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Projet de la Super-ligue Européenne de Football : L’aboutissement d’une supercherie qui n’a que trop duré

(crédits : AFP/Getty Images)

Chaque information et semaine qui passe le confirme, l’arrivée d’une forme de super-ligue Européenne semble imminente à horizon 2024. Que ce soit en remplacement de la Ligue des Champions, qu’elle est l’aspect d’une ligue fermée ou semi-fermée. Et quelque soit l’organisateur, elle va mettre fin à 30 ans d’hypocrisies de la part des dirigeants européens à leur supporters. Un vaste projet qui va révolutionner le football pour le meilleur et pour le pire même si quelques incertitudes demeurent…

C’est l’histoire d’un projet qui va à moyen terme voir le jour, mais qui surtout n’est plus un secret de polichinelle pour personne. Car cela fait 30 ans, trente longues années, qu’une poignée de clubs européens, les plus riches d’entre eux se partagent le gâteau financier qu’est la Ligue des Champions. Avec l’objectif d’exclure toute notion de compétition ouverte à tous, et de manière équitable. Telle une oligarchie, qui de temps à autre donnent des miettes aux petits canards que sont les autres clubs européens. Comme lorsque le FC Porto triompha en 2004. Ce resserrement des plus prestigieuses compétitions européennes on l’a vu venir de loin. Dès 1997, lorsque la Coupe des Clubs Champions, devenue Ligue des Champions en 1992, décida d’inviter à table les deuxièmes des grands championnats. Ceux qui au fond valent bien plus dans l’esprit des gros bras que les PSV Eindhoven, Steaua Bucarest, pourtant vainqueurs de la compétition dans les années 1980. La combinaison de ce resserrement de la C1 à quelques clubs de quelques pays, avec l’arrêt Bosman à partir de 1995, ne va faire que renforcer la construction d’une élite qui va passer dans une autre dimension, sans tirer le reste des clubs vers le haut. Une élite figée qui amène aujourd’hui à cette future Super-ligue. Si l’on en connaît pas encore le principe, ce championnat semi-fermé et qui sait peut-être un jour totalement fermé, façon NBA va totalement changer la face du football des années à venir. Et mettre fin à une hypocrisie sur le niveau de compétitivité dans les championnats, même si cette Ligue peuplée de gros clubs est cependant totalement immorale. Et surtout contre l’esprit dans lequel on conçoit le sport en Europe. Cette faute éthique on la doit en particulier aux institutions du football que sont la FIFA et l’UEFA incapables d’affirmer leur autorité face aux clubs…

Des déséquilibres sportifs de plus en plus flagrants, non réglés par les institutions

Pour illustrer ces déséquilibres il suffit de s’intéresser à quelques chiffres sur le dernier carré des Ligues des Champions. Par exemple depuis le PSV Eindhoven en 2005, seul l’Ajax Amsterdam à réussit a s’inviter a ce stade de la compétition sans faire partie du club des « 5 grands championnats ». Et encore parmi ces 5 grands la France ne place que 4 clubs en 15 ans en demi-finales. Lyon 2010 et 2020, le PSG 2020 et Monaco 2017. Il faut dire qu’avec 20 places sur 32 attribuées à ces 5 pays, (4 clubs allemands, italiens, espagnols, anglais, 3 français et bien souvent le vainqueur de la C3 qui est dans ces 5 pays là) sans oublier l’impossibilité d’affronter un club du même pays en huitièmes de finale de la Ligue Des Champions, il est difficile d’échapper à ce resserrement complet. Tout en réalité à été fait pour atteindre cette donnée-là et cette absence de renouvellement dans l’élite du football européen. L’UEFA a toujours cédé à la pression des clubs. En 2016 déjà les clubs faisaient planer une menace fantôme de Super-Ligue. L’UEFA accordant alors de facto 4 places directes en C1 au « Big 4 » pour s’éviter cela. Là ou dans certains pays, la seule place attribuée pour le champion n’amène qu’au 3e Tour préliminaire, comme aux Pays-Bas. Il n’y a pas cependant que la C1 qui est concerné par cet effet de cloisonnement. La C3 depuis sa remouture et son changement de nom en Ligue Europa à été gagnée depuis 2009 soit par un club anglais, soit par un club espagnol. Une seule exception, en 2011 lorsque le FC Porto brandit la coupe. Et pour crédibiliser cette idée, redonner un intérêt à la Ligue Europa, on lui a accordé depuis 2015, un ticket direct pour la Ligue des Champions en cas de victoire, et ce même si l’on était pas qualifié par le championnat. Si on l’ajoute à cela l’impossibilité pour les clubs du même pays de s’affronter en huitièmes de finale, ceci donne des confrontations faussées, des déséquilibres évidents, et une lassitude à voir toujours les mêmes affiches se répéter indéfiniment.

