En incarnant des frères jumeaux dans I know this much is true, un Mark Ruffalo bluffant se dédouble dans ce drame extrêmement sombre et oppressant.
C’est quoi, I know this much is true ? Depuis leur enfance, Dominick Birdsey prend soin de Thomas (les deux personnages sont joués par Mark Ruffalo), son frère jumeau atteint de schizophrénie. Alors que celui-ci vient de se mutiler en se tranchant la main, Dominick est confronté à l’aggravation de la maladie de son frère mais il doit aussi affronter ses propres problèmes. Il souffre à cause de l’échec de son mariage avec Dessa (Kathryn Hahn), de la mort récente de sa mère (Melissa Leo), de son enfance auprès d’un beau-père maltraitant. En rencontrant la thérapeute de son frère (Archie Panjabi), il se penche sur ses traumatismes et sur son histoire personnelle, se confrontant à toute la douleur qui imprègne sa vie mais aussi à des secrets de famille.
En Octobre 1990, la guerre du Golfe est un sujet d’angoisse pour Thomas, le frère jumeau schizophrène et paranoïaque de Dominick. Assis à la table d’une bibliothèque publique, il se balance d’avant en arrière en psalmodiant des versets bibliques ; soudain, il brandit une hache et, tandis que les gens autour de lui s’enfuient, il se tranche la main en guise de sacrifice. Telle est la scène, spectaculaire et violente, qui ouvre la mini-série I know this much is true.
Cette adaptation du roman de Willy Lamb (publié en France sous le titre La puissance des vaincus), diffusée en France sur OCS, a été écrite et réalisée par Derek Cianfrance (à qui l’on doit notamment le film Blue Valentine). Qui connaît un temps soit peu le travail respectif des deux hommes a déjà une idée de l’atmosphère de la série. D’un côté, Lamb aime à explorer dans ses livres les histoires douloureuses de personnages complexes qu’il confronte à toutes sortes de malheurs et de traumatismes d’enfance; de l’autre, Cianfrance s’attache dans ses films aux drames difficiles de protagonistes en souffrance. Le ton est donc donné…
La série raconte l’histoire poignante et éprouvante de frères jumeaux, Dominick et Thomas, le second souffrant de troubles schizophréniques. Le récit adopte le point de vue de Dominick et retrace son parcours chaotique à la recherche d’un équilibre, face aux tragédies qui ont marqué son passé et qui continuent de marquer son présent. Une enfance douloureuse, l’absence du père, un beau-père violent, la maladie de son frère, l’échec de son mariage, la mort de sa mère sont autant de traumatismes que Dominick ne parvient pas à surmonter et qui l’incitent à entreprendre une thérapie.
Le cœur de la série réside dans la relation entre les deux frères. Dominick et Thomas sont des jumeaux, identiques à deux choses près : la schizophrénie de Thomas et l’année de leur naissance. En effet, ils sont nés à quelques minutes d’intervalle le soir du Nouvel An, l’un en 1949 et l’autre en 1950. Un détail en apparence insignifiant, mais qui renforce la place de Dominick en tant qu’aîné. Celui-ci mène une vie a priori ordinaire, malgré des problèmes avec son ex-femme ; en raison de sa maladie, Thomas vit dans des résidences spécialisées. Dominick assume la charge et la protection de son frère, parce qu’il l’aime mais aussi parce qu’il endosse ainsi une forme de pénitence, en tant que jumeau épargné par le destin et la génétique. Il y a en lui un sentiment de culpabilité enraciné et d’impossible à expier. Et le lien qui les unit a presque quelque chose de biblique : Dominick n’est-il pas le gardien de son frère ?
La série est portée par un Mark Ruffalo magistral, qui endosse ce double rôle aussi intense que complexe. Un (des) rôle (s) qui demande(nt) un investissement, une sensibilité et une profondeur dont Ruffalo a de toute évidence conscience, et il est vraiment exceptionnel. Le reste du casting est loin de démériter, en particulier Kathryn Hahn et Archie Panjabi, respectivement dans les rôles de son ex-femme (détentrice d’un des secrets les plus sombres de Dominick) et de la psychiatre de Thomas.
Aussi puissante qu’oppressante, la série suit donc cet homme dans une quête de bonheur vouée à l’échec. I Know This Much is True n’est pas l’histoire d’une reconstruction psychologique; c’est celle de la coexistence avec la douleur et du gouffre d’épuisement psychique qu’elle engendre. Les relations que noue Dominick sont affectées par son passé, qui le consume et corrompt tout ce qu’il touche ; si au cours de sa thérapie, Dominick prend conscience de ses traumatismes et découvre certaines choses que sa mère ne lui a jamais dites, rien ne garantit pour autant qu’il sera heureux.
Avec un ton lent (certains la trouveront ennuyeuse) et pathétique (au sens premier du terme), I know this much is true est une épopée de tristesse allant de l’enfance de Dominick (et même avant, avec ses ancêtres immigrants siciliens) à son présent ; une histoire de deuil, de culpabilité, d’apitoiement sur soi, de fantômes du passé, de divorces, de chagrin, de décès prématurés, de maladie mentale, de relations dysfonctionnelles et d’angoisse. Sans arrêt, sans pause, sans aucune scène plus légère, sans réflexion sociale, sans rayon d’espoir. Un drame brut, presque masochiste, qui atteint des hauteurs quasiment insoutenables.
I know this much is true est une série très forte, dont l’histoire extrêmement sombre s’avère bouleversante mais aussi extrêmement pesante. Ce n’est certainement pas une série dont on peut enchaîner les épisodes. Son principal problème est finalement une question de timing : il faut un estomac solide pour encaisser cette succession ininterrompue de tragédies et de souffrance, et la situation actuelle est déjà tellement anxiogène qu’il n’est pas certain que nous soyons prêt à supporter davantage de mal-être et d’angoisse. Pourtant, l’intensité du parcours de Dominick et la magnifique performance de Mark Ruffalo méritent qu’on s’accroche. Il faut juste avoir conscience de la noirceur dans laquelle on s’apprête à plonger.