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Pedro Alonso (Berlin – La casa de papel) : « Je pense beaucoup à la responsabilité de la série »

La casa de papel fut la sensation de la saison sur Netflix. Lors du Festival de télévision de Monte-Carlo, nous avons pu échanger avec Pedro Alonso qui incarne le charismatique Berlin.

Avoir du succès dans son pays, c’est génial et c’est fantastique ; mais avoir un succès d’un seul coup, en quelques semaines, partout dans le monde entier, comment on gère ça Pedro Alonso?

Pedro Alonso : A un moment, j’étais en Argentine, après avoir voyagé à travers l’Europe. J’avais voyagé dans plusieurs villes d’Europe, et on me reconnaissait à Londres, à Paris, à Rome, à Florence, à Sienne ; c’était vraiment frappant. Mais arrivé à Buenos Aires, je n’en avais pas pris la mesure. Les gens s’amassaient devant les portes de l’hôtel, on a dû m’adjoindre un service de sécurité pour que je puisse marcher dans la rue… J’ai parlé au téléphone un matin avec Ursula Cordero, qui joue Tokyo, qui revenait de Rome, et elle m’a dit : « Pedro, maintenant, je sais ce que ça fait de se sentir comme Madonna ! » Et je lui ai dit : « Et bien moi, je sais ce que ça fait de se sentir comme Mickaël Jackson ! » Ça m’a beaucoup impressionné. Ce n’est pas tant le fait qu’on te reconnaisse ; ça sonne comme une blague, mais tu sens que ta vie pourrait changer. J’adore le fait d’arriver dans une ville, d’ouvrir la porte et me balader au hasard. Je ne pouvais pas le faire, et ça fait une forte impression. Imaginez-vous que ça arrive tout le temps ! Je crois que dans mon cas, ça va vite passer,  ça ne va durer qu’un temps. La prochaine fois que je viendrai à Monaco, je suis sûr qu’on ne me laissera pas passer : on me dira « Non, non… Ce n’est pas possible !  Ce n’est pas possible ! » Mais pendant les mois où ça durera, en prenant de la distance, j’en suis reconnaissant parce qu’il y a une grande vague de sympathie. Hier, on était avec les fans au cinéma, et ce n’est pas que les gens veulent te voir, c’est cette énorme chaleur que nous recevons ; et pour moi qui me consacre à la communication, sentir que mon travail est devenu viral et touche le cœur des gens, c’est quelque chose de très émouvant. Je ne pense pas que ce soit définitif, mais ce qui est vrai, c’est que je pourrais dire un jour : « J’ai vécu un succès planétaire. », ce qui est complètement fou, non?

Honnêtement, entre nous – juste entre nous, personne n’écoute – vous n’êtes pas fatigué, quand vous faites un pas dans un lieu, dans une salle de spectacle, que Bella Ciao retentisse ?

Pedro Alonso : Je reviens de deux semaines à la montagne, dans les Pyrénées, avec ma compagne, tous seuls. Pour me recharger en énergie, parce que j’en avais besoin et parce que j’adore être tranquille, et aussi parce que ça me permet de préserver un équilibre avec des moments comme ceux-là. Je ne veux pas lutter contre quelque chose qui fait partie d’un moment de ma vie, ça me permet de me préparer pour assimiler tout çà, avec le plus de lucidité possible. Je comprends que ça fasse partie de l’instant, et c’est très chouette que tant de générations différentes – qui connaissent l’origine de la chanson, qui ne la connaissent pas, qui n’en ont aucune idée, qui en ont une idée précise, et qui ont même des proches qui ont combattu le fascisme – chantent la chanson à l’unisson. C’est quelque chose d’incroyable. C’est incroyable. Ça durera un temps, et puis ça passera. Tout passe.

Plus sérieusement, au-delà de la série télé La Casa de Papel, les personnages, les postures, la chanson sont devenus des symboles pour plein de jeunes gens dans le monde, dans des pays opprimés. Qu’est-ce que ça fait pour vous, en tant qu’acteur, comme responsabilité 

