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On a redécouvert pour vous … La trêve, bouleversant polar noir

Sensation en Belgique et événement au Festival Séries Mania, La trêve est à découvrir et va vous retourner. Assurément.

La trêve c’est quoi? Yoann Peeters, 40 ans, est un homme sur le fil. Il ne travaille plus depuis la mort de sa femme, et a décidé de venir s’installer à Heiderfeld, le village de son enfance, avec sa fille Camille. Un poste s’est libéré à la police locale. Yoann y voit l’occasion de se mettre au vert et de prendre un nouveau départ. Mais la réalité fait rapidement irruption. Quelques jours après le carnaval, le corps d’un jeune footballeur togolais, Driss Assani, est retrouvé dans une rivière. Personne n’a l’expérience de ce genre d’enquête dans le village. Sauf lui. Alors que tout le monde se désintéresse du sort de ce gamin mort à des milliers de kilomètres de chez lui, Yoann Peeters se met à déterrer les secrets de cette petite communauté qu’il connait bien. Mais Yoann n’aurait pas dû reprendre le service si rapidement, pas sur une affaire de ce type, pas à cet endroit-là.

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Si petit à petit toute l’Europe s’ouvre aux séries, nous n’étions pas habitués aux séries de nos amis belges. Pourtant entre la future série choc Beau Séjour, la prenante Ennemi Public et le choc La Trêve, la Belgique entre de plein pied dans le petit monde des séries à coup de pied dans la porte, tant leurs propositions sont fortes.

La trêve nous offre un polar sombre, très sombre, où le meurtre du jeune Driss sert de révélateur à un village en pleine implosion. Les auteurs de la série aiment les séries, les connaissent et savent très bien de servir de leurs codes. Car les codes de narration utilisés dans La Trêve en rappellent d’autres tout en proposant quelque chose d’unique. Le polar où un meurtre est commis au sein d’une petite ville, et où le meurtrier se cache « parmi nous », on l’a vu à de nombreuses reprises de Twin Peaks à Broadchurch en passant par Ennemi Public. La différence réside peut-être dans le choix de la victime comme le disent les auteurs de la série: « On aimait bien l’idée de décaler le principe d’empathie que ce type d’intrigue sous-tend. En général, la victime est la fille adorée du village, un enfant chéri, quelqu’un pour qui l’empathie des gens qui l’entourent est immédiate. Dans La Trêve, le mort est un étranger qui a récemment emménagé sur place. Il n’est pas né dans le village. Les gens ne le pleurent pas spontanément et ça amène pas mal de questions. Driss sert de révélateur par rapport à ce qu’ils sont. Un révélateur qui nous permet de tisser des liens avec le réel, avec l’actualité. La Trêve n’est pas une série politique, mais il y a un fond qui nous touche derrière, quelque chose de contemporain qui nous concerne tous, et nous interpelle. »

Ce choix extrêmement judicieux et traité avec une grande intelligence, nous entraîne dans les méandres d’un village où rien ne sera épargné à personne, pas même à nous spectateurs. Car quand David Lynch et Mark Frost s’amusaient avec le passé de Laura Palmer pour en faire une jeune femme « pas si sage que ça« , Driss lui semble la victime permanente d’un village qui déchaîne contre lui ses démons intérieurs. Ce choix rend la série bouleversante à un point qu’on ne mesure jamais, au point que la résolution de l’affaire à la toute fin de la saison, ne nous délivre pas ce que l’on a traversé. Comme si chaque membre du village avait guidé de manière fantomatique la main de celui ou celle qui tua Driss. Leur attitude envers le jeune est sans doute tout aussi dérangeante que de l’avoir tué directement. C’est brillant. Jamais on ne respire dans ce récit et l’attachement à Driss est maximal. Le jeune homme nous hante même près la dernière minute de la série.

La Trêve emprunte aussi aux séries modernes un mode de narration efficace déjà utilisé dans Damages, How to get away with murder Bloodline, ou The Affair: la double ligne temporel: « Notre récit est un récit encadré. Quand la série commence on retrouve Yoann face à une expert-psychiatre. Il est incarcéré. Quelque chose s’est passé durant l’enquête à Heiderfeld. Yoann doit en répondre. On a beaucoup travaillé sur ce récit encadré. Pour nous, c’était un des grands enjeux de la dramaturgie de jouer sur cette double temporalité qui finit par se rejoindre dans le dernier épisode. Ça nous permettait de complexifier le rapport qui existe entre nous et Yoann Peeters. » Pour compliquer notre rapport avec le flic ça le complique. Rapidement, on comprend que l’on navigue à Heiderfeld via l’esprit perturbé de Yoann. Au point que plus le policier perd pied et plus on perd pied aussi, ne sachant plus ce qui est vrai et ce qui est faux. L’intensité du récit se tend en fin de saison, multipliant à un rythme effréné les twists. Mais plus que de simples stratagèmes, ces derniers sont autant de puissants révélateurs non seulement d’un personnage principal bien plus perturbé qu’on ne l’aurait imaginé au début de la série, mais aussi révélateur de la culpabilité d’un village tout aussi torturé. Avec en l’air, au dessus de nous, cette question: comment ce village aurait réagit si Driss était été blanc?

Pour évoquer sans trembler des questions aussi dérangeantes, il faut cette écriture ciselée, efficace, nerveuse, servie par une sublime réalisation qui filme les Ardennes comme les réalisateurs américains filment leurs grands espaces. Filmer ce territoire comme un grand espace comme pour mieux renforcer l’opposition avec Heiderfeld totalement renfermée sur elle. Mais comme dans toute série, il est avant tout question de personnages (dont on a déjà parlé) et pour leur donner toute l’intensité nécessaire, il faut de brillants acteurs à commencer par Yoann Blanc (Yoann Peeters) qui fait évoluer son personnage au fil de la saison de manière incroyable. Mais n’oublions pas tous les autres dont Jeremy Zagba (Driss), GUILLAUME KERBUSCH (Sebastian Drummer) ou encore Sophie Breyer (Camille,la fille de Peeters) bien plus que la simple ado perturbée habituelle.
Enfin, pour enrober cet univers, il faut la plus jolie des parures qu’est la musique de Eloi Ragot. Une composition d’une rare intensité!

Vraie réussite. De bout en bout. Vous ne pourrez lâcher La Trêve une fois que vous l’aurez commencé. Impossible. Car cette histoire vous rattrape, vous retourne et ne vous lâche pas, plus. Impressionnant!!! A déguster très vite !

Crédit: RTBF

Une série créée par:
STÉPHANE BERGMANS BENJAMIN D’AOUST ET MATTHIEU DONCK
Réalisée par:
MATTHIEU DONCK

About author

Rédacteur en chef du pôle séries, animateur de La loi des séries et spécialiste de la fiction française
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