une énergie et un panel d’émotions qui rendent crédible les motivations de cette mère-tigresse passionnée, cette épouse trahie et cette criminelle impitoyable. En fait, c’est presque une sorte de Breaking Bad au féminin : dans la première partie, Griselda, ancienne prostituée précipitée par son mariage dans le monde de la drogue, a fui un époux violent ; c’est une mère qui commence à vendre de la cocaïne par nécessité pour assurer une stabilité financière à ses enfants et lutte pour s’imposer dans un monde criminel dominé par des hommes qui la sous-estiment et la méprisent. Dans la seconde moitié de la série, elle est submergée par la soif de pouvoir et l’hubris, bascule dans la noirceur, la violence et la cruauté, jusqu’à devenir la madrina, baronne de la drogue redoutée et respectée par ses pairs. Au point justement d’effrayer Pablo Escobar lui-même. Et ça, ça fait bien sur une carte de visite – pour peu qu’on soit narcotrafiquant.
Avec un thème similaire et la même équipe aux commandes que dans Narcos, il est facile de céder à la tentation de la comparaison. Mais si Griselda présente quelques similitudes, elle se distingue par des différences dans le traitement du sujet et surtout l’approche de son personnage principal. Avec en vedette une surprenante Sofia Vergara, Griselda est peut-être moins ambitieuse que Narcos, mais elle est redoutablement efficace et prenante. On enchaîne les épisodes comme certains enchaînent les lignes dans la série, avec l’envie de connaître le sort réservé à cette… héroïne de la cocaïne.
Griselda
6 épisodes de 50′ environ.
Disponible sur Netflix.