Basés sur des histoires vraies, les huit épisodes de Little America racontent le parcours d’immigrés sur le sol américain avec humour et délicatesse.
C’est quoi, Little America ? Un petit garçon se retrouve seul à gérer un Motel dans l’Utah, lorsque ses parents sont expulsés vers l’Inde ; une adolescente mexicaine rêve de devenir championne de squash ; un père de famille iranien veut construire sa maison près de New York, malgré la présence d’un énorme rocher sur son terrain ; une femme venue de Singapour part en croisière en Alaska pour tenter de se rapprocher de ses enfants ; un homosexuel syrien cherche refuge aux États-Unis… Au total, ce sont huit personnages différents issus de l’immigration, dont on suit le parcours entre rires et émotions.
En 2017, le comédien d’origine pakistanaise Kumail Nanjiani (le Dinesh de Silicon Valley) et sa compagne la scénariste américaine Emily V. Gordon racontaient leur histoire d’amour dans la comédie romantique The Big Sick (disponible sur Amazon Prime Vidéo). Après ce film, qui relate leur relation compliquée en raison des différences culturelles et des préjugés, le couple revient aujourd’hui avec Little America, renouvelée avant même son lancement pour une deuxième saison par Apple TV+.
Little America prend la forme d’une anthologie, et ce sont donc huit épisodes indépendants de 30 minutes, avec des histoires et des personnages différents toutefois liés par plusieurs dénominateurs communs. D’abord, chaque récit se penche sur le parcours ou l’histoire personnelle d’immigrés ou d’enfants d’immigrés venus de pays différents (Mexique, Iran, Singapour, France), installés aux États-Unis. Ensuite, ce sont toutes des histoires vraies tirées d’articles du magazine Epic. Sur la forme, le générique est à chaque fois interprété dans la langue du pays d’origine du héros de l’épisode, et le post-générique montre des photos du vrai protagoniste et explique sa situation actuelle. A noter également que les auteurs et / ou réalisateurs sont le plus souvent dans le même cas de figure que les personnages, et le lien est même parfois encore plus étroit : Tze Chun n’est autre que le fils de l’héroïne de The Grand Prize Expo Winners, épisode qu’il a écrit et réalisé et dans lequel il apparaît sous les traits d’un jeune acteur.
Modern Love de Amazon illustre l’amour sous diverses formes, Little America fait la même chose avec l’immigration. Comme souvent avec les anthologies, les épisodes sont de qualité et d’intérêt variables – ou plus exactement, chaque spectateur aura ses préférences. Pour l’auteure de ces lignes, ce sera par exemple le premier épisode, The Manager qui raconte avec humour et délicatesse l’histoire du petit Kabir (Eshan Inamdar) qui se retrouve seul à devoir gérer le motel familial dans l’Utah, après que ses parents en situation irrégulière ont été renvoyés en Inde. Ou encore The cowboy, où un étudiant nigérien nommé Iwegbuna (Uchenna Conphidance Echeazu ) installé dans l’ Oklahoma va réussir à trouver sa place en enfilant un chapeau et des bottes de cowboy, parce que ce pan de la culture américaine fait écho à celle de son pays d’origine où l’élevage de bétail tient une place prépondérante. Ou enfin The Silence, épisode entièrement muet ou presque, où Mélanie Laurent campe une jeune française venue se ressourcer dans un ashram lors d’une retraite silencieuse.
Pour d’autres, ce seront The Jaguar, avec son héroïne Mexicaine à la Million Dollar Baby qui s’entraîne avec acharnement pour devenir championne de squash ; ou bien The Baker, où une jeune Ougandaise poursuit son rêve américain en vendant des cookies ; ou peut-être le dernier épisode de la saison, The Son, seule histoire se déroulant en dehors des USA, qui montre comment un jeune homosexuel syrien rejeté par son père cherche un moyen de gagner les États-Unis.
L’une des caractéristiques de la série, c’est qu’elle se garde de tout propos ou toute réflexion ouvertement politique : pas de Trump bashing, pas d’attaque contre la politique passée ou actuelle des États-Unis, pas plus que de référence explicite au contexte des pays dont sont issus ses héros. C’est un choix, une neutralité que l’on devine réfléchie et qui rend le propos plus universel, mais qui atteint toutefois ses limites dans la mesure où la politique, elle, n’a pas manqué de rattraper Little America… On évoquait plus haut l’épisode intitulé The Son : outre le fait qu’il a été interdit dans une dizaine de pays, le tournage a dû être déplacé au Canada en raison des restrictions imposées par la politique anti-immigration et les lois frontalières mises en œuvre aux États-Unis. Et quand on sait cela, l’histoire de Rafiq (Haaz Sleiman) prend une autre dimension et la série résonne différemment…
A l’exception de The Rock, chaque épisode a un petit côté dramatique, des scènes émouvantes qui provoquent l’empathie, mais contient aussi une bonne dose d’humour. C’est une suite de petites chroniques inspirantes et optimistes, sous-tendues par un message ultra-positif. Ce ton, là encore assumé, a parfois été critiqué car jugé trop naïf ; il est vrai que, même si elle n’occulte pas les difficultés auxquelles sont confrontés la plupart de ses personnages ni la douleur du rejet ou du déracinement, Little America a choisi de se focaliser sur des histoires qui finissent bien malgré les obstacles. Soit des exemples certes particuliers, mais des histoires vraies qui sont autant de tranches de vie où des hommes et des femmes trouvent leur place aux États-Unis. Et qui rappellent en creux que le pays s’est construit sur des vagues d’immigration successives.
En s’appuyant sur des histoires vécues, Little America touche à des thèmes profonds et délicats avec une humanité et une sensibilité qui n’excluent pas l’humour. De toute évidence, la série ne prétend pas dresser une analyse globale de la question de l’immigration dans toute sa complexité, mais juste donner des exemples d’expériences personnelles, sincères et pleines d’espoir. Et dans le contexte actuel, une bouffée d’optimisme et de bonheur est toujours bonne à prendre.