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On débriefe pour vous … Le ministère du temps, voyageurs spatio-temporels espagnols

La série espagnole Le ministère du temps joue avec les codes des voyages spatio-temporels pour construire un univers et un récit aussi réjouissants que intelligents.

C’est quoi, Le ministère du temps ? Alonso (Nacho Fresneda), soldat de l’armée des Flandres du XVème siècle, avec un sens aigu de l’honneur et du devoir ; Amelia (Aura Garrido), première femme inscrite à l’université de Barcelone en 1880 ; Julian (Rodolfo Sancho), secouriste des années 1980, dépressif depuis la mort de son épouse.  A priori, rien de commun entre ces trois espagnols. Pourtant, tous les trois vont être enrôlés au sein du Ministère du Temps. A travers des portes temporelles, cette organisation gouvernementale ultra-secrète envoie ses agents dans le passé, avec pour mission de réparer les erreurs qui pourraient affecter le cours de l’Histoire et donc le présent. Mais altérer les événements n’est pas sans risque – surtout lorsqu’on est tenté d’agir sur son propre destin

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C’est une pépite que nous propose la chaîne SyFy : Le ministère du temps, série espagnole créée en 2017 par les frères Javier et Pablo Olivares. Cette fiction abordant le thème des voyages dans le temps est devenue une phénomène en Espagne, suscitant un énorme engouement chez ses nombreux fans qui se sont non seulement passionnés pour le récit mais aussi pour les événements historiques qu’elle relate. Au point de faire du peintre Velázquez une star des réseaux sociaux…

Un thème classique en version espagnole 

La construction de la série est simple, classique et efficace : à chaque épisode sa mission, avec un fil rouge qui se dessine en arrière-plan. Il s’agit d’empêcher l’armée napoléonienne de mettre la main sur des armes modernes qui pourraient changer le cours de la guerre, de récupérer le Guernica de Picasso, de sauver la vie de Lope de Vega pour lui permettre de donner naissance à la littérature picaresque, d’empêcher  une alliance entre Hitler et le général Franco…  En parallèle  Julian est incapable de surmonter la mort de son épouse et il ne cesse de retourner en 1995 pour l‘observer et passer du temps avec elle, au risque de croiser son double.  

Les intrigues indépendantes sont solidement construites, menées tambour battant avec à chaque épisode une époque différente liée à un événement fondamental dans la construction de l’Espagne : la dictature franquiste, l’inquisition, les guerres napoléoniennes, la movida, la guerre civile, la reconquista… La reconstitution, les décors, les costumes sont en tous points remarquables On croise évidemment de grandes figures historiques, comme Isabelle La Catholique, Franco, Le Cid, Torquemada, Napoléon,  Buñuel, Christophe Colomb ou encore le grand Federico Garcia Lorca (les épisodes où il apparaît sont certainement les meilleurs de la série).

Le ministère du temps
Amelia, Alonso et Julian, voyageurs spatio-temporels espagnols

A priori, Le ministère du temps ne fait rien de neuf : son thème central, la manière dont il est traité sont classiques. Justement, la série en a conscience, elle ne cherche pas à renouveler le genre mais plutôt à jouer avec ses codes. Les scénaristes et réalisateurs savent aussi qu’ils ne bénéficient pas d’un budget faramineux, et c’est encore un inconvénient qu’ils retournent à leur avantage avec une malice et un détachement rafraîchissants. Le tout servi par des acteurs absolument formidables : Nachos Fresneda , Aura Garrido, Rodolfo Sancho puis en deuxième saison leur nouvel acolyte Pacino (joué par Hugo Silva) exploitent tout le potentiel de leurs personnages, et les seconds rôles sont tout aussi épatants.

Une série qui retourne les obstacles à son avantage

Le Ministère du temps est une série historique, une série d’aventures, une série de science-fiction – réussie dans tous ces aspects qu’elle entremêle avec fluidité.Et c’est une série d’une surprenante fraîcheur. Complètement décomplexée, elle exploite son thème à fond et joue la carte du pur divertissement. On effleure certaines questions philosophiques sur le sens de l’Histoire ou la responsabilité individuelle, les grands débats idéologiques, les évolutions de la société (la condition féminine par exemple), les périodes les moins reluisantes de l’Histoire espagnole (l’inquisition ou la colonisation). Mais le contexte historique est aussi un prétexte pour jouer avec les anachronismes, les références à la culture classique ou populaire, la parodie voire l’auto-parodie. 

La série ne se prend pas trop au sérieux, elle exploite même ses failles pour en tirer d’autres ressorts comiques en se moquant joyeusement d’elle-même. Les paradoxes, incohérences ou invraisemblances souvent liées aux voyages temporels sont balayés d’un revers de main avec une nonchalance désarmante proche du nonsense britannique : les fonctionnaires du XVème siècle ont accès au wi-fi  (mais le réseau passe mal); depuis qu’il est interdit de fumer dans les lieux publics, le personnel se retrouve dans l’Angleterre victorienne pour la pause cigarette ; le peintre Velázquez (exceptionnel Julian Villagràn). employé du ministère chargé de dessiner les portraits robots, est littéralement obsédé par un certain Picasso dont il a bien du mal à comprendre les œuvres…

Diego Velázquez va voir ses Ménines au musée du Prado…

Le décalage entre les époques est drôle et savoureux, comme lorsque Alonso, reître du XVème siècle, se passionne pour la moto comme alternative au cheval, mais ne comprend rien à l’Europe ou aux smartphones.  Les allusions culturelles fusent toutes les trois répliques – de Velázquez à Terminator en passant par Doctor Who, Pedro Almodovar, Scarface, Un jour sans fin ou l’inévitable Don Quichotte. Et les événements relatés et les clins d’œil sont suffisamment emblématiques pour que même un public peu au fait de l’Histoire espagnole s’y retrouve et se prenne au jeu, qu’il soit amoureux de l’Histoire ou fan de pop culture (l’un n’excluant pas l’autre).

Le ministère du temps creuse le sillon des voyages temporels en jouant avec tous les codes du genre et en se moquant des paradoxes temporels, des incohérences, du manque de moyens… De toutes ces faiblesses assumées, elle en fait une force. Et la série est si bien écrite, si maline et si fraîche qu’on se laisse porter par son enthousiasme communicatif. Méfiez-vous des imitations : plagiée par la série Timeless et prochainement par la BBC avec The ministry of time, Le ministère du temps est un bijou : l’original est bien meilleur que les copies.

El Ministerio del Tiempo 
Saisons 1 et 2, 18 épisodes de 70′ environ.
Disponible sur SyFy.

About author

Traductrice et chroniqueuse, fille spirituelle de Tony Soprano et de Gemma Teller, Fanny Lombard Allegra a développé une addiction quasi-pathologique aux séries. Maîtrisant le maniement du glaive (grâce à Rome), capable de diagnostiquer un lupus (merci Dr House) et de combattre toutes les créatures surnaturelles (vive les frères Winchester), elle n'a toujours rien compris à la fin de Lost et souffre d'un syndrome de stress post-Breaking Bad
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