Avec Mon Crime, Francois Ozon signe une comédie policière féministe au ton léger, comique et théâtral
C’est quoi Mon Crime ? Dans les années 30 à Paris, Madeleine Verdier, jeune et jolie actrice sans le sou et sans talent, est accusée du meurtre d’un célèbre producteur. Aidée de sa meilleure amie Pauline, jeune avocate au chômage, elle est acquittée pour légitime défense. Commence alors une nouvelle vie, faite de gloire et de succès, jusqu’à ce que la vérité éclate au grand jour… Le film qui sortira en France dans les salles de cinéma le 8 mars prochain – la date de la journée des droits de femmes – se veut féministe et puissant.
L’essentiel
Ce film est adapté de la pièce de théâtre de Georges Berr et Louis Verneuil, elle fut d’ailleurs un véritable succès en 1934. D’après le communiqué de presse, le réalisateur Francois Ozon cherchait à réaliser un film sur « un faux » ou « une fausse coupable ». Cette pièce était donc la parfaite occasion pour traiter ce thème. Il n’a pas hésité à assigner les rôles principaux à deux jeunes espoirs du cinéma français, Nadia Tereszkiewicz (Les Amandiers) et sa compère, Rebecca Marder (Simone, le voyage du siècle). Ces deux jeunes actrices sont par ailleurs accompagnés par des acteurs et actrices renommés et habitués des films de Ozon, comme André Dussolier, Fabrice Luchini ou encore Isabelle Huppert. Dans le communiqué de presse, le réalisateur a exprimé son désir de se saisir de thèmes contemporains, les rapports de pouvoir homme-femme, la condition de la femme, qui font fortement écho à #Metoo, dans le contexte des années 1930. Le film adopte un ton léger, loufoque et rafraichissant tout en assumant totalement son aspect théâtral.
On aime
Ce nouveau film de Ozon est très bien orchestré et manifeste une vraie liberté créative. De l’écriture des dialogues au vocabulaire mesuré, avec comiques de mots, répliques loufoques, en passant par des coups de théâtre, rebondissements inattendus, situations incongrues, il s’inscrit dans un décor théâtral assumé du Paris des années folles. La musique de Philippe Rombi est riche et variée, tantôt jazzy, sinon lyrique et on distingue même par moment des sonorités de film noir, elle berce le film et accroche le spectateur aux moments clefs. Le coup de force du film est d’avoir su transposer des références contemporaines, des sujets d’actualité à une époque où la condition de la femme n’était que très peu ou pas questionnée. Cette nouvelle approche donne au film quelque chose de novateur, de rafraîchissant, il ne tombe jamais dans la caricature du film engagé. À aucun moment Ozon ne sacrifie le film artistique au film politique, bien au contraire.
Tous les acteurs sont assez convaincants, point d’honneur pour Fabrice Luchini et Dany Boon qui sont, chacun à leur façon, très cocasses. Cependant Nadia Tereszkiewicz n’est pas bouleversante même si son duo avec Rebecca Marder fonctionne bien. L’exploit d’imaginer et de réinventer des situations, des scénarii, en permanence, dans le cadre de l’enquête menée par Luchini, donne au film une fraiche spontanéité qui garde le spectateur en haleine. On ne cesse de virevolter tout au long du film, et malgré les impostures des deux personnages féminins, on reste tout de même de leur côté car elles utilisent toutes les armes qu’elles ont en main, à l’époque, pour défendre une cause : la cause des femmes. La réplique de André Dussolier endossant le rôle de chef d’entreprise cupide : « Je me demande si j’ai pas soudain perdu la notion du bien et du mal », résume le ressenti du spectateur. Qu’importe les moyens, la cause que défendent ce duo endiablé est noble et belle.
On aime moins
Le bémol du film pourrait résider dans le jeu de l’actrice principale qui est juste mais ne bouleverse jamais. Bien que son personnage tantôt suicidaire, lunatique et imprévisible ne doit pas être si simple à interpréter, on ne ressent pas une émotion folle. L’autre aspect négatif sur lequel on pourrait mettre l’accent est cet effet de « trop plein », qui fait l’effet d’une fanfare par moment. Cependant c’est tout à fait justifié car le film s’inscrit et s’assume comme comédie théâtrale, digne de scènes rocambolesques et autres deus ex machina propres au genre. On pourrait penser que l’histoire part dans tous les sens, mais non, finalement le film est si bien écrit que le spectateur comprend aisément le film et reste suspendu à la trame. En fin de compte, on pourrait dire que Francois Ozon a réalisé un film bien enlevé, sans pour autant être un chef d’oeuvre. Il accomplit tout de même l’exploit de parler de la liberté et la condition des femmes d’une façon tout à fait novatrice, légère et créative.