Le jeudi 7 février est sorti sur PC le jeu Splasher. Pour l’occasion, RadioVL a pu s’entretenir avec Romain Claude et Joffrey Babilotte de la Splashteam.
Q : Pouvez-vous vous présenter et nous parler de votre parcours ?
Romain Claude : Je m’appelle Romain Claude, je suis game designer, level designer et programmeur sur Splasher. J’ai toujours fait du jeux vidéo dans ma vie. Quand je suis parti du lycée, j’étais déjà dans cette idée de faire des jeux. Je me suis donc posé des questions notamment ce que je peux faire qui a une utilité dans la réalisation d’un jeu vidéo. Très vite, j’en suis arrivé à la conclusion qu’ayant de base une affinité avec le monde de l’informatique, il fallait que je m’initie à la programmation. J’ai donc commencé avec un DUT en informatique après mon bac. Pendant ma formation, j’ai commencé assez sérieusement à me mettre à la création de jeux vidéo à mon échelle. C’est ce qui m’a permis de faire mon premier stage à Paris dans une boîte qui s’appelle Playsoft. Après ça, j’ai été accepté à l’école SupInfo Games à Valenciennes qui est une école de game design et gestion de projet dans le jeu vidéo. C’est notamment le fait d’avoir fait beaucoup de projets perso qui m’a permis de rentrer là-bas. C’est un truc assez important quand tu fais du jeu vidéo, être capable de faire les choses par toi-même.
Quand j’ai fini l’école deux ans plus tard, j’ai décroché un entretien à Montpellier chez Ubisoft sur le projet Les Lapins Crétins : La Grosse Aventure où j’ai été game designer pendant un peu plus d’un an. Le projet terminé, mon contrat n’a pas été reconduit car j’étais un peu trop junior pour eux. Du coup, après une petite période de chômage, le lead developer pour lequel je travaillais chez Ubisoft m’a recontacté pour travailler pour eux mais à Singapour. J’y suis donc allé pour travailler sur un party-game pour Kinect (qui à l’époque s’appelait encore le Projet Natal). J’ai adoré cette expérience pour le voyage, c’était très dépaysant mais le job était pas ouf et le projet a été annulé en cours de route. Je suis donc rentré en France avec la volonté de faire un jeu en indépendant. J’ai tenté de démarrer un projet pendant mes quelques mois de chômage, mais en 2010, un membre de la DRH d’Ubisoft m’a appelé pour me proposer de travailler sur Rayman Origins. J’ai donc mis un peu de côté l’aventure indé pour me lancer sur Rayman Origins et enchaîner avec Rayman Legends. Alors que le développement de Rayman Legends approchait de sa fin, mon contrat se terminait. On m’a alors proposé un CDI, mais comme j’étais un peu blasé par le jeu vidéo et que j’avais envie de prendre une pause, j’ai refusé. Du coup, j’ai fais des choses qui n’ont rien à voir avec le jeu vidéo pendant un an : du théâtre, du cinéma etc… Arrivé à l’été 2013, l’envie de faire des jeux vidéo m’est revenue. Et c’est là qu’on arrive à Splasher.
Joffrey Babilotte : Je m’appelle Joffrey Babilotte, je suis coordinateur de playtest sur Splasher. Je suis aussi chroniqueur sur une émission de radio nommée Amal’Game pour laquelle je fais également des chroniques vidéos. J’ai fais une licence pro jeux vidéo à Paul Valéry à Montpellier puis j’ai fais un Master Art Numérique. Ce n’est pas une formation que je recommande car on ne t’y apprends pas le côté technique du game design mais plutôt à avoir des idées, or, on en a déjà tous, ce qui n’est pas très utile. Faites des jeux de votre côté et si vous voulez apprendre, allez en école d’ingénieur ou de graphisme.
Q : Pouvez-vous nous présenter Splasher ?
Joffrey Babilotte : Splasher est un jeu de plateforme typé Super Meat Boy, Rayman Legends, Donkey Kong Country, il y a aussi un peu de Portal 2… On y dirige un petit personnage dans une grosse usine qui va affronter le méchant nommé Le Docteur qui utilise ses employés comme matière première à la Oddworld ou Soleil Vert. Le personnage va devoir prévenir ses compagnons et les délivrer du joug du Docteur. Notre personnage utilise trois peintures : de l’eau qui permet d’activer des mécanismes, tuer certains ennemis et effacer la peinture, la peinture rouge qui permet de se coller aux murs et aux plafonds et la peinture jaune qui permet de faire des grands rebonds et repousser les ennemis. On ne cache pas trop nos influences, par exemple, le Docteur qui fait des doigts est une référence à Super Meat Boy. Je pense par contre qu’on a quelque chose de différent en terme de gameplay, de maniement et d’ambiance par rapport à ces jeux-là.
Q : Comment as-tu vécu le développement du jeu ?
