Kepler(s) réalisé par Frédéric Schoendoerffer avec entre autres Marc Lavoine et Sofia Essaïdi sera l’un des évènements de France 2 en 2018. VL était sur le tournage.
Mercredi 15 novembre 2017. Hôtel des Technologies de Dunkerque. La presse est invitée sur le tournage de Kepler(s), nouvelle série de 6×52 minutes pour France 2 écrite par Jean-Yves Arnaud et Yoann Legave et réalisée par Frédéric Schoendoerffer (Braquo, Scènes de Crime, 96 Heures…). Dotée d’une magnifique distribution la série réunit autour des deux personnages principaux campés par Marc Lavoine et Sofia Essaïdi, rien moins que Isabelle Renauld, Elodie Navarre, Cyril Lecomte, Serge Riaboukine, Stephan Guerin-Tillié… Produite par En Voiture Simone (Hôtel de la Plage) Charon est un projet ambitieux à plus d’un titre car il n’est pas un simple polar de plus. Non seulement il flirte avec le genre mais le scénario est également sous-tendu par la crise des migrants. C’est aussi un pari risqué pour Marc Lavoine qui retrouve le rôle principal d’une série après sa participation à Crossing Lines pour TF1. Pari risqué, car Kepler son personnage, souffre d’une psychose qui l’oblige à avoir recours à différentes personnalités et le comédien de devoir jongler avec pas moins de quatre identités.
Mais c’est quoi déjà… Kepler(s) ? Kepler, un flic à la santé mentale chancelante qui s’est mis au vert pour se soigner et reconstruire sa famille, est forcé de retourner sur le terrain. Dans la jungle calaisienne, au milieu de la souffrance des migrants, le corps d’une jeune fille blanche a été retrouvé dans une mise en scène macabre… Pour Kepler, le prix à payer pour trouver la vérité pourrait bien être sa raison.
Dans le décor du jour, le commissariat, les techniciens s’affairent, des assistants donnent des indications aux figurants tandis que Marc Lavoine et Stephan Guerin-Tillié tournent dans un bureau vitré attenant, une scène de tension extrême où Kepler range ses affaires dans un carton avant qu’une violente altercation n’éclate entre les deux hommes. Où plutôt entre les trois, puisque c’est une des personnalités de Kepler, Ragen, qui émerge lors du face-à-face qui conclut la séquence. Frédéric Schoendoerffer derrière le combo, casque sur les oreilles, a tout observé et il rejoint Marc Lavoine dans le bureau, lui donne quelques indications complémentaires et les deux comédiens tournent une nouvelle prise. L’ambiance est studieuse sur le plateau et on sent une concentration extrême.
Quelques minutes plus tard, Sofia Essaïdi (Alice) arrive à son tour. Stephan Guerin-Tillié qui a terminé sa journée de tournage bien qu’il soit très tôt file prendre un train. Marc Lavoine vient discuter avec sa partenaire, ils préparent la séquence suivante durant laquelle Alice et Kepler recoupent des informations de la brigade des stupéfiants. Il est question d’intonation de jeu, de déplacement d’un endroit à l’autre du commissariat (plus vrai que nature) et une première répétition démarre. Tout cela parait presque anodin mais s’imbriquera à l’écran dans le déroulé de l’enquête des deux policiers. Quelques répétitions et prises plus tard, la séquence est en boite et on entend l’exigence et le pointillisme d’un Frédéric Schoendoerffer qui sait ce qu’il veut et le dit haut et fort avec un respect total pour ses interprètes.
La matinée se poursuit par quelques courtes séquences qui n’excéderont pas les 20 secondes à l’écran puis Cyril Lecomte qui interprète Batista, un collègue d’Alice, rejoint à son tour le plateau pour tourner deux séquences avec Sofia Essaïdi. Tout va très vite, dans une sorte de chorégraphie orchestrée de main de maitre par le réalisateur et ses assistants qui veillent aux moindres détails.
Vient l’heure du déjeuner où nous pouvons échanger avec le duo vedette de Kepler(s). Sofia Essaïdi nous confie qu’elle et Marc Lavoine se connaissaient grâce à la musique mais que là c’est une véritable rencontre. « On s’entend à merveille, on est devenus de vrais amis et j’espère que la belle relation que l’on a dans la vie va se retrouver à l’écran parce que c’est rare de s’entendre aussi bien. On a 3 mois de tournage, le rythme est très intense donc du coup ça crée quelque chose d’assez unique. Quand on a un rythme aussi difficile, des rôles aussi durs, qui sont de vrais rôles de composition, il y a une vraie concentration quotidienne à avoir. »
Très enthousiaste et volubile elle poursuit « Je suis au départ venue sur ce projet pour travailler avec Frédéric Schoendorfeer. Je l’admire depuis un moment et je n’ai pas été déçue. C’est un personnage. Il est très sérieux et très investi dans ce qu’il fait. Je me sens très entourée et très protégée sur ce tournage et avec Fred j’apprends énormément de choses. Il raconte vraiment son histoire par sa mise en scène, par les plans et les axes qu’il choisit. Ca demande beaucoup de travail parce qu’on refait beaucoup les scènes puisqu’on les fait dans plein d’axes différents. C’est vrai que c’est difficile mais j’adore ça, ça me fait travailler encore plus et moi je ne crois qu’au travail. »
