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On débriefe pour vous… Tales from the loop, science-fiction mélancolique et existentielle

Inspirée des œuvres d’un artiste suédois,Tales from the loop utilise la science-fiction pour s’interroger sur le temps, la vie et la mort à travers les histoires croisées de ses personnages.

C’est quoi, Tales from the loop ? Quelque part en Ohio, la petite ville de Mercer est située à proximité d’un centre de recherches expérimentales souterrain que tout le monde appelle The Loop (“la Boucle”). Le but de son fondateur, Russ Willard (Jonathan Pryce), est de percer les mystères de l’univers et de démontrer que l’impossible est possible. Personne ne sait vraiment ce qui s’y passe, mais la proximité de The loop confronte  les habitants à des phénomènes inexplicables. La mère (Rebecca Hall) d’une petite fille disparaît en laissant  un étrange artefact; un couple d’adolescents voit le temps se figer ; un homme (Ato Essandoh) rencontre son double dans un autre espace-temps; un petit garçon se lie d’amitié avec un robot étrangement familier ; deux personnages échangent leurs corps…

La genèse de Tales from the loop, série de Amazon Prime Video, est assez particulière. Son showrunner, Nathaniel Halpern (scénariste de Legion) s’est inspiré du travail de l’artiste suédois Simon Stålenhag et de ses peintures hyper-réalistes. Souvent décrites comme rétro-futuristes, elles ont été publiées en 2015 dans un livre, accompagnées de courts textes.  

Le titre parle de lui-même : Tales from the Loop raconte huit histoires, a priori indépendantes les unes des autres, chacune étant confiée à un réalisateur différent – par exemple Andrew Stanton (Le monde de Nemo, Wall-E) et Jodie Foster (à qui l’on doit le sublime dernier épisode.) Pourtant, plus qu’une anthologie, c’est une succession de courts récits  interconnectés et imbriqués les uns dans les autres. Les personnages sont tous plus ou moins liés, ils ne cessent de se croiser et un protagoniste secondaire peut devenir le héros de l’histoire suivante. 

Ce qui frappe, dans Tales from the loop, ce sont le cadre et l’atmosphère qui s’imprègnent totalement des images de Stålenhag. Elles sont un peu comme les dessins à la craie sur le trottoir dans Mary Poppins : un portail vers une dimension étrange qu’on traverse en y sautant à pieds joints. On se retrouve alors dans un autre monde, fait de paysages ruraux et de vastes forêts où surgissent un immense robot branlant, une sorte de vaisseau spatial rouillé ou des structures métalliques qui semblent abandonnées. Certains détails renvoient aux années 1960, d’autres aux années 1980, d’autres sont beaucoup plus futuristes, de sorte qu’on ne sait pas  trop si l’on est dans le passé, dans le futur ou dans une dystopie hors du temps. En tous cas, c’est un univers à la fois étrange et familier, avec des machines et des technologies inconnues mais une société et des gens qui, finalement, ne diffèrent pas beaucoup de ce que nous connaissons. 

Un petit air de Strangers Things, mais une série atypique

Définir Tales from the Loop comme une série de science-fiction est à la fois exact et trompeur. Certaines scènes ou thèmes font penser à Stranger Things, La quatrième dimension, Black Mirror, Dark ou Devs ; les événements qui se produisent et The loop elle-même appartiennent à ce registre. Mais ici, pas de grands effets spéciaux, de scènes d’action ou de concept ultra-complexe (par exemple, aucune explication sur The loop). Et la série peut décontenancer, avec son ambiance très particulière : un rythme posé voire lent, des scènes contemplatives, une économie de dialogues, la musique envoûtante de Philipp Glass et Paul Leonard-Morgan donnent un ton inhabituellement mélancolique pour une série de science-fiction. 

Du reste, la science-fiction apparaît finalement comme un prétexte.  Des choses étranges se produisent à cause du centre de recherche, des événements inexplicables et irrationnels mettent les différents protagonistes dans des situations inédites. Mais comme dans The Leftovers, le point de départ extraordinaire n’est pas le plus important, ce sont les réactions et le comportement des gens qui comptent. 

En l’occurrence, la comparaison avec The Leftovers s’impose d’autant plus que les situations engendrées par The loop induisent chez les personnages des questionnements douloureux, universels et intemporels. La science-fiction est juste un arrière-plan pour aborder de thèmes existentiels et philosophiques, des interrogations en lien avec la condition humaine, à travers le drame personnel qui touche le héros de chaque épisode : l’acceptation de soi et les doutes de l’adolescence, le caractère éphémère des sentiments, la mort et le deuil, la solitude, la différence… Avec deux axes récurrents, communs à toutes les histoires : un sentiment de vide que l’on cherche à combler et la tragédie du temps qui passe inéluctablement. 

Jonathan Pryce dans un épisode bouleversant de Tales from the loop

Certes, il y a des moments un peu moins réussis, des épisodes un peu moins marquants. On pourrait reprocher à la série (outre sa lenteur) un manque d’explication et l’absence de conclusion dans certains récits, mais ces aspects sont de toute évidence des choix assumés, auxquels on adhère ou pas. Si c’est le cas, Tales from the Loop offre une vision particulière : des parenthèses existentialistes d’une poésie rare et empreintes d’humanité, qui s’entrecroisent pour former une image cohérente et plus simple qu’il n’y paraît au premier abord. Quelque chose de beau et profond, qui fait vibrer la corde sensible et dans lequel tout le monde est susceptible de se retrouver.

Impressionnante sur le plan visuel, Tales from the loop est une série déroutante, que certains adoreront et que d’autres trouveront certainement ennuyeuse. Une série de science-fiction atypique avec des humains et des robots, des événements paranormaux et des phénomènes inexplicables… et surtout avec des émotions et des questions inhérentes à la nature humaine, douloureuses mais traitées avec sensibilité et poésie. Pour qui veut bien se laisser porter, c’est un voyage mélancolique et humaniste à travers des personnages qui, comme nous, sont confrontés à des interrogations auxquelles Tales from the loop n’a pas de réponse. Personne n’en a, et c’est ce qui les rend à la fois si perturbantes et si bouleversantes. 

Tales from the loop (Amazon prime video)
8 épisodes de 50′ environ. 

About author

Traductrice et chroniqueuse, fille spirituelle de Tony Soprano et de Gemma Teller, Fanny Lombard Allegra a développé une addiction quasi-pathologique aux séries. Maîtrisant le maniement du glaive (grâce à Rome), capable de diagnostiquer un lupus (merci Dr House) et de combattre toutes les créatures surnaturelles (vive les frères Winchester), elle n'a toujours rien compris à la fin de Lost et souffre d'un syndrome de stress post-Breaking Bad
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