Dans l’esprit du public il est clair désormais que la C3 représente une 2e division européenne, alors qu’à l’inverse les confrontations de clubs sont plus diverses, plus riches en opposition de styles et la compétition plus intéressante à suivre, sans qu’elle soit beaucoup moins dure à gagner que la C1. Enfin pour mieux donner des miettes de pain, à ceux qui de toute façon n’aurait jamais aucune chance de gagner la Coupe aux Grandes Oreilles ou l’Europa League, une troisième coupe d’Europe va voir le jour dès la saison prochaine. Celle-ci offrant aussi au vainqueur une place en C3. L’UEFA propose finalement une structure pyramidale dans ses compétitions. Ce qui accrédite l’idée qu’il y a bien trois divisions d’écart entre les vainqueurs de chaque coupe d’Europe et que chacun doit donc rester à sa place et ne pas venir jouer dans la cour des autres. Ce n’était pas forcément le cas dans les années 1980 ou un vainqueur de C1 gagnait une compétition parfois moins relevée que le vainqueur de la C3. Et toutes les mesures prises depuis des années accrédite cette thèse d’un football à plusieurs vitesses sans que rien ne soit fait pour être réglé.

La Juventus 1993 vainqueur de la Coupe UEFA. Etait-il moins fort que le vainqueur de la C1 1993, l’OM ? (crédits : JuventusTV)

Des championnats devenus sans intérêts

Mais peut-être plus encore qu’en Coupe d’Europe, le déséquilibre entre les « puissants » et les « pauvres » se fait ressentir avant tout en championnat. France, Italie, Allemagne, Espagne, ces 4 championnats ont littéralement été privatisés par ce qu’on pourrait appeler des « Super-clubs », des équipes d’élites concentrant à eux seuls tous les meilleurs joueurs et meilleurs entraîneurs car disposant des plus gros budgets. Ces personnes capables dans des jours moyens de faire basculer des matchs. Et sur la longueur de creuser l’écart en transformant des matchs nuls en victoire. Ainsi le PSG a remporté 7 des 8 derniers titres, le Bayern est sur 8 titres consécutifs, la Juventus sur 9, le Barça et le Réal ont perdu un seul titre depuis 2004. Seule en Angleterre l’alternance est encore de mise. Mais au-delà de la domination en titre, c’est l’écart qui est de plus en plus colossal qu’il faut constater. En 2016 par exemple, le PSG est sacré avec 32 points d’avance, le Bayern en 2014 à disposé de 19 points d’avance. Si auparavant pour être champion et battre ces équipes il fallait être extrêmement fort, il faut aujourd’hui réaliser des saisons plus que parfaites telle la saison à 95 points de Monaco en 2017 et encore parfois ceci ne suffit pas. Naples peut en témoigner malgré sa saison à 91 points en 2018. Très vite les championnats n’ont plus d’enjeu et ceci fait baisser l’exigence dans les autres clubs qui bien souvent se présentent sur la pelouse de leurs adversaires sans y croire.

Alors la logique serait de dire que les clubs plus petits n’ont qu’à suivre le rythme, et que les plus gros n’ont pas à ralentir leur cadence. Mais comment reprocher aux petits clubs sur la longueur, de baisser les bras quand la compétition est faussée par des clubs disposant de moyens illimités, tels le PSG recrutant 400 millions d’euros, vexé d’avoir perdu le titre en 2017 ou Manchester City pouvant chaque année recruter un défenseur à 60 millions d’euros (Mendy, Laporte, Walker, Ruben Dias…etc), même si l’efficacité de ces derniers n’a pas été démontrée. Dans ce type de club, une erreur de stratégie n’a aucune conséquence financière sur le long terme. Là où dans des clubs comme Dortmund, Monaco, Séville, Marseille, se tromper peut mettre en péril le club sur le moyen terme, l’argent ne coulant pas à foison. De même il est difficile de motiver les joueurs à rester dans ces clubs, malgré des projets attrayants. Car d’autres clubs viennent avec des chèques en blanc pour attirer les joueurs logiquement plus intéressés par les forts salaires, malgré des statuts de remplaçants parfois. Il est malheureux de concéder cela mais la Super-Ligue semble nécessaire car ni l’UEFA, ni la FIFA n’ont encouragé un réequilibrage des compétitions que seuls eux étaient disposés à faire.

