Bolivie, la ville de Potosi et ses mines, centre de l’Amérique pendant des siècles et aujourd’hui une des régions les plus pauvres du pays, constat social d’une réalité qui frappe.
On raconte que les Rois d’Espagne, maîtres des colonies espagnoles, auraient pu, avec tout l’argent reçu, construire un pont. Celui-ci partirait de la haute cime de cette montagne pour arriver au pied du palais royal espagnol, outre Atlantique. Plus un mythe qu’une réalité, une chose est sûre, beaucoup d’argent a été extrait du Cerro Rico.
Passé faste
C’est une histoire triste, celle d’une ville condamnée à la nostalgie. Condamnée à grappiller les miettes, celles laissées par les Espagnols. Potosi, nommée Ville Impériale par l’empereur Charles Quint en 1561. Celle qui pendant près de trois siècles fut le centre du monde colonial, le centre de l’Amérique. Eldorado argenté, cette ville et sa montagne furent la source de la richesse des empires européens, la métaphore de la ruine de tout un continent.
Fondée en 1545, son histoire est la même que les villes-champignons americaines du XIXème siècle. C’est la même fièvre de l’or, la même folie des grandeurs. Qui viendrait fonder une ville à 4000 mètres d’altitude, sous un climat sec et hostile ? Trente ans après son apparition, elle comptait déjà 120.000 habitants, soit plus que de nombreuses villes d’Europe. En 2007, la population a de nouveau atteint son niveau de 1650 : 160.000 habitants. Prisonnière de ce passé, elle n’est plus que l’ombre d’elle même. Royaume chrétien, les églises pullulent tout comme les bâtiments coloniaux, fossiles d’une époque faste. Bien entendu, les indigènes, les peuples originaires de la région, n’ont jamais pu avoir accès à cette richesse. Ils n’ont fait que la construire.
Quotidien misérable
Aujourd’hui, la Bolivie reste un pays à l’économie et aux conditions de vie assez précaires. Bien entendu, Potosi et ses mines ne font pas office d’exception, la pauvreté gangrène la ville. Mais il n’est pas facile d’inverser la tendance, car depuis toujours l’économie est tournée vers la mine. Au contraire, avec des ressources qui se raréfient, la précarité, la pauvreté ne font qu’augmenter. Si, avant, ce qui sortait des entrailles de la terre était de l’argent presque pur, aujourd’hui les mineurs n’ont plus d’autre choix que de se rabattre sur des métaux moins précieux comme le zinc ou étain. Ceux qui aux yeux des Espagnols n’étaient pas assez rentables pour être exploités.
Les chiffres qui reviennent sont ceux de 7 à 8.000 mineurs qui travaillent quotidiennement dans les mines de Potosi. Ce sont 8 heures de travail, du lundi au samedi, parfois 16 heures sans sortir de la mine quand on tombe sur un bon filon. Pour soutenir un tel rythme de travail, tous les moyens sont bons. Vu qu’il est impossible de manger dans les mines, à cause de la poussière, les mineurs se gavent de coca, coupe-faim énergisant. Ils boivent aussi un alcool à 96°, pur ou coupé avec du soda.
Réalité moribonde
En 1952, l’État Bolivien décide de réserver l’extraction du minerai aux entreprises ou coopératives boliviennes à travers la Comibol, une corporation qui réglemente l’extraction minière en Bolivie. Mesure tardive pour que le pays ne se fasse pas piller ses ressources. Dans les coopératives, chaque mineur verse une partie de son salaire pour faire fonctionner celle-ci, le reste de l’extraction est un profit personnel. Théoriquement, on peut encore aujourd’hui devenir millionnaire en tombant sur le bon filon. Mais c’est une illusion dorée plus qu’autre chose. Et bien que certaines coopératives créent des fonds de cotisation pour la retraite des mineurs, l’espérance de vie est extrêmement faible. À 40, 45 ans tout au plus, ils vont rejoindre les huit millions de morts emportés par les mines depuis leur création.
Le travail des enfants est légal à partir de 10 ans depuis 2014. La condition est qu’ils travaillent pour leur propre compte, même si il s’agit plutôt d’une manière de faire peser la pauvreté sur leurs épaules. Et, bien qu’il leur soit interdit de travailler aux mines, les conditions de vie obligent souvent les familles à agir autrement. Si le père meurt prématurément, l’aîné n’a d’autre choix que de le remplacer. Entre la faim et l’illégalité, ils font rapidement leur choix. Ce sont donc des gamins qui, à 14, 15 ans, se retrouvent “six pieds sous terre” sans aucun espoir d’avenir. Destin réservé aux hommes depuis des siècles.
Sources et pour aller plus loin :
Sur les tension entre les mineurs et l’Etat:
En espagnol, sur la nationalisation des mines, dont celle de Potosi et les politiques actuelles dans ce domaine:
À lire pour se faire une idée plus précise du contexte latino-américain et pour mieux comprendre d’où vient cette pauvreté:
« Les Veines ouvertes de l’Amérique latine » d’Eduardo Galeano