Marc Lavoine lui ne tarit pas d’éloges sur sa partenaire : « Je sais que je peux m’appuyer sur Sofia, je sais que j’ai une Rolls à côté de moi, qu’elle est bienveillante, on forme un vrai duo. Sur trois mois de travail c’est très important. C’est beaucoup de travail et si on se pose trop de questions on n’y arrive plus. Ce n’est pas lâcher prise mais c’est de l’abandon et on ne peut s’abandonner qu’avec un grand metteur en scène. Pour le coup, c’est plus agréable que Crossing Lines dans le sens où il n’y a qu’un seul metteur en scène pour toute la série et que tout est suivi par une seule personne qui est qui plus est un grand artiste. Ce n’est pas pareil de travailler avec des réalisateurs différents à chaque fois. Là on ne travaille pas, on joue. Mais j’étais très heureux d’avoir fait Crossing Lines et je remercie Rola Bauer d’avoir pensé à moi. »
On essaye d’obtenir quelques informations sur les personnages qu’ils interprètent et les deux comédiens nous dévoilent de nombreux détails: « Alice elle est pétrie d’énergie et d’ambition. Elle n’aime pas sa vie, elle veut partir et en même temps elle a ce besoin de résoudre, de chercher. Et puis ce qui est génial aussi c’est sa position. » nous raconte Sofia Essaïdi. « C’est un sujet très compliqué » reprend t-elle « et ce que j’ai aimé c’est qu’elle essaye de comprendre mais elle se retrouve au milieu de tout ça et elle se dit que ce n’est ni noir, ni blanc, mais gris. Elle a une violence en elle mais elle a une humanité aussi qui se traduit différemment, par une volonté d’y aller et c’était génial à jouer. Kepler la respecte et la regarde et voit bien quand cette fille a quelque chose en plus et qui fait qu’une vraie amitié va naitre entre eux et va dépasser le cadre professionnel et qui fait qu’ils vont se soutenir tous les deux pour trouver les coupables. »
Pour Kepler, Marc Lavoine dévoile les dessous de sa pathologie : « Kepler a une sorte de psychose infantile souvent propre aux enfants en général abusés ou maltraités et qui convoquent des personnalités différentes pour se protéger. L’idée c’est que les passagers prennent le pouvoir sur lui et quand l’un d’entre eux prend le pouvoir, il ne se souvient pas de ce qui s’est passé. Il a été victime d’une erreur à Paris et il a été envoyé à Calais dans un nouvel environnement par son psychiatre et personne ne sait qu’il est atteint de ce problème. Il va aussi être amené à enquêter sur lui-même. »
Quand on lui demande ce qu’il pense de ce challenge, l’acteur nous indique que « c’est intéressant de pouvoir jouer quatre personnages, Kepler et ses 3 passagers. » avant de s’enthousiasmer pour sa rencontre avec son réalisateur : « Je connaissais le travail de Frédéric Schoendoerffer et j’ai toujours beaucoup aimé son cinéma. J’adore sa façon de tourner. Quand on voit un film de Schoendoerffer on voit une signature. Il a une façon de raconter les choses qui est très intéressante. Etre dirigé par lui c’est flatteur et c’est exigeant. Ensuite l’histoire et les comédiens font que le projet en devient encore plus intéressant et moi je ne peux être crédible que si je suis bien filmé, si c’est bien écrit et si les autres acteurs sont forts. Mon personnage est attaché à tout ce qui est autour. »
Sofia Essaïdi insiste sur le fait que « le sujet principal c’est l’histoire de deux flics qui ont des handicaps et qui vont s’entraider pour résoudre une enquête. » Elle précise qu’ « après bien sûr, ça m’a touché que ça se passe à Calais et qu’il y ait les migrants, c’est l’environnement mais ce n’est pas le sujet principal de la série et ce qui est important ce sont les nuances apportées sur le regard que l’on porte sur les migrants. C’est plus compliqué que ça. Cette phrase me hante depuis le début. C’est une vraie tragédie. « Puis de revenir sur ses partenaires avec qui elle semble ravie de partager cette expérience : « On a un casting 5 étoiles. J’apprends grâce à mes collègues. C’est sombre et grave comme sujet mais on arrive à avoir des digressions humoristiques notamment grâce au personnage de Serge Riaboukine. » Ce dernier vient d’ailleurs déjeuner avec nous alors qu’il ne tourne pas ce jour là et il s’avère d’une nature réjouissante. Sofia Essaïdi reprend « Ils sont tous extraordinaires mais je ne pense pas que ce soit donné à tout le monde d’avoir un partenaire aussi extraordinaire que Marc Lavoine. Il a une bienveillance et une gentillesse et on ne sent jamais sa stature. Il est à l’écoute de tout le monde. Je sais que j’ai gagné un vrai ami dans cette histoire. Il a une bienveillance qui me pousse et qui me permet d’être meilleure. Mais on s’est tous attachés les uns aux autres très très fort. »
Et Marc Lavoine de surenchérir sur l’interaction entre eux : « Le personnage de Sofia découvre une bande avec laquelle on peut comprendre les symptômes de mon personnage. Elle me perce et devient ma respiration et mon moteur. Elle a des valeurs et des principes. Nos deux personnages se comprennent. ». Marc Lavoine qui s’apprête à revenir à la chanson et que l’on verra aussi au cinéma dans Love Addict aux côtés de Kev Adams a les traits tirés par deux mois de tournage intensif le jour de notre venue mais il conclut : « C’est une série actuelle qui a le parfum d’une société d’aujourd’hui. J’écoute un scénario comme j’écoute un morceau de musique et ce n’est pas tellement mon personnage qui m’intéresse au départ, mais la musique générale, l’orchestre doit jouer quelque chose qui me plait et ensuite l’art du metteur en scène est de faire jouer tout le monde ensemble. »
Pour écouter et voir la symphonie ce sera d’ici quelques mois sur France 2.
A lire aussi : Sur le tournage de Philharmonia, une série menée à la baguette
Remerciements: Luc Adam, Véronique Hallu, Laurent Ceccaldi, Caroline Solanillas