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Procès Saboundjian : « Vous n’avez pas eu une attitude digne d’un policier. »

bentounsi

Le procès en appel d’un policier qui a abattu un suspect en cavale s’est ouvert lundi 6 mars. Damien Saboundjian a tué Amine Bentounsi le 21 avril 2012 d’une balle dans le dos à Noisy-le-Sec en Seine-Saint-Denis.

Lors du procès en première instance, tenu en janvier 2016, la cour d’assises de Seine-Saint-Denis a acquitté le gardien de la paix Damien Saboundjian estimant que l’homme a agi en état de légitime défense. Le procureur général a fait appel du verdict, considérant que les conditions de la légitime défense n’ont pas été démontrées pendant le procès.

L’accusé essuyait régulièrement ses larmes lundi. Il a déclaré à la barre que pas un jour ne passe sans qu’il ne repense au meurtre. Le deuxième jour de procès a été principalement consacré au témoignage des trois collègues de l’accusé, présents sur les lieux au moment de l’homicide.

Une information majeure ressort de cette journée de procès : les appels entre les différents collègues, placés sur écoute par l’IGPN, révèlent qu’un barbecue a été organisé avec l’ensemble des protagonistes quelques jours après le drame. Des exclamations s’élèvent du public lors de cette déclaration. Amal Bentounsi, la soeur du défunt, verse quelques larmes en silence, alors qu’elle avait jusque là fait bonne figure pendant les témoignages de la défense. L’assassinat de son frère est devenu le combat de sa vie. Amal Bentounsi a créé le collectif « Urgence Notre Police Assassine » qui se donne pour devoir de lister et de dénoncer les violences policières et d’apporter un soutien aux victimes.

« Il commence à perdre conscience gentiment. »

Le chef de bord responsable de l’équipage, Charles Accary, se présente en premier à la barre en milieu de matinée, lève la main droite et déclare « Je le jure. » Comme ses collègues après lui, le policier rappelle les faits survenus le soir du meurtre. Aux alentours de 20h30, la patrouille reçoit un appel anonyme signalant « un individu en fuite, connu pour des vols à main armée. » Leur véhicule est le seul disponible ce soir-là. Les policiers l’interpellent. Le fugitif Amine Bentounsi prend peur et s’enfuit en courant. Charles Accary, Vanessa Bories et Ghislain Boursier se lancent à sa poursuite. Leur collègue Damien Saboundjian, conducteur du véhicule ce soir-là, distance ses collègues en voiture et tente de se placer en travers du chemin de l’individu.

Cinq ans après les faits, Charles Accary confirme n’avoir rien vu du reste de la scène. Lorsqu’il rejoint Damien Saboudjian et Ghislain Boursier, Amine Bentounsi gît déjà sur le trottoir, face contre terre. Ghislain Boursier est en train d’essayer de le menotter et place ensuite la victime en position latérale de sécurité (PLS), selon le chef de bord.

Le président de la cour d’assises Régis de Jorna, vêtu de son imposante robe rouge, rappelle les propos tenus par le chef d’équipe dans sa radio de fonction le soir du drame. « Il commence à perdre conscience gentiment, » avait-il déclaré alors que la victime était en train de perdre la vie allongée sur le trottoir. Le juge insiste sur l’utilisation du terme « gentiment. »

« Quand on prétend dire ce qu’on n’a pas vu, en français, ça s’appelle un mensonge. »

Le lendemain des faits, les quatre membres de la patrouille rédigent un rapport commun. Comme le relève l’instruction, le document est écrit à la première personne, mais il a été rédigé en concertation avec ses trois autres collègues, dont le tireur Damien Saboundjian. Dans ce rapport, Charles Accary affirme que Damien Saboundjian a été « braqué agressivement » par le fuyard, alors qu’il n’a rien vu de la scène du crime. « Il faut faire la différence entre ce qu’on a vu, ce qu’on pense avoir vu et ce que d’autres auraient vu, » déclare le président de la cour.

L’avocat de la partie civile, Maître Konitz met en lumière les contradictions entre les déclarations actuelles et celles faites à la suite de l’homicide. « Quand on prétend dire ce qu’on n’a pas vu, en français, ça s’appelle un mensonge. »

Vanessa Bories pense que la brigade anti-criminalité (BAC) aurait dû intervenir à leur place.

Vanessa Bories s’exprime de façon assurée et distincte et rappelle les faits comme son chef avant elle. La policière confirme n’avoir rien vu de la scène, parce qu’elle était retournée chercher des affaires dont la victime s’était débarrassée au cours de sa fuite. Au moment de ramasser le blouson d’Amine Bentounsi, elle entend quatre coups de feu rapprochés. « J’étais inerte, j’avais peur. Je ne savais pas qui avait tiré. » Lorsqu’elle arrive sur les lieux de l’homicide, Damien Saboundjian est assis sur le trottoir, choqué. Il répète à plusieurs reprises : « J’ai pas eu le choix ! » C’est à ce moment-là que Vanessa Bories comprend que quelque chose de grave est arrivé.

« Non, je ne l’ai pas vu braquer mais faire un mouvement. »

Le témoignage de Ghislain Boursier est le plus attendu par l’assemblée, car le policier a ouvertement menti lors de ses précédentes déclarations. Pendant sa deuxième audition, Ghislain Boursier a déclaré avoir vu Amine Bentounsi braquer le véhicule de police dans lequel se trouvait son collègue Damien Saboundjian, ce qu’il avait omis de mentionner lors de sa première audition.

A l’aide d’écrans, le juge retrace le déroulé de la scène en montrant des photos reconstituées. Il remet entièrement en cause la crédibilité du témoignage de Ghislain Boursier. Il met en avant les différences de discours présentes dans ses déclarations. Dans l’une d’entre elles, le policier déclare avoir vu le fuyard braquer le véhicule, bien campé sur ses positions. Dans une autre, Amine Bentounsi n’aurait effectué qu’un mouvement « furtif » avec son arme et ne se serait pas arrêté.

Damien Saboundjian, qui s’était tenu les épaules affaissées et la tête baissée durant les premiers témoignages, s’agite sur son siège. « Articulez s’il vous plaît ! Parlez bien en face du micro ! » répète le président Régis de Jorna à Ghislain Boursier. Le témoin répond de façon très succincte aux questions. Il porte un blouson marron qu’il ne retire à aucun moment pendant les deux heures d’interrogation.

Maitre Tort, avocate de la partie civile, demande à savoir pourquoi le policier a inventé certains éléments de son témoignage. Le témoin déclare n’avoir pas inventé, mais avoir répété ce qu’il avait entendu. Lorsque l’avocate l’interroge sur les raisons de ses mensonges, le témoin balbutie : « Je ne peux pas répondre. »

« Vous n’avez pas eu une attitude digne d’un policier. »

« Je vous le dis dans les yeux, vous êtes un menteur, » déclare Maitre Konitz au policier. Les avocats questionnent également M. Boursier sur le manque d’informations donné aux secours lors de leur arrivée sur les lieux. Les pompiers ont mis un certain temps à trouver la blessure du jeune homme, gisant au sol. « Je n’ai pas fait attention, » répond le témoin.

L’avocat général s’adresse à son tour à Ghislain Boursier. « Vous n’avez pas eu une attitude digne d’un policier, » déclare-t-il.

Le verdict de la cour d’assises sera annoncé vendredi 10 mars.

A lire aussi >> Affaire Théo : « La police des polices » rejette la thèse du viol

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