A l’heure du premier débat entre Donald Trump et Hillary Clinton, et alors que la date du scrutin approche à grands pas, les programmes des deux candidats sont en grande partie fixés. RVL se penche sur la politique étrangère de chacun. Aujourd’hui, Donald Trump.
Première puissance mondiale, première puissance militaire, « gendarmes du monde » : sur la scène internationale, les Etats-Unis peuvent faire et défaire. Une raison de prendre au sérieux le programme de politique étrangère du prochain Président(e), dans une situation internationale difficile, voire chaotique.
Irak
Au cours des primaires républicaines, Trump a vivement critiqué George W. Bush pour l’invasion de l’Irak en 2003, y dénonçant une des sources de l’instabilité actuelle au Moyen-Orient.
C’est une nouveauté pour les Républicains. Mais Trump ne fait qu’aller dans le sens d’une grande part de l’électorat, qui ressent une forte insatisfaction par rapport à cet engagement militaire. La classe moyenne a été la plus touchée par la guerre, coûteuse en argent et en jeunes recrues.
Quant à régler la situation actuelle, Trump n’a pas de proposition claire, si ce n’est d’apporter davantage de soutien aux Kurdes irakiens.
Etat Islamique et Syrie
La menace que présente l’Etat Islamique est omniprésente dans la campagne américaine.
Contre l’organisation, Trump aurait un « plan » mais refuse d’en dévoiler le détail, pour ne pas gâcher l’effet de surprise. Il a appelé à des bombardements, surtout concentrés sur les opérations d’extraction pétrolière. Il a aussi — ce qui est contradictoire — appelé à « prendre leur pétrole ». Selon lui, il faudrait 30 000 soldats pour venir à bout du groupe terroriste, même si pour l’instant il n’a pas proposé de déployer des troupes sur le terrain.
Il y a quelques mois, le candidat avait tenu des propos très clivants et provocants sur la lutte anti-terroriste : il avait souhaité l’utilisation ponctuelle de la torture comme forme d’interrogatoire, et suggéré de tuer la famille d’un terroriste comme forme de dissuasion.
Trump n’a jamais vraiment appelé au départ d’Assad. Sa stratégie serait de laisser à la Russie plus de champ libre pour stabiliser elle-même la région.
Iran
Trump, comme les Républicains en général, se montre très critique envers l’Accord de Juillet 2015 conclu avec l’Iran. L’Iran Deal aurait notamment permis à l’Iran de toucher 150 millions de dollars gelés. C’est pour Trump une marque de faiblesse de la part d’Obama et de sa politique : trop de concessions, et une situation finale pas assez avantageuse pour les Etats-Unis. Son souhait : renégocier l’accord — même si, là encore, rien n’est très clair ni très précis.
L’islam et les musulmans
« Honnêtement, on a un problème avec les musulmans »
En décembre 2015, au lendemain des attentats de San Bernardino, Trump avait proposé l’interdiction totale d’entrée de territoire aux musulmans, au moins temporairement. Le Muslim Ban avait provoqué des réactions partout dans le monde. Il avait été applaudi par une partie de l’électorat, mais avait été critiqué par certains leaders républicains et démonté par les Démocrates comme étant anticonstitutionnel.
Trump est depuis revenu dessus, et souhaite plutôt des méthodes radicales de « profiling », appelant à un « extreme vetting » (filtrage) des candidats venant de pays musulmans.
Israël et les territoires palestiniens
Trump souhaite de meilleures relations avec Israël, « notre plus grand allié dans la région », particulièrement remonté contre l’Accord avec l’Iran négocié par Obama.
En mars, dans un discours au American Israel Public Affairs Committee, Trump s’est montré proche des vues israéliennes, ou du moins juives américaines, sur la question d’une négociation avec l’Autorité palestinienne.
Ce week end, lors d’une rencontre avec Netanyahou à New York, Trump a affirmé qu’il reconnaitrait Jérusalem comme la capitale indivisible d’Israel.
L’OTAN
Trump veut que les alliés européens contribuent financièrement davantage en échange de la protection américaine. Il est allé jusqu’à suggérer un départ des Etats-Unis de l’Organisation pour faire pression. Pendant les primaires, il critiquait vivement l’OTAN, une organisation « obsolète » qui devrait selon lui se préoccuper moins de la Russie et davantage du terrorisme islamique et des vagues migratoires.
Il est depuis revenu sur ses affirmations et a mis de l’eau dans son vin, reconnaissant l’effort de l’Otan dans la lutte contre le terrorisme et la nécessité d’une alliance soutenue en Europe.
La Corée du Nord
Pour le candidat, il faut faire pression sur la Chine afin qu’elle sévisse contre la Corée du Nord et son programme de développement d’armes nucléaires.
Il a également affirmé que la Corée du Sud et le Japon devraient se doter de l’arme nucléaire pour assurer eux-mêmes leur protection.