Un PSG peu convaincant collectivement finit pourtant largement champion en 2018. Avec les déceptions en C1, les titres semblent malgré tout moins festifs pour ces clubs (crédits : Icon Sport)

De nombreuses incertitudes ; la question de l’intérêt du public envers « ce nouveau football »

Si le football a besoin de changements face à ces compétitions faussées, était-il cependant envisageable de passer à une Super-Ligue européenne, qui a vocation à resserrer encore plus l’élite ? Premièrement dans la conception européenne du sport, les ligues fermées ne sont clairement pas souhaitées. Il s’agirait ici d’une adaptation du modèle américain de la NBA ou de la NFL. Mais il réside encore dans le cas présent de Super-Ligue Europénne des différences avec la NBA, qui fait que l’on peut douter du fait que le public adhère à ce projet. Ce qui serait pourtant essentiel pour les financiers qui vont monter cette compétition, et pour les médias qui l’achèteront à prix d’or. Tout d’abord contrairement à la NBA, il s’agirait d’un projet réunissant des clubs de plusieurs pays et non d’un seul. Si pour le moment les clubs adhérents à cette Super-Ligue participeraient aussi au championnat, quid des rivalités qui avait alors de l’intérêt et déclenchait les passions, tel le PSG-OM, le North London Derby (en imaginant que seul Arsenal ou Tottenham participe à cette compétition), le derby de la Ruhr…Il s’agirait au mieux de matchs escamotés car ces clubs qui participeraient à deux championnats seraient obligés d’en laisser un de côté. Au pire de matchs qui n’existeraient plus, si ces clubs ne font plus partie des championnats nationaux. Quid également des matchs qui se répéteraient chaque année comme les Real-Bayern, les Barça-Juve…? On le sait les audiences, en Europe, de la Ligue Des Champions sont en chute libre et cette répétition de gros matchs, lassante pour le public n’y est pas étrangère.

Une question de moralité qui peut sembler dérisoire est également à se poser. Certains clubs qui performent aujourd’hui et qui rentrent dans les critères de cette Super-Ligue n’aurait nullement pu en faire partie 10 ans auparavant. On peut penser au PSG ou a Manchester City. A l’inverse des clubs comme l’Ajax aurait probablement eu leur place surtout dans les années 1990. Même si il est difficile de luter contre cette immoralité, il faut cependant reconnaître qu’il pourrait s’agir là d’une insulte au visage de l’histoire, de ne retenir que les clubs les plus riches et d’en oublier certains titrés à plusieurs reprises au niveau européen. Même si l’on concède bien, le fait que seul le côté marketing intéresse les futurs organisateurs de cette compétition. Sur le plan des championnats enfin, peut-on accepter que des clubs participent encore au championnat national après avoir décidé de faire sécession. Quitte à se priver de leur notoriété, l’intérêt des championnats nationaux pourrait à l’inverse remonter en hausse par un regain de compétitivité et de suspense sans la présence de ces super-clubs qui ont déjà presque championnat gagné avant même la saison commencée.

Les droits tv seraient-ils autant en chute libre qu’annoncé avec des championnats nationaux regagnant en suspense ? (crédits : La Nouvelle République)

Finalement, cette Super-Ligue qui a moyen terme arrivera dans le football, va mettre fin a une hypocrisie que personne ne voulait avouer mais que les chiffres d’audience traduisaient. Le football est un sport malade, qui n’intéresse plus autant le public. Le déséquilibre flagrant dans les competitions, la lassitude à toujours voir les mêmes matchs et les mêmes équipes triompher, sans parfois le mériter, en est l’une des causes. Et cette faute on le doit à la FIFA et l’UEFA qui n’ont jamais été capable d’intervenir, de créer des règles mêmes artificielles pour empêcher de céder le pouvoir aux « Super-Clubs ». Ainsi leur rôle d’arbitre des compétitions en tant qu’institution garante du football n’a pas été rempli. Il appartient maintenant au public maître de ses choix, de céder et d’être conquis par cette Super-Ligue. Ou alors de lui tourner le dos, lui préférant des championnats nationaux, peut-être plus faibles, mais plus incertains et qui ont fait l’histoire de leur club et de leur sport. D’autres conséquences peuvent être envisagées. On peut légitimement se demander, si l’on ne va pas assister à une fuite plus grande encore et plus rapide des joueurs vers les « Supers-Clubs ». Avec cette révolution qui semble inévitable, faute de changements nécessaires réalisés, le football se trouve au bord du précipice entre les mains d’une dizaine de clubs qui possèdent le pouvoir absolu. A eux de mesurer les conséquences de cette situation et de tout faire pour ne pas tomber dans le vide, au risque de ne pas s’en remettre…

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