Mahershala Ali excelle en ex-inspecteur obsédé par une affaire, dans une troisième saison de True Detective obsédée par la première.
C’est quoi, True Detective (saison 3) ? En 1980, l’enquête sur la disparition de deux enfants en Arkansas est confiée aux inspecteurs Wayne Hays (Mahershala Ali) et Roland West (Stephen Dorff). 35 ans plus tard, désormais à la retraite et bien qu’atteint de la maladie d’Alzheimer, Hays tente de se souvenir et retrace les événements en répondant aux questions d’une journaliste. Relancée en 1990 mais demeurée irrésolue, l’affaire a viré à l’obsession, a hanté et hante encore le vieil homme.
En 2014, True Detective séduisait avec son superbe casting, une écriture ciselée, une intrigue complexe et une mise en scène audacieuse ; en 2015, la saison suivante avait été boudée par le public et la critique. Dans ces conditions, la troisième saison était attendue avec curiosité, entre circonspection et optimisme. La série a donc fait son retour sur les écrans, et un retour aux origines : très proche de la première saison, celle-ci en reprend la lenteur assumée, l’ambiance crépusculaire, les effets de mise en scène, les personnages torturés et les révélations au compte-goutte dans un récit structuré et réfléchi.
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En 1980 dans l’Arkansas, Wayne Hays et son collègue Roland West sont chargés d’enquêter pour découvrir qui a assassiné le petit Purcell et ce qu’il est advenu de sa sœur Julie, portée disparue. On suit le duo à travers des sauts temporels couvrant trois époques différentes (1980, 1990 et 2015), à mesure qu’ils poursuivent leurs investigations avec une opiniâtreté qui confine à l’acharnement. Sans rien en dévoiler, disons au moins que l’affaire, résolue dans le dernier épisode, est moins mystérieuse que ce que laissait présager le récit (et que ce que les spectateurs avaient imaginé en spéculant sur les réseaux sociaux.) Cohérente, l’intrigue se prête surtout parfaitement à la démarche du showrunner Nic Pizzolatto : en faire un cheval de Troie pour pénétrer dans la psyché de Hays.
Car la véritable histoire est moins celle de l’enquête que celle des enquêteurs, et en particulier de Hays. Tout au long d’un récit complexe et éclaté mais néanmoins facile à suivre, on le voit d’une époque à l’autre, subir les conséquences de cette sordide histoire. A mesure qu’il tente de l’élucider, il accumule les frustrations et voit sa vie personnelle et son équilibre se fissurer. Sa femme Amelia (Carmen Ejogo) s’intéressant elle-même à l’affaire pour en tirer un livre, leur mariage est progressivement «contaminé» par le dossier ; obsédé par le mystère, Hays lutte en permanence contre les fantômes du passé, les difficultés familiales, sa propension à la solitude, la dégradation de ses relations puis celle de sa mémoire alors qu’il est âgé. Et c’est toute son existence puis lui-même qui se consument, jusqu’à une dernière scène angoissante et déchirante. De son côté, West se rapproche du père des enfants disparus (Scoot McNairy), sacrifie son couple et finit par prendre une décision qui va, lui aussi, le détruire à petit feu.
On avait bien compris que Pizzolatto aimait à mettre en scène des personnages masculins en proie à des regrets, des doutes et des crises existentielles. Ici, Mahershala Ali est exceptionnel dans le rôle d’un Hays à la dérive, qui se perd peu à peu dans les méandres de l’investigation puis de son esprit. Ce n’est certainement pas un hasard si, le soir de la diffusion de l’ultime épisode, l’acteur recevait un Oscar pour sa performance dans Green Book. A ses côtés, Stephen Dorff est un second rôle convaincant, avec une interprétation qui monte en puissance en fin de saison.
C’est indéniable : cette troisième saison (dont la diffusion vient de s’achever) ressemble donc à la première (qui s’est terminée il y a cinq ans), et True Detective tente de renouer avec son essence et d’ effacer le souvenir de sa saison précédente. Elle ne s’en cache pas. Outre des scénarii très semblables, des thèmes de réflexion similaires (la mémoire, par exemple) et les similitudes relevées plus haut, les deux histoires se déroulent dans le même univers avec des points de jonction. Un personnage évoque même l’enquête menée par Rust Cohle et Marty Hart, dont la photo apparaît en une d’un journal. Le tout reste solide dans l’écriture, la mise en scène et l’interprétation. On aimerait pouvoir en dire autant de toutes les séries policières.
Pourtant, on peut ressentir une légère déception. Après le choc qu’avait représenté la première saison en 2014, celle-ci n’offre rien de nouveau et n’a donc pas tout à fait le même impact. C’est aussi un peu de notre faute : dépités par la deuxième saison, nous voulions retrouver la précédente, et c’est exactement ce que nous avons eu. Dans cette optique, True Detective offre tout ce qu’on en attendait. Ni plus, ni moins. Peut-être aurait-elle pu nous apporter autre chose… Au final, et passée cette petite frustration, il faut reconnaître que la série fait un retour gagnant. Ne boudons pas notre plaisir : en terme d’écriture, de mise en scène ou d’interprétation, cette saison reste remarquable.
En définitive, la troisième saison de True Detective est honnête, et nous donne ce que nous lui avons demandé : une intrigue criminelle bien menée, un récit complexe presque labyrinthique, le parcours psychologique édifiant des personnages, d’excellents acteurs (Mahershala Ali en particulier). Et c’est déjà remarquable. Mais en collant à la première saison, True Detective ne se renouvelle guère et n’apporte rien de neuf. C’est sans doute son seul défaut, car on a par moments l’impression d’avoir déjà vu ce True Detective là… Néanmoins, vu la qualité de l’ensemble, on peut largement s’en contenter.
True Detective – Saison 3 (HBO)
8 épisodes de 55′ environ.
Diffusée en France sur OCS.