Nouvelle saison, nouveau titre et nouveau Pape : après Jude Law, John Malkovitch porte la tiare pour Paolo Sorrentino dans The New Pope.
C’est quoi, The new pope ? Voilà neuf mois que Pie XIII (Jude Law) est dans le coma. Son successeur François II suscite le trouble parmi la Curie lorsqu’il a l’idée saugrenue d’ouvrir le Vatican aux réfugiés et de donner les biens des ecclésiastiques aux pauvres ! La fin rapide et opportune de son pontificat incite le cardinal Voiello (Silvio Orlando) à se tourner vers Sir John Brannox (John Malkovich), un aristocrate anglais tenant d’une ligne modérée. Après bien des hésitations, celui-ci accepte la tiare: sous le nom de Jean-Paul III, il prend la tête d’une Église entachée par les scandales sexuels et financiers et toujours sous l’influence de Pie XIII.
Plus de deux ans après The young pope, Paolo Sorrentino rouvre les portes du Vatican avec une suite intitulée The new pope. Il faut toutefois attendre un peu pour rencontrer le « nouveau pape » puisque le premier épisode, par ailleurs brillant, déjoue les attentes tout en remettant en contexte l’histoire et la situation dans laquelle est plongé le Vatican. Mais on comprend vite que The new pope s‘annonce toujours aussi provocante et excentrique. Sans même parler de la scène d’ouverture, il suffit de voir le générique extravagant du premier épisode, déconseillé si l’on est sujet aux crises d’épilepsie : des nonnes vêtues de blanc dansent lascivement autour d’une croix en néon qui clignote comme un stroboscope, au son d’une musique électro.
En 2016, The Young Pope était un jeune Pape sexy qui ramenait l’Église dans une ligne conservatrice, avant d’être victime d’une crise cardiaque en pleine homélie. Quelques mois plus tard, alors qu’il est dans le coma et après l’échec de plusieurs transplantations cardiaques, il faut élire un nouveau Pape. Les manigances d’un Voiello mal avisé (Silvio Orlando est un formidable Cardinal qui… passe ses nuits à jouer à un jeu vidéo où des tueurs à gages tirent sur des prêtres !) posent la tiare sur la tête de François II qui décide d’appliquer les principes d’austérité, de pauvreté et de chasteté de saint François d’Assise. Mais son pontificat ne durera pas longtemps…
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Après cet intermède à la Jean-Paul Ier, Voiello, accompagné du cardinal Guttierrez (Javier Camarra) et de la responsable communication du Vatican Sofia Dubois (Cécile De France), se rend en Angleterre pour convaincre Sir John Brannox d’accepter la charge pontificale. Sorrentino a expliqué avoir créé ce personnage en s’inspirant du cardinal britannique John Henry Newman (du reste souvent cité par Brannox) qui a œuvré au XIXème siècle pour le dialogue entre les églises anglicane et catholique ; Brannox semble donc un choix raisonnable en vertu de sa modération et de la ligne médiane qu’il prône. Mais celui qui va prendre le nom de Jean-Paul III cache bien des failles, des secrets et des faiblesses…
Dans le rôle, John Malkovich est excellent et on a même du mal à savoir s’il s’adapte au personnage ou si celui-ci a été écrit pour lui. Avec un détachement très britannique et une subtile ironie, il donne quelque chose d’insaisissable à cet homme charismatique mais fragile et imprévisible. Il parvient surtout à faire contre-poids à Jude Law, ce qui apparaît d’autant plus nécessaire que, bien que dans le coma, l’ancien Pape est omniprésent. Son influence tant sur les fidèles que sur le Vatican est si grande que son ombre plane en permanence – dans les rêves et les visions de plusieurs personnages, dans la dévotion des croyants, dans la ferveur d’une Esther (Ludivine Sagnier) qui pense avoir vécu un miracle.
Comme The young pope, The new Pope porte la marque de Sorrentino : sa recherche esthétique constante, une photographie élégante qui pousse à son paroxysme le faste du Vatican, des séquences oniriques ou surréalistes léchées et suggestives aussi déconcertantes que magnifiques à regarder : tout est au service du récit et jamais l’inverse. Il y a aussi une imagerie religieuse que le réalisateur accentue, profane et décontextualise : on pense au générique, mais aussi au Conclave avec ses couleurs vives et sa musique techno qui lui donnent des airs de sabbat. Et si la saison précédente mettait un kangourou au Vatican, celle-ci y installe Marilyn Manson… On ne sait pas ce qui est le plus bizarre !
La série se nourrit d’images et d’allégories mais aussi d’auto-dérision (Jean-Paul III n’aime pas John Malkovitch !), de dialogues ciselés et d’aphorismes, interroge la foi, la relation avec Dieu ou l’Église et pose aussi des questions brûlantes. Comme lorsqu’elle imagine les luttes et les batailles idéologiques au sein du Vatican, ces Cardinaux retors et manipulateurs qui exercent le pouvoir, ou qu’elle se penche sur les enjeux qui affectent directement l’Église (célibat, pédophilie, corruption, homosexualité, islamisme, place des femmes, crise des réfugiés.) Et d’une certaine manière, The new pope nous renvoie à notre propre naïveté comme dans l’arc autour d’un François II plus motivé par la stratégie que par l’humaniste, et à notre rapport à la religion à travers la confrontation qu’on devine d’emblée inévitable entre deux Papes que tout oppose.
Avec quelqu’un d’aussi imprévisible que Sorrentino, on ne sait jamais à quoi s’attendre. Le réalisateur prend souvent des directions radicales et assumées qui peuvent être aussi excitantes que décevantes, en particulier dans sa mise en scène. Et il laisse rarement indifférent. C’est bien le cas avec The new pope, qualifiée par le public de scandaleuse ou audacieuse, séduisante ou ennuyeuse, sexy ou lubrique, pertinente ou énigmatique. Mais au delà d’un style qui enchante les uns et rebute les autres, The new pope est un exercice virtuose qui soulève bien des questions sur la religion et tant d’autres choses encore. Les voies de Sorrentino sont – décidément – impénétrables…