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Liberté d’expression : Les médias français sont-ils si libres ?

De Canal + au Figaro, en passant par Le Monde, TF1 ou encore Rue89, la quasi-totalité des médias généralistes est désormais réunie dans une vingtaine de grands groupes de presse, leurs propriétaires, eux, se comptent sur les doigts de la main. 

Pour une écrasante majorité, les médias sont la propriété de riches industriels qui ont pourtant fait fortune dans des domaines aux antipodes de la presse. Mais qui possède la presse française aujourd’hui et dans quel but investir dans un secteur pourtant instable ? Si certains hommes d’affaires français, et non des moindres, détiennent la majorité des organes de presse aujourd’hui en France, cela semble d’avantage tenir de la volonté d’avoir une sphère d’influence plutôt que de gagner beaucoup d’argent.

En effet, chaque média possède son propre concept, sa propre ligne éditoriale et son orientation politique influence ses publications. Il est ainsi difficile d’imaginer Le Figaro critiquer fermement les stratégies de l’entreprise Dassault, de même que TF1 critiquant les investissements de monsieur Bouygues auprès de ses auditeurs.

Infographie : Les grands groupes de presse français et leurs dirigeants. Source : api/image

Infographie : Les grands groupes de presse français et leurs dirigeants. Source : api/image

Le journaliste et écrivain Riccardo De Gennaro, directeur de la revue italienne Il Reportage, affirmait que même si les journaux s’accoutument des choix stratégiques de leurs dirigeants, les journalistes usent volontairement d’autocensure pour ne pas subir les réprimandes de leurs supérieurs. Il déclarait : « Même dans les journaux célèbres pour leur liberté d’expression, il y avait