C’est très important ce que vous venez de dire, parce que j’y pense beaucoup. J’y ai réfléchi. J’aime être sérieux, et j’aime m’amuser. Mais tout d’un coup, par exemple en Argentine, on m’emmène au palais présidentiel. Si je fais une déclaration, ici même et maintenant, parce qu’on s’amuse, et que j’envoie un message en Turquie, alors tout d’un coup, la chose devient sérieuse. Parce que quelqu’un m’a dit qu’en Turquie, la série fait référence pour des gens qui sont très préoccupés. C’est quelque chose de difficile à croire, mais je comprends qu’il faut l’aborder avec tout le respect du monde. Par ailleurs,je dirais : avec tout le respect que j’ai pour mon travail. Je prends mon travail comme un vrai métier, avec tout le respect dont je suis capable. La vie t’invite à te montrer responsable de chaque moment. Et je comprends que la position dans laquelle je suis actuellement, et la manière dont je prends les choses, c’est un message. Et ça demande un effort de comprendre quelle est la manière la plus lucide de me comporter. Nous verrons après si cela engendre ou fait bouger quelque chose, ou non. Mais je me soucie beaucoup de ce que je fais, de la manière dont je travaille, des relations avec les gens qui m’entourent, avec mes compagnons sur le tournage. Mais je suppose que vous aussi, avec vos collègues quand vous travaillez ici.

Est-ce que vous avez senti, au début du tournage de La casa de papel, que vous aviez autre chose qu’une simple série télé sur un braquage ?

Quand j’ai lu les premiers extraits de La Casa de Papel, je me suis dit : « Bam ! On tient quelque chose. » J’avais une autre série en perspective, que j’avais très envie de faire, avec des gens que j’apprécie beaucoup, et quand ceux de La casa de Papel m’ont dit : « On te veut », j’ai choisi La casa de Papel. C’est ce que m’a dit mon flair. Tout s’alignait parfaitement, je me suis tout de suite dit « La, il y a quelque chose. » Et à chaque étape, avec le temps, j’en ai eu confirmation. C’est vrai que les deux premiers mois ont été très difficiles, et j’ai eu beaucoup de doutes. Parce que je pensais que tout l’aspect technique de la série, toute l’ambition esthétique aurait pu prendre le pas sur la chaleur des acteurs.  Ça aurait pu être une série froide. Je disais : « Attention, attention, attention... » Je disais toujours à l’équipe : « Attention s’il vous plaît, on a besoin de continuité pour que tout ça ait une âme. »Mais je me souviens, quand on a vu le premier épisode monté. J’ai regardé me compagnons et j’ai dit : « C’est de la folie, c’est de la folie. » J’ai senti qu’il y avait quelque chose de très fort, et que dans l’équipe, il y avait une énergie très, très forte. Dans l’affection, la concentration et l’implication.

Dernière question, très courte : La Casa de Papel est connue dans le monde entier, mais juste avant, vous étiez aussi dans El Ministerio del Tiempo, qui est sur Netflix, et qui a été refaite aux États-Unis. Est-ce que ça veut dire qu’aujourd’hui, on s’arrache Pedro Alonso partout dans le monde ?

Absolument pas. Non. Non. Dans El Ministerio del Tiempo, je n’ai fait que deux épisodes, mais là, je vais faire le premier film du réalisateur avec qui j’ai travaillé. Parce que c’est un des trois réalisateurs avec lesquels j’ai travaillé, ça n’a duré que deux mois, au bout de quelques jours on s’est regardé et on s’est dit : si on en a l’opportunité, il faut que nous travaillions ensemble. Seulement après deux épisodes. Il fait partie de ces gens qui te disent : « Je te comprends », et il m’a compris. Et il y a eu un moment où on n’avait plus besoin de parler. Et il n’y a eu que deux épisodes. Il m’a emmené au Mexique, où il va faire son premier film, et j’ai l’immense privilège de jouer le personnage principal de son film. Et ça me touche beaucoup parce qu’il a un talent incroyable, ce mec, Marc Virgil. On va tourner un thriller en Octobre et Novembre, en Septembre on fait les essais, et j’espère que ce sera une grande expérience. Si les gens se battent pour moi, je n’en sais rien mais je ne pense pas. Mais s’il y a des gens talentueux, dans le monde, qui envisagent la possibilité de m’appeler, c’est quelque chose d’incroyable. C’est incroyable. Mais j’insiste : je suis très heureux de vivre le moment présent, mais pour faire le bilan il faut laisser passer un peu plus de temps. C’est trop récent pour qu’on puisse saisir la portée de tout cela.  C’est vrai que j’ai beaucoup voyagé au cours des derniers mois, c’est vrai que que je viens de finir quelque chose en Argentine, c’est vrai que je suis ici avec vous, à faire une vingtaine d’interviews, mais je veux voir comment ça évolue dans les prochaines années. J’ai la sensation que la période est favorable mais je veux en faire moins, pour être beaucoup plus rigoureux dans mon engagement, dans mon travail.

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Rédacteur en chef du pôle séries, animateur de La loi des séries et spécialiste de la fiction française
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