On vous conseille de rattraper des séries française cet été. Si vous aimez le genre, l’étrange, foncez (re)découvrir la mini série Intrusion diffusée sur Arte en 2015.
Intrusion c’est quoi? Philippe est un pianiste qui monte. Obsessionnel et perfectionniste, il travaille dur pour préparer une série de concerts à l’opéra de Strasbourg. Son monde, jusqu’ici rangé et ordonné, se fissure le jour de ses quarante ans. Des acouphènes de plus en plus violents et des visions étranges entament sa concentration. Il est le seul à entendre des fausses notes sur son piano. Sans rien pouvoir contrôler, Philippe est en train de basculer dans un autre monde… Un monde gouverné par ses peurs, par ses angoisses et surtout par un traumatisme profond qu’il a refoulé il y a plus de 30 ans, lorsqu’il était encore petit garçon… Est-il vraiment en train de basculer dans une autre réalité, ou est il uniquement la victime malheureuse de son délire paranoïaque ?
Une écriture sérielle soignée
Pour monter cette histoire totalement dingue, il fallait bien 3 brillants auteurs: Florent Meyer, Frédéric Azémar et Quoc Dang Tran (et une productrice Louise Barnathan pour soutenir le projet corps et âme).
L’histoire d’Intrusion est tout à la fois dingue et ingénieuse. Dingue car elle vous entraînera dans des dédales incroyables où le surnaturel et la folie se tournent autour. Ingénieuse car à coups de twists savamment orchestrés et une histoire maîtrisée de bout en bout, le suspense vous attrape pour ne plus jamais vous lâcher. Malgré les propos du réalisateur qui ne peut s’empêcher de dire qu’il a pensé Intrusion comme du cinéma (rageant!!), c’est pourtant bien une série que l’on regarde. Pas un film découpé en épisodes. Car tout en déroulant une seule et même histoire, Intrusion respecte l’écriture sérielle en maintenant une unité au sein de chaque épisode. Ainsi l’épisode 1 installe l’univers et le postulat de départ, l’épisode 2 enlise le héros dans son cauchemar, et l’épisode 3 résout le tout en multipliant les rebondissements qui font voir la série sous un angle totalement nouveau une fois arrivés au bout.
Intrusion c’est aussi la preuve qu’on peut avoir des influences et s’en servir sans les pomper. Et ces influences sont multiples ici. Bien sûr comment ne pas penser à Twin Peaks et ses loges, mais aussi à La part des ténèbres de Stephen King, où à Psychose même par moment grâce à cette interrogation sur la folie mais aussi par le biais de certaines notes de musique. Il y en a d’autres. Beaucoup d’autres. Mais l’intelligence d’écriture de ces 3 auteurs fait qu’ils ont su se les approprier sans les plagier pour mieux créer leur propre histoire, leur propre univers. Ajoutons à cela une réalisation soignée qui sert au mieux la série. Mais c’est bien avant tout et surtout une série d’auteurs. Il faut le souligner. Le rappeler.
Un acteur. Une confirmation
Une série n’est rien sans une écriture soignée on l’a vu. Une écriture soignée pour créer des personnages que l’on a envie de suivre. Pour les incarner, il faut évidemment soigner son casting. Si Intrusion a su soigner tous ses rôles, il est important de souligner que la série permettra de confirmer l’incroyable talent de Jonathan Zaccaï. Sa partition double de Marc/Philippe est tout simplement remarquable. Son visage est capable de passer en quelques secondes de la détresse de Marc à la dureté de Philippe (ou l’inverse?). C’est dans l’épisode 2 et ses séquences dans l’asile que Zaccaï nous délivrera de très beaux moments de jeu.
Si le thème du double est ultra présent dans la fiction télé (de nombreuses séries notamment les soaps y ont souvent recours avec le « jumeau maléfique »), c’est une aubaine pour un comédien que de pouvoir recevoir ce genre de partition. Et c’est une aubaine pour nous spectateurs que de la voir restituer comme le fait Jonathan Zaccaï.
Intrusion inaugure l’effet « toupie » pour la fiction française
Combien de séries peuvent se vanter de poursuivre la discussion après le visionnage afin que chacun y aille de son hypothèse ? Elles sont peu nombreuses il faut le dire. Dans une fiction française qu’on ne laisse pas encore assez oser, où tout doit être expliqué, dit par les mots, il y a finalement peu de place pour cet effet « toupie ». L’effet « toupie » fait référence à cette ultime scène de Inception où la toupie se remet à tourner. Que doit-on alors en penser? La fin de Intrusion ressemble à ça. Bien entendu, on en parlerai pas ici mais nous l’avons « testé » à l’issu de la projection. Chacun y allait de son hypothèse, toutes différentes, confrontait ses idées à celles des autres pour être certain d’avoir tout compris. Mais une partie de l’histoire nous échappe et c’est ce qui est terriblement bon finalement. Ce besoin de s’arracher les cheveux pour comprendre et en même temps ce plaisir intense de la frustration. A ce titre, la série aurait sans doute mérité de s’arrêter 2 minutes plus tôt, la toute fin insiste un peu trop lourdement comme pour mieux expliquer ce que certains n’auraient pas saisi. Et, dans le même temps, le doute persiste…
Intrusion a prouvé qu’il fallait laisser de l’espace aux auteurs. Tenter, essayer de proposer des fictions originales, différentes. On le sait, certaines chaînes sont encore frileuses et le chemin est encore long, même si depuis de nombreuses tentatives ont été faites. Comment continuer à dire qu’il n’y a rien de bien en France ? C’est quelque chose qu’on ne plus entendre et sans doute encore moins maintenant que d’autres tentatives sont arrivées à nous comme Zone Blanche.
Crédits: Arte/ Compagnie des Phares & Balises