Le commerce d’armement et d’équipement militaire a connu en 2015 une augmentation de plus de 10%. La répartition géographique des acheteurs agit comme le marqueur des zones de tensions. Les vendeurs se battent pour le haut du classement. La France, notamment, devrait se hisser à la seconde place d’ici 3 ans.
L’industrie de la défense se porte très bien au niveau mondial. Selon le Global Defence Trade Report de IHS Jane’s (une agence d’information et d’analyse économique spécialisée dans les questions de défense), le secteur a connu l’année dernière une croissance de plus de 10% avec 65 milliards de dollars, une augmentation de 6,6 milliards par rapport à 2014.
Les acheteurs
Dans l’ordre, les plus gros acheteurs sont l’Arabie Saoudite, l’Inde, l’Australie, l’Egypte et la Corée du Sud. Ce qui nous permet de nous faire une idée des zones les plus importatrices d’armements : le Moyen-Orient et l’Asie du Sud-Est.
Le Moyen-Orient est la région la plus déstabilisée dans le monde, minée par le terrorisme, les guerres civiles, sur fond de grande rivalité sunnite-chiite. Au coeur de la région, le premier importateur d’armement, l’Arabie Saoudite, a profité du boom du prix du pétrole des dernières années pour passer de grosses commande qui se sont concrétisées en 2015. Le royaume s’est offert des nouveaux types d’armement : aux armes lourdes conventionnelles s’ajoutent de plus en plus des technologies de surveillance et de contrôle au sol — des outils adaptés à des activités plus tactiques. Les saoudiens se sont ainsi procuré des Eurofighter Typhoon, des F-15, des hélicoptères Apache, des armes de précision, des drones, des équipement de surveillance. Rappelons que l’Arabie Saoudite mène depuis 2015, à la tête d’une coalition, une guerre au Yemen contre les rebelles houthis chiites, en plus d’aider une partie des rebelles syriens, et se prépare à une éventuelle escalade des tensions avec l’Iran autour du Golfe persique.
Les achats égyptiens ont eux aussi connu une augmentation importante, passant de 1 milliard de dollars en 2013 à 2,3 milliards en 2015. Al-Sissi gonfle la puissance militaire de son pays face aux menaces sécuritaires, et peut profiter des aides financières de l’Arabie Saoudite et des pays du Golfe, mais aussi des Etats-Unis et de la France.
Les futures dépenses d’armement de ces pays resteront fortement corrélées aux prix du pétrole qui devraient se maintenir à un niveau assez bas (après être toutefois remonté depuis janvier autour de 50$) ; à l’avenir, les dépenses devraient se faire moins pour l’équipement et davantage pour les opérations, dans une région qui restera stratégique de tous les points de vue.
Quant à l’Asie du Sud-Est, l’explosion de la demande s’explique par les tensions toujours grandissantes en mer de Chine, où le mastodonte chinois tente d’assurer son hégémonie au détriment des plus petits pays littoraux. Ceux-là ont augmenté leurs dépenses militaires de 71% depuis 2009, se procurant notamment des avions et des missiles anti-navires. La Corée du Sud, elle, cherche une garantie contre la menace perpétuelle de la Corée du Nord.
Les vendeurs
Dans l’ordre, ce sont les Etats-Unis, la Russie, l’Allemagne et la France.
Avec 23 milliards de dollars à eux tout seuls, dont 8,8 milliards pour le Moyen Orient, les Etats-Unis dominent facilement le marché, et commencent à écouler leur F-35 (le programme d’armement militaire le plus cher de l’histoire).
La Russie devrait bénéficier dans un avenir proche des efforts de l’Iran dans la modernisation de leur armée de l’air, après la levée des sanctions occidentales de juillet dernier.
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Mais c’est la France qui crée la surprise. De quatrième, elle devrait se hisser à la seconde place d’ici 2018, doublant l’Allemagne et la Russie. Elle profite du grand marché moyen-oriental, de ses ventes à l’Arabie Saoudite, l’Algérie, l’Inde, le Brésil et l’Australie. Les produits français jouissent d’une excellente réputation et s’appuient sur une technologie qui est, dans certains secteurs, au moins aussi bonne, sinon parfois meilleure, que l’américaine. Ses missiles et ses navires classe Mistral font référence (notons que l’un des deux Mistral vendus à l’Egypte après l’annulation du contrat russe, et baptisé Gamal Abdel Nasser, a quitté Saint-Nazaire ce week-end pour Alexandrie).
Le dernier succès de l’industrie de la défense française a d’ailleurs fait les unes en avril dernier : un contrat avec l’Australie de 34 milliards d’euros, étalé sur 50 ans, pour 12 sous-marins de DCNS, que d’aucuns ont appelé le contrat du siècle.
Avec une France à la seconde place, ce serait la première fois depuis des décennies que le top 2 se voit ainsi bouleversé. En France, les succès à l’export de l’industrie de la Défense sont un argument politique pour l’équipe dirigeante, dans une économie à la peine dans les autres secteurs.