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Comment s’est créée et fabriquée la série Profilage ?

Profilage fait son retour dès aujourd’hui sur Salto, avant d’être rediffusée à 21h tous les lundis sur SerieClub à partir du 29 août. Retour sur la fabrication d’une des réussites en polar de ces dernières années.

Après son annulation à l’issue de la saison 10 portée par Shy’m, Profilage fait son grand retour sur Salto qui propose l’intégralité de la série à ses abonnés. Et dès le lundi 29 août, en prime chaque lundi sur SerieClub. Nous avions rencontré les deux créatrices de la série, Fanny Robert et Sophie Lebarbier, qui avaient évoqué la création de la série.

Après deux premières saisons qui contribuent à installer la série, Profilage trouve son rythme de croisière à partir de la saison 3 et adopte l’esprit, le ton et l’apparence définitive, celle qui fera son succès par la suite :
« Quand on commence à avoir un nombre d’épisodes au compteur, son écriture évolue naturellement. Après une construction plus classique en saison 1 et saison 2, on a eu envie de s’émanciper des règles classiques d’écriture de polars et de faire évoluer notre écriture vers une écriture de dramas. On a toujours une structure classique de polar-scènes d’IML avec la doc (Institut médico-légale), interrogatoire, arrestation du coupable- mais dans laquelle on cherche à plus évoluer vers du drama autour de nos personnages principaux. En fait, on s’amuse plus aujourd’hui avec cette nouvelle écriture. On s’amuse avec les procédés narratifs en faisant des épisodes concept, du genre aussi. Mais ce sont des choses qu’on ne peut faire que quand la série est installée. »

Mais avant d’en arriver là, d’en arriver à ce qui fait le sel de la série, remontons aux origines de la série, à la façon dont elle est « venue au monde ».
Comme nous l’explique Fanny Robert, « Profilage est née de notre passion commune pour la psychologie et le polar. On voulait faire une série bouclée dans laquelle la psychologie a une place importante. Le processus de création a été long, ce sont deux années de développement pour en arriver là » . Et Sophie Lebarbier d’ajouter: « 27 bibles. Donc 27 concepts et autant de façons d’appréhender les différents personnages de la série. Un héros ? Une héroïne ? Une équipe ? Un duo ? »
« Le grand drame du début, nous explique Fanny Robert, c’est que notre projet initial était comme Criminal Minds mais bien avant de voir la série, qu’elle ne soit diffusée chez nous. On avait donc conçu une équipe de profilers dont chaque membre aurait eu une spécialité. On l’a présenté et on nous a prévenu que Criminal Minds existait. En un instant, notre idée est tombée à l’eau. On a alors décidé de totalement repartir à 0 et de retravailler sur l’idée d’un personnage qui donnera plus tard naissance à celui de Chloé. »

Profilage est naturellement la rencontre entre un rôle (Chloé) et une comédienne (Odile Vuillemin). On peut aisément penser que le projet a pris une tournure décisive quand Odile Vuillemin a croisé la route de Chloé St-Laurent: « On vu une centaine de comédiennes pour ce rôle et quand on a vu ses essais, il n’y avait aucun doute: elle était Chloé. Elle a par la suite apporté au personnage toute sa folie, son côté décalé. Aujourd’hui, « Chloé », c’est la rencontre de nos 3 univers. C’était une évidence pour Fanny et moi. La chance que l’on a eu c’est que TF1 nous ait suivi car c’était très audacieux comme choix de casting pour porter une série, Odile étant inconnue à l’époque » (Sophie Lebarbier).

Pour nous aider, on avait engagé autant de scénaristes ou de duos de scénaristes que d’épisodes commandés en saison 1. Mais un développement de série, ce sont des années de travail, il n’y a pas de rallonge de budget d’écriture pour toutes ces années de travail et au fur et à mesure que l’on travaillait sur 5, 10, 20 versions de la série, les scénaristes sont naturellement partis. On a donc commencé à s’organiser différemment. J’ai pris goût à l’écriture et je m’y suis mis de manière poussée sous les encouragements de Fanny. Petit à petit à deux, on s’est mis à écrire.

