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On débriefe pour vous … Kalifat, plongée au cœur de l’islamisme en Suède

Avec son récit haletant, Kalifat analyse les mécanismes de l’État Islamique, entre le moyen-orient et la Suède.

C’est quoi, Kalifat ? D’origine bosniaque , Fatima (Alliette Opheim )est un agent des services de renseignement suédois, spécialiste de la lutte contre le terrorisme islamiste. En raison de son manque de discipline, elle a été rétrogradée et se retrouve cantonnée à des tâches administratives. Un jour, elle est contactée par Pervin (Gizem Erdogan) , une Suédoise qui a rejoint les rangs de l’État islamique en Syrie. Avec son mari Husam (Amed Bozam), elle est partie à Rakka et se retrouve piégée dans un véritable enfer, qu’elle cherche à fuir avec son bébé. En échange d’informations sur un projet d’attentat sur le sol suédois, Pervin demande à Fatima de l’aider à s’échapper.

C’est l’écrivain suédois Wilhelm Behrman qui est à l’origine de la série Kalifat, dont il a eu l’idée après avoir vu un reportage sur trois adolescentes ayant quitté Londres pour rejoindre l’État islamique en Syrie. D’autant plus choqué que père de filles du même âge, l’auteur a imaginé une intrigue liant le recrutement de jeunes gens par Daesh et le terrorisme sur le sol occidental . Tournée en Suède et en Jordanie, Kalifat a captivé le public suédois ; sélectionnée dans le cadre du festival Série Séries, elle est également disponible sur Netflix. A noter que, bien que pensée comme une mini-série conclusive, Kalifat pourrait connaître une deuxième saison au vue de son succès.  

Comme la série britannique The state, Kalifat plonge dans les mécanismes de la radicalisation islamiste : elle qui montre comment une organisation terroriste exploite la situation sociale et politique d’un pays occidental (ici, la Suède)  pour attirer des adeptes afin de les utiliser dans la guerre en Syrie ou dans des missions terroristes locales. Terrifiante de réalisme, Kalifat plonge le spectateur dans ce contexte en lui fournissant une vision globale – contrairement à ses personnages, emportés par l’action et qui n’ont jamais qu’une vision partielle des événements. 

La série inscrit son analyse dans un récit d’espionnage intelligent et haletant, construit sur trois intrigues parallèles. D’abord à Rakka où Pervin, une jeune femme suédoise, a rejoint les rangs de l’État islamique. Elle a fait ce choix moins par conviction religieuse que par amour pour son mari Husam (Amed Bozam) qui s’est radicalisé et a tout quitté pour partir faire le djihad. De sorte que Pervin, malgré les promesses de l’État islamique qui lui a fait miroiter une vie exaltante où elle deviendrait l’épouse respectée d’un futur martyr, est tombée des nues en se retrouvant dans une cahute minable, avec des conditions de vie déplorables et obligée de se soumettre à la Charia et aux coutumes choquantes que les femmes doivent observer. 

Piégee en Syrie, Pervin parviendra-t-elle à s’échapper ?

Déterminée à rentrer en Suède avec son bébé, elle parvient à contacter Fatima. Celle-ci, agent des services de renseignements suédois qui a été reléguée à des tâches subalternes, décide d’utiliser la jeune femme pour obtenir des informations sur les attaques terroristes que Daesh planifie en Suède… mais aussi pour regagner la confiance de ses supérieurs et remonter en grade. Elle n’hésite donc pas à manipuler la pauvre Pervin, à profiter de son désespoir et à la mettre en danger, notamment grâce à un téléphone mobile qui leur permet de se parler en secret.

Enfin, Ibbe (Lancelot Ncube) est professeur dans un institut de formation, au cœur d’un quartier d’immigrants à Stockholm. Mais ce n’est qu’une couverture, notre homme profitant de sa position pour attirer des jeunes en difficulté, les endoctriner et les convaincre de rejoindre la cause islamiste. En leur disant ce qu’ils ont besoin d’entendre, Ibbe les persuade qu’ils sont maltraités par la société occidentale et que le salut se trouve dans la religion musulmane et dans le djihad. C’est par exemple ainsi qu’il opère avec Sulle et Lisha (Nora Rios et Yussra el Abdouni ), deux sœurs d’origine jordanienne dont les parents sont des musulmans modérés, aux antipodes de l’extrémisme radical dans lequel elles vont tomber.

Kalifat est d’abord une excellente histoire, avec des intrigues menées tambour battant, à un rythme rapide et haletant. Chaque épisode est plein de rebondissements et de surprises, de scènes fortes et impressionnantes, et les cliffhangers sont extrêmement efficaces. De sorte que la tension est permanente – jusqu’à la fin, qui vous scotche à votre siège. Mais au-delà de sa qualité purement narrative, la série montre aussi (et peut-être surtout) comment des personnes lambda, sans aucune prédisposition particulière à la violence ou même à la foi, sont susceptibles de basculer et de sombrer dans la radicalisation et la barbarie au nom d’une religion (en l’occurrence, l’Islam.) 

Sulle et Lisha, deux ados que rien ne prédisposait à la radicalisation

Crue et choquante, Kalifat suit ainsi les histoires particulières de ses personnages et, à travers eux, elle donne un visage à ces gens. La série ne cherche pas à justifier quoi que ce soit, mais plutôt à expliquer et analyser les mécanismes complexes qui entrent en jeu. Elle rend plus concrète la situation, l’horreur de ce que vivent ceux qui sont acteurs du terrorisme mais qui en sont aussi les victimes. Kalifat a aussi l’intelligence de ne pas tomber dans la généralisation : à travers la famille de Sulle et Lisha par exemple, elle s’attache à montrer toute une gamme de nuances dans la foi musulmane et la manière d’en interpréter les préceptes – de l’intégrisme de minorités radicalisées à la religion paisible de la majorité.

Intelligente et prenante, Kalifat utilise un récit fictif plein d’action et de suspense pour poser un regard sans concession sur le processus de radicalisation mis en œuvre par l’État islamique en Occident, qui recrute et manipule des jeunes gens afin de les sacrifier à sa cause. N’étant pas spécialiste de la question, on se gardera de juger si la série est pertinente et réaliste dans son analyse (mais apparemment, c’est le cas) ; la réflexion qu’elle suscite est en tous cas aussi intéressante que perturbante. 

Kalifat (SVT)
8 épisodes de 50′ environ. 
Disponible sur Netflix. 

About author

Traductrice et chroniqueuse, fille spirituelle de Tony Soprano et de Gemma Teller, Fanny Lombard Allegra a développé une addiction quasi-pathologique aux séries. Maîtrisant le maniement du glaive (grâce à Rome), capable de diagnostiquer un lupus (merci Dr House) et de combattre toutes les créatures surnaturelles (vive les frères Winchester), elle n'a toujours rien compris à la fin de Lost et souffre d'un syndrome de stress post-Breaking Bad
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