Joffrey Babilotte : Très bien *rire* ! J’étais surtout assez polyvalent car j’ai fait non seulement coordinateur playtest mais aussi du quality assurance et de la communication. J’ai présenté le jeu à pas mal de salons, c’était très cool de voir des gens jouer à un jeu sur lequel je travaille, c’est toujours plaisant. A part ça, j’ai un peu touché à tout, j’ai même pu proposer des choses. C’était vraiment très cool !
Q : Quelles ont été les difficultés pendant le développement ?
Romain Claude : On a eu des difficultés d’ordre technique. A la base, je voulais faire un jeu de plateforme, mais l’envie n’était pas du tout de faire Splasher. Le concept est venu au fur et à mesure. Au départ, je me posais déjà la question de quel outil de pouvais apprendre à utiliser pour pouvoir faire un jeu. Vers fin 2013, quand j’ai commencé à travailler sur le projet, j’ai suivi des tutos pour Unity parce que j’en avais beaucoup entendu parler. A l’époque et même encore maintenant, beaucoup d’indés vendaient Unity comme un truc que je devais absolument essayer parce c’était… pas facile mais relativement simple d’accès si tu es déjà programmeur. Du coup, j’ai commencé avec des prototypes et de fil en aiguille, on est arrivé au concept de Splasher. Mais comme je ne connaissais pas du tout Unity au début, j’ai appris à l’utiliser en même temps que je faisais le jeu. J’ai même appris à faire des choses une semaine avant sa sortie *rire*. Des choses que j’avais repoussé car je n’avais pas spécialement le temps de les faire notamment l’interface du jeu et les menus.
On a aussi eu beaucoup de difficultés dans l’organisation. C’est un projet qu’on a fait pendant plus de deux ans. On était trois dessus, quasiment deux à plein temps : moi qui fait la programmation, le game design et le level design et un pote à moi, Richard, qui s’occupe des graphismes. Or, lui il est à Rennes alors que moi je suis à Montpellier. Autant ça peut avoir des avantages de bosser seul chez soi, mais parfois, c’est aussi très important d’être avec son équipe pour échanger sur des questions importantes assez vite. Du coup, on avait du mal à se coordonner uniquement en utilisant des mails et Skype. De plus, on était très désorganisés la première année. Richard était pas à temps plein sur le projet. Moi si, mais mes horaires c’était n’importe quoi. Je travaillais des fois la nuit, des fois le jours, c’était en fonction de mes envies. Quand chacun bosse quand il en a envie, tu sais jamais quand l’autre est en train de travailler. Des fois, t’as besoin d’un truc urgent et la personne qui est sensé le faire est pas dispo pendant deux jour et du coup ça te bloque. On n’a jamais eu un vrai studio, du coup c’était pas toujours très pratique.
Y’a aussi eu des difficultés liées au manque d’expérience. Moi je travaillais chez Ubisoft avant mais Splasher est mon premier jeu indépendant. Quand tu travailles chez eux dans une grosse équipe, tu fais ta part de boulot et y’a plein d’autres gens qui vont s’occuper de choses dont toi tu n’as absolument pas idée de comment on les fait souvent. Ça peut être d’un point de vue technique mais aussi tout ce qui est de l’ordre de la gestion de projet, communication, marketing etc… Ça aussi c’est un gros défi pour les indés, or, de la com et du marketing, j’en ai jamais fais de ma vie. J’ai vachement galéré à faire connaitre Splasher auprès des joueurs. En France, ça commence à prendre, y’a pas mal de YouTubeurs et de Twitcheurs qui ont fait des vidéos, mais ça reste très français. Maintenant le défi, ça va être de sortir des frontières. C’est d’ailleurs pour ça que j’ai signé avec une boîte qui se nomme The Sidekicks qui s’occupe de faire la com. Joffrey nous aide aussi pas mal à entretenir les réseaux sociaux, pages Facebook, Twitter, faire des dessins etc… C’est un gros boulot. Être capable de gérer à la fois le développement et prendre le temps de parler de ce que tu fais sur internet est très difficile quand t’es indépendant, surtout quand c’est ton premier jeu.
Q : As-tu essayé de faire connaitre Splasher dans ton entourage ? Qu’en ont-ils pensés ?
Joffrey Babilotte : L’essentiel de mon entourage s’est retrouvé en tant que playtesteur. L’ensemble des gens qui ont testés ont vraiment aimé à part quelqu’un qui ne joue pas aux jeux vidéo et qui n’arrivait pas à jouer *rire*. A part ça, j’ai très peu de personnes de ma famille qui a joué au jeu à part ma copine qui a surkiffé. Elle n’était pas jeu de plateforme parce qu’elle avait un traumatisme de jeu Infogrammes à l’époque *rire*. Mais du coup elle s’y est remise et là elle joue à Super Meat Boy.
Nous remercions Romain Claude et Joffrey Babilotte d’avoir accepté de mener cet entretien avec RadioVL. Rendez-vous mercredi pour la suite et fin de cet entretien avec les développeurs de Splasher !