Le Premier ministre polonais, Donald Tusk, succède à Herman Van Rompuy à la présidence du Conseil Européen. Une décision qui résonne en écho aux avertissements donnés à Moscou par Bruxelles. Il entrera dans ses fonctions le 1er décembre.
Ils se sont rendus à Bruxelles pour élaborer une réponse à « l’invasion de l’Ukraine par la Russie » et en sont sortis avec un Polonais à la tête du Conseil Européen. Ils, ce sont les dirigeants de l’Union Européenne rassemblés ce samedi pour un sommet exceptionnel. Au centre des préoccupations : l’Ukraine, dont les conflits entre pro-européens et pro-russes ravagent l’est du pays depuis des mois. Mais également discuter de la succession des responsables de l’UE.
Autant faire une pierre deux coups en nommant à la tête du Conseil Européen (le sommet des 28 chefs d’états membres de l’UE) le Premier ministre polonais, Donald Tusk. Sa candidature, plébiscitée par Angela Merkel et David Cameron, deux poids lourds de l’UE, a été approuvée à l’unanimité par les états membres du Conseil, face à son adversaire socialiste, la première ministre danoise, Helle Thorning-Schmidt.
La droite européenne ne cesse de tarir d’éloges envers le chef du gouvernement polonais, leader du PO (Plate-forme civique), parti de centre-droit. Ce réformateur a su faire oublier la présidence réactionnaire de Kaczyński en stimulant la croissance et en renouant les liens avec Bruxelles (la Pologne est le seul pays européen à avoir enregistré une croissance positive depuis la crise de 2008). Il sera désormais le visage et la voix de l’Union Européenne à l’international.
Un pied de nez à la Russie
La nomination d’un Polonais à la présidence du Conseil Européen est un véritable pied de nez à la Russie. Lorsque l’Ukraine dénonçait une « invasion directe » des troupes russes, les Polonais étaient au premier rang pour témoigner leur indéfectible soutien à leurs « frères ukrainiens ». Quitte à subir l’embargo russe imposé en août, interdisant l’achat de produits agroalimentaires polonais.
Une sanction sévère pour la Pologne, premier producteur de pomme en Europe qui ne pourra pas livrer à la Russie – premier importateur, son million de tonnes de pommes.
Réponse des Polonais : une campagne massive de boycott sur les réseaux sociaux avec le hashtag #jedzjablka (mange une pomme) pour railler l’embargo de Vladimir Poutine. Cette vague de protestation a été saluée par les médias du pays et même par les membres du gouvernement Tusk. Elle a été relayée dans toute l’Europe par les producteurs de pomme en solidarité avec les agriculteurs polonais.
#Ukraiński #Dyplomaci wzieli udzial w akcji wspierającej #polskie #owoce #JedzJablka RT pic.twitter.com/Jq76H6chjd
— Посольство України (@UkrEmbassyPL) 31 Juillet 2014
Ennemis historiques
Et c’est un symbole d’autant plus fort d’un point de vue historique : en décembre 1990 sont organisées les premières élections libres. L’aigle polonais renaît alors douloureusement de ses cendres, après les ravages de l’URSS. Colonisée par l’Union Soviétique – et dans le passé par l’Empire Russe, la Pologne qui n’a cessé d’être hostile à la Russie, marque ses distances avec la patrie de Lénine pour intégrer l’UE en 2004. Qu’un premier ministre d’un ancien pays satellite de l’ex-URSS soit nommé à la tête du Conseil Européen démontre la confiance que les autres états-membres vouent à ce pays, désormais considéré comme un des piliers de l’Europe de l’Est.
.@premiertusk: Jestem przekonany, że nia ma żadnej mądrej alternatywy dla Unii Europejskiej
— PlatformaObywatelska (@Platforma_org) 30 Août 2014
» C’est un moment très important et je suis convaincu que l’héritage de la Pologne sera une source d’énergie pour l’Europe »
Un « énorme succès pour la Pologne » selon le président Bronislaw Komorowski et une double victoire pour Donald Tusk, dont la nomination signifie le soutien total de l’Union Européenne à l’Ukraine. Avec un Polonais à la tête du Conseil Européen, le dossier ukrainien sera à n’en pas douter tout en haut de la pile. De quoi renforcer les sanctions contre le Kremlin et agir directement. Il faudra cependant attendre le 1er décembre prochain pour voir sa prise de fonction à Bruxelles.
Jérôme Wysocki