On est ensuite rentrés dans un process où il fallait livrer des textes, et de plus en plus vite. Aujourd’hui, TF1 a imposé la saisonnalité de diffusion des séries et on doit livrer 12 épisodes en 12 mois. C’est donc très dur de trouver des auteurs capables de livrer un texte en 6 semaines en partant de rien, si ce n’est pas nous ces auteurs« . Fanny Robert de préciser: « Il y a de très bons auteurs mais on maîtrise totalement notre univers et c’est dur de trouver des auteurs avec qui partager son univers. Aujourd’hui, on a des scénaristes avec qui on adore travailler mais ils se comptent sur les doigts d’une main à qui on aurait coupé des doigts (comme Julien Teisseire, Hélène Duchateau et Stéphane Carrié ndlr). Si on veut sortir un texte par mois, il faut qu’on écrive.

Nous sommes les productrices artistiques de la série, dit Fanny Robert. Notre travail c’est écrire l’épisode en relation avec notre directeur de production, choisir les réalisateurs. Dès lors, une relation très « intime » se créé avec le réalisateur qui va travailler avec nous, notre réalisateur culte étant Alexandre Laurent. Ensuite, on s’occupe du casting, des décors, des costumes,.. Chaque jour, après le tournage, on regarde les rushs, et à la fin du tournage, on participe au montage. » Un vrai travail de showrunner en somme. Comme il en existe peu en France à cette époque. « Une des clés de la réussite de Profilage, ajoute Sophie Lebarbier, c’est qu’il y a un propos artistique qui est tenu depuis la première idée d’écriture jusqu’à la livraison du P.A.D de l’épisode (prêt à diffuser ndlr). On ne conçoit pas de pouvoir travailler autrement. »

Dans un paysage audiovisuel où il est si difficile de faire bouger les lignes, comment ces deux jeunes femmes sont-elles parvenues à imposer cette façon de travailler ?
Le succès grandissant de la série ? « On a une position un peu particulière, précise Sophie Lebarbier. Quand on a créé Profilage, nous étions toutes les deux salariés de Beaubourg Audiovisuel (qui produit Profilage). Déjà, en France, des scénaristes salariés, c’est peu commun. Quand les gens appelaient à la boîte de production, ils tombaient sur nous. Je ne sais pas si c’est parce qu’on était jeune à l’époque ou si c’était de l’orgueil, mais on a jugé que personne mieux que nous ne pouvait répondre aux questions d’ordre artistique sur la série. Et comme on était derrière le téléphone, on a toujours rempli ce rôle là. Pour passer à l’étape suivante, imposer notre autorité, il a fallu attendre parce que ce n’est pas une façon « normale » de travailler en France. Ça nous a pris deux saisons. L’autorité qui allait avec le travail qu’on fournissait depuis le début, on l’a eu à partir de la saison 3. » Et Fanny Robert de préciser une donnée importante: « Au bout d’un moment, Stéphane Marsil, le producteur de Beaubourg, a décidé de l’acter pour qu’il n’y ait plus de problèmes avec qui que ce soit dans l’équipe (comme un nouveau réalisateur). Ça paraît exceptionnel mais c’est juste assez normal d’avoir quelqu’un qui a une vision de la série et qui la porte jusqu’au bout. »

Sophie et Fanny nous ont expliqué qu’au début, elle souhaitait faire une série policière à épisode bouclé ce qui devait bien correspondre à TF1 qui avait éliminé toute trace de feuilletonnant dans RIS ou Section de recherches. Or, l’une des grandes forces de Profilage c’est justement que la série se suit, notamment grâce à l’histoire autour de ses héroïnes. « Tout s’est fait de manière progressive sur Profilage, nous raconte Fanny Robert. On voulait faire du bouclé mais on est aussi fan de dramas et on s’est dit qu’on allait y aller doucement. Au début, les choses se mettent en place, on présente les personnages et, de manière assez naturelle finalement, les fils narratifs s’épaississent. On s’est aussi vite rendu compte que ce les gens aimaient, en plus du polar, ce sont les personnages. »

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Rédacteur en chef du pôle séries, animateur de La loi des séries et spécialiste de la fiction française
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