La mini-série en noir et blanc offre une nouvelle approche de Tom Ripley, personnage des romans de Patricia Highsmith.
C’est quoi, Ripley ? A New York dans les années 1960, Tom Ripley (Andrew Scott) est un escroc à la petite semaine. Un jour, il est contacté par un millionnaire : convaincu qu’il est un vieil ami de son fils Dickie (Johnny Flynn), il lui offre une substantielle somme d’argent pour se rendre en Italie. Sa mission ? Convaincre le fils prodigue de rentrer et d’abandonner le vie d’oisiveté qu’il mène avec sa petite amie Marge (Dakota Fanning), en dilapidant son argent et en se prenant pour un peintre de talent. Menteur habile, Ripley n’a aucun mal à s’immiscer dans la vie du riche héritier. Mais, séduit par le luxe et la dolce vita, il commence à envisager les choses autrement… Il imagine alors un plan qui n’est toutefois pas sans risque : dans la ligne de mire de la police, Ripley va se révéler retors et sans scrupule pour parvenir à ses fins…
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Cinquante nuances de gris
Le Ripley du titre, c’est Tom Ripley : un personnage créé par Patricia Highsmith, auquel elle a consacré plusieurs livres. Le premier a déjà donné lieu à plusieurs films, dont Plein Soleil en 1960 (où Ripley est incarné par Alain Delon) et Le talentueux Monsieur Ripley en 1999 (avec Matt Damon). Cette fois, dans la série produite par Showtime mais diffusée sur Netflix, c’est Andrew Scott qui endosse le rôle, et c’est Steven Zaillian (Oscar du meilleur scénario pour La Liste de Schindler, entre autres) qui s’est attelé à cette nouvelle adaptation.
La première caractéristique qui saute aux yeux, c’est le noir et blanc. Un choix, sublimé par une photographie impeccable, qui donne un ton particulier et une élégance désuète à la série dans les décors somptueux de Rome, Naples, Venise ou Palerme (avec de nombreux dialogues en Italien.) C’est aussi un hommage à tout un pan de l’Histoire du cinéma, entre néoréalisme italien – souligné par le titre de plusieurs épisodes, ambiance art et essai à la Bergman et échos hitchcockiens. Mais l’absence de couleur traduit également une idée forte en termes d’esthétique. Plus qu’une absence de couleur d’ailleurs, c’est un jeu tout en nuances de gris qui sculpte une histoire et de personnages faits d’ombres (réelles et métaphoriques), de lumière et de contrastes.
Ripley est indéniablement une belle série, superbe à regarder. Au-delà du choix chromatique, les scènes sont presque une succession de tableaux à la mise en scène réfléchie, et la série se nourrit de nombreux détails, de sous-entendus, de sous-texte et de symboles. Tout semble avoir une signification, comme par exemple l’omniprésence des œuvres du Caravage, le méandre d’escaliers sans fin, le dédale de rues étroites ou plus, anecdotique, la présence dans le dernier épisode d’un acteur qui a déjà joué Ripley au cinéma. Pour qui prend la peine de vraiment regarder, Ripley est un puzzle d’allusions et de références.
Une esthétique au service de l’intrigue
Présentée ainsi, Ripley pourrait passer pour un exercice artistique pédant, davantage préoccupé par la forme que par le fond. Ce n’est pas le cas, la série ne négligeant jamais le cœur du récit : l’histoire de Ripley. Une fois les bases posées, on se retrouve face à un thriller implacable plein de tension. On plonge dans un entrelacs de mensonges, de faux-semblants et de tromperies, puis dans un jeu palpitant du chat et de la souris où Ripley tente toujours d’avoir un temps d’avance sur ceux qui le poursuivent (la police… mais pas seulement).
Ce Ripley apporte aussi une différence substantielle par rapport à l’original en termes d’approche. Le roman (et les autres adaptations) abordent principalement la relation entre Tom et Dickie, une fausse amitié morbide marquée par l’envie et la jalousie ; Ripley, elle, se focalise sur les agissements et les motivations de son anti-héros. Il s’agit bien de la même histoire, mais une fois le rebondissement central raconté dès le troisième épisode, les suivants se centrent sur l’enquête de police et sur les machinations de plus en plus compliquées et hasardeuses de Tom pour s’en sortir.
Un personnage en clair-obscur
C’est ce qui permet à Ripley de s’émanciper des comparaisons avec les adaptations antérieures, en dépeignant le personnage de façon plus ambiguë , plus perverse et plus complexe. Ripley, c’est un homme solitaire qui cherche à exister et être apprécié par les autres… mais aussi à disparaître ; un sociopathe terriblement amoral capable d’arnaquer, tricher, falsifier et tuer… mais rempli de doutes et de failles. Un personnage doté d’un magnétisme particulier, fascinant d’ambivalence morale, intelligent et audacieux mais dont les terreurs et les faiblesses affleurent sous forme de séquences oniriques quand il est dans les cordes.
Andrew Scott porte indéniablement la série sur ses épaules – au point que si les autres acteurs sont convaincants, ils font presque figure de figurants qui l’accompagnent à l’écran. Scott nous fait ressentir de la peur, de l’intérêt, de la curiosité et même de l’empathie envers un personnage qu’il serait facile de réduire au rôle du « méchant. ».Pourtant, on s’attache à Ripley. On devient même ses complices en l’accompagnant dans le moindre de ses actes délictuels – comme la falsification de documents – ou criminels ; on tremble à l’idée qu’il finisse par se faire prendre. Parce que Ripley est comme la série à laquelle il a donné son nom : stylé, intelligent mais plein de zones de gris.
Ripley est une mini-série raffinée et intelligente, avec son noir et blanc créant une atmosphère « à l’ancienne » et sa multitude de symboles. Une approche très intellectuelle qui pourrait paraître froide si elle ne servait de cadre à une intrigue palpitante et à un personnage fascinant. Portée par un formidable Andrew Scott, c’est une brillante adaptation du roman de Highsmith. Avec, même si elle est présentée comme une mini-série, une fin qui laisse entrevoir la possibilité d’une suite aux aventures de Tom Ripley. Pardon, de Timothy Fenshaw...
Ripley
8 épisodes – entre 45 et 75 minutes.
Disponible sur Netflix.