Depuis le 29 mars et jusqu’au 23 Juillet 2018, le musée du Louvre – en association avec le Metropolitan Museum of Art de New York (MoMA) – fait la part belle à Eugène Delacroix à travers une exposition qui lui est exclusivement consacrée. À cette occasion, cent quatre-vingts oeuvres de l’artiste sont rassemblées au Louvre. Une rétrospective inédite qui promet des frissons.
Du jamais vu qu’il est temps de voir
Depuis 1963, aucun musée n’avait osé relever le défit d’une rétrospective Delacroix, mastodonte de la peinture française. Et pour cause, de nombreuses oeuvres de l’artiste présentes au Louvre ne peuvent pas voyager, du fait de leur taille et de leur fragilité. Quel musée pouvait donc, mieux que le Louvre, se lancer dans le pari fou de réunir près de deux cents oeuvres de Delacroix pour proposer une vision quasi complète de son art ? D’ailleurs, la version New-Yorkaise de l’exposition, qui sera présentée au MoMA à la suite de son passage au Louvre, devra se passer de La Barque de Dante, des Massacres de Scio, de La Mort de Sardanapale et de la célébrissime Liberté Guidant le Peuple.
Une carrière en mouvement
L’exposition tend à présenter une vision synthétique et renouvelée de l’oeuvre du peintre. Elle est organisée en trois grandes parties qui correspondent à différents moments de sa carrière. Les exploits du jeune peintre fuyant le formatage académique d’abord, puis ses grandes peintures murales pour des commandes officielles, et finalement ses recherches picturales concernant le rendu du paysage. C’est à travers ce parcours que le Louvre rend hommage à une carrière mouvementée et sans cesse renouvelée. Le tout sous la direction des commissaires d’exposition Sébastien Allard et Côme Fabre. En plus de ses oeuvres picturales, des écrits du peintre viennent confronter sa plume à son pinceau, invitant le spectateur à entrer un peu plus encore dans l’intimité de son atelier.
Hors des sentiers académiques
Formé dans l’atelier de Pierre Guérin entre 1815 et 1820, le jeune Delacroix va rapidement préférer l’audace à la voie académique. C’est entre autres aux côtés de Théodore Géricault qu’il se forme, et c’est en parti à lui qu’il doit sa première montre d’audace. Au Salon de 1819, Géricault fait fureur en présentant le célebrissime Radeau de la Méduse, qui bouscule les schémas académiques. Fort de l’expérience de son condisciple, Delacroix choisit lui aussi la voie du renouvellement et présente au Salon de 1822 La Barque de Dante. Franc succès pour le jeune peintre, qui voit son tableau racheté par l’État pour le Musée du Luxembourg. Cette première expérience pousse le peintre vers une peinture crue, dans laquelle la mort et la violence s’expriment à travers une touche frénétique et une palette ardente.
Le phénomène « Sardanapale »
Applaudie par certains, décriée par d’autres, la touche Delacroix va trouver l’une de ses plus hautes expressions dans La Mort de Sardanapale, présentée au Salon de 1827. Le tableau, expression violente d’un érotisme sadique, est alors largement critiqué. Etienne-Jean Delécluze, peintre et critique d’art, va jusqu’à parler d’une « erreur de peintre ». Explosion de couleurs, corps écartelés, coït où s’entremêlent des membres dans une violence bestiale… Autant d’éléments qui touchent au vif la sensibilité de certains spectateurs.
Baudelaire écrira à ce propos :
« Bien des fois, mes rêves se sont remplis des formes magnifiques qui s’agitent dans ce vaste tableau, merveilleux lui-même comme un rêve. »
Quelques années plus tard, c’est pourtant ce même peintre durement critiqué qui sera sollicité pour les peintures murales de l’Assemblée Nationale, du Sénat, de l’Hotel de Ville, de la Galerie d’Apollon du Louvre, ou encore de l’Église Saint Sulpice.
Coup d’envoi pour la peinture moderne
À mesure qu’il avance dans ses recherches, Delacroix accorde aux paysages une importance de plus en plus accrue. Il s’attache à rendre les effets d’atmosphère d’abord en arrière plan (Les Massacres de Scio, Salon de 1824), puis réalise des tableaux où le paysage devient un sujet à part entière.
Dans des peintures moins connues, parmi lesquels Paysage à Champrosay (1849), on constate cette sensibilité pour le rendu de la nature, visible notamment dans le mouvement des arbres comme dans le traitement du ciel, par lequel l’artiste cherche à rendre l’aspect éphémère des lumières. Violence et poésie se confrontent alors au sein des tableaux de Delacroix. Avec ses dernières recherches, le peintre, autrefois accusé de « massacrer la peinture », lance celle-ci sur le chemin de la modernité, et notament sur la voie de l’impressionnisme.
INFOS PRATIQUES
Lieu : Musée du Louvre, Hall Napoléon
Tarifs : Billet unique (collections permanentes et exposition) : 15€ sur place