Le décès inattendu du juge de la Cour Suprême Antonin Scalia a des conséquences politiques, alors que les candidats républicains et démocrates s’affrontent dans les primaires.
On apprenait samedi 13 février la mort d’Antonin Scalia, dans un ranch du Texas où il passait des vacances. Le juge de la Cour Suprême avait 79 ans. Choisi par Ronald Reagan en 1986 pour siéger parmi les neuf Justices de la cour fédérale, sommet de la branche judiciaire du pays, Antonin Scalia était connu pour sa grande intelligence, sa verve et une position bien marquée en faveur d’une lecture originaliste de la Constitution — consistant à aborder le document en fonction du sens qu’il avait à l’époque de sa rédaction, et de ne pas le traiter comme un texte « vivant » et évolutif. Cela place Scalia parmi les conservateurs américains. Et sa disparition bouleverse la scène politique américaine.
Si les juges de la Cour suprême ne sont pas censés être des hommes politiques, leur opinion est politique et leurs jugements le sont tout autant. La Cour Suprême est un tribunal de dernier ressort qui traite les affaires au niveau fédéral et se prononce sur la validité de tel ou tel jugement des cours d’Etat vis-à-vis de la Constitution. Au cours de son existence, c’est cette relation avec la Constitution, texte fondateur des Etats-Unis, qui fait l’importance de la Cour Suprême : elle est considérée officieusement comme un marqueur important de chaque époque de l’histoire américaine, dans la mesure où la lecture et l’interprétation de la Constitution émanant des jugements rendus devient une position officielle du système judiciaire et permet de faire passer ou de bloquer des lois importantes. Les débats y sont vifs et l’équilibre de la Cour, c’est à dire la répartition de libéraux (gauche américaine) et de conservateurs (droite américaine) en son sein, est une question stratégique pour les politiques.
Avec la mort de Scalia la Cour Suprême se retrouve avec huit membres : quatre choisis par des présidents républicains (Reagan et Bush père et fils) et quatre par des présidents démocrates (Clinton et Obama). La nomination par Barack Obama d’un neuvième juge (techniquement et juridiquement possible jusqu’à la fin de son mandat en janvier 2017) ferait pencher la balance de la Cour vers le camp libéral.
Le Président a annoncé avoir l’intention de le faire. Les candidats démocrates, Hillary Clinton et Bernie Sanders, l’ont encouragé à le faire le plus vite possible. Les candidats républicains, qui débattaient samedi soir, ont eux trouvé une belle unité pour mettre en garde contre un tel cas de figure, appelant le Sénat (dominé par les Républicains) à faire barrage à tout vote de confirmation pour un Justice soutenu par Obama. Leur argument : l’équilibre de la Cour est trop important et, en période d’élections, ne devrait pas être confié à un Président sortant mais à l’administration issue des urnes en novembre prochain. « Le peuple américain doit pouvoir se prononcer sur la sélection de son prochain Supreme Court Justice, a notamment déclaré Mitch McConnell, président de la majorité républicaine du Sénat. La vacance du poste ne doit pas être comblée tant que nous n’avons pas de nouveau Président. »
Les Démocrates ont répliqué en insistant sur le droit et le devoir du Président à choisir un Juge et sur le danger, pour la vie judiciaire et politique du pays, de passer un an avec une Cour incomplète. Une Cour qui, rappelons-le — même si cela n’a pas vraiment été souligné par les commentateurs et médias outre-atlantique — pourrait avoir à trancher en cas d’égalité entre les candidats aux élections présidentielles, comme cela avait été le cas en 2000 entre Gore et Bush.