La Russie
Ukraine, Crimée, Syrie… Le « reset » du début du premier mandat d’Obama a fait long feu et aujourd’hui les tensions entre les deux ex-rivaux de la Guerre froide sont au plus haut.
Trump veut un apaisement des relations et une alliance repensée entre les Etats-Unis et la Russie, en particulier dans le contexte de la guerre contre le terrorisme. Il voit d’un bon oeil l’intervention russe en Syrie au secours de Bachar al-Assad.
Trump et Poutine se sont même échangés de compliments. L’autoritarisme énergique du Russe semble plutôt plaire à l’Américain.
La Chine
Pour Trump, c’est le grand rival des Etats-Unis et des Américains.
Avant tout, la Chine représente une menace économique : depuis son accession à l’OMC en 2003, la Chine s’est livrée à un « vol massif de jobs ». Trump accuse aussi la Chine de manipuler la monnaie, et s’insurge contre le hacking chinois. Il veut de nouveaux accords de commerce et brandit la menace d’une politique protectionniste en augmentant les tarifs douaniers. Il s’oppose également au Trans-Pacific Partnership.
Dans la mer de Chine, Trump souhaite une présence militaire américaine plus importante pour contrer les poussée chinoises.
L’Europe et le Brexit
Donald Trump est un grand critique de l’Union Européenne et des gouvernants européens, en particulier dans leur lutte contre le terrorisme. Il a lié par exemple les attentats français et belges à l’interdiction des armes à feux dans ces pays. L’Europe, pour Trump, est trop faible face à la menace islamiste.
Trump a apporté un grand soutien aux partisans du Brexit, et s’est réjoui du vote anglais, y voyant la volonté des britanniques d’avoir « des frontières » et de retrouver « l’indépendance ». Nigel Farage, leader de l’UKIP jusqu’à très récemment, a même fait une apparition à un meeting de Trump.
Immigration et Mexique
C’est le grand projet de Trump, celui sur lequel il a lancé sa campagne : construire un mur entre les Etats-Unis et le Mexique pour endiguer les flux migratoires.
En plus, il faudrait augmenter drastiquement le nombre d’agents de l’agence de l’Immigration. Quant aux immigrés qui sont déjà sur le territoire, Trump a aussi une solution : la déportation des quelques 11 millions de travailleurs illégaux dans leur pays d’origine.
Lors d’une visite surprise et pour le moins inattendue au Mexique, à la fin août 2016, Trump a rencontré le Président mexicain Enrique Pena Nieto — un « ami », d’après lui. Les deux ont même tenu une conférence de presse commune. Mais le problème du financement du mur n’a pas été surmonté : Trump veut le faire financer par Mexico, tandis que Pena Nieto a assuré avoir refusé une telle option.
Trump souhaite également annuler le North American Free Trade Agreement, un accord commercial qui selon lui avantagerait trop le Mexique, qui l’utiliserait pour s’assurer une balance commerciale positive.
« L’américanisme, pas le globalisme »
Si la politique étrangère de Trump ne renoue pas totalement avec l’isolationnisme d’il y a cent ans, elle le positionne en tout cas comme le partisan d’une « America First » nouvelle génération. Une politique qui tempérerait grandement — du moins sur les questions de défense — le global leadership qu’ont construit les Etats-Unis depuis l’après-guerre.
« L’américanisme, pas le globalisme, sera notre crédo ». C’est ce qu’a déclaré Trump lors de la convention républicaine à Cleveland, en juillet, en recevant l’investiture du parti. L’orientation de sa politique étrangère s’inscrit parfaitement dans sa politique en générale, dans le mouvement qui le porte et auquel il s’adresse dans ses meetings.
Pour Trump, les Etats-Unis profitent de moins en moins de l’ordre international libéral qu’ils ont contribué à mettre en place et qu’ils dirigent en grande partie depuis l’après-guerre et la fin de la Guerre froide.
Les alliances militaires seraient trop à sens unique et le pays s’épuiserait à s’engager partout dans le monde.
Dans l’économie mondialisée, les Etats-Unis seraient de plus en plus désavantagés, à mesure que l’économie mondiale et le commerce se restructurent et évoluent.
Ce que cherche Trump, c’est bien à mettre fin à un ordre dirigé par les Etats-Unis, et libérer le pays de ses engagements internationaux. Une volonté qui est peut-être paradoxale, et qui remet en tout cas en cause l’identité même des Etats-Unis.
Enfin, sur la question du Moyen-Orient, il faut souligner que si Trump n’a de cesse de s’insurger contre la politique d’Obama, l’accusant d’être faible et indécis, la solution qu’il préconise n’est pas si différente. Il s’agirait là aussi de « diriger depuis l’arrière », de prendre du recul, de ne pas s’insérer. En somme, l’intensification de la doctrine Obama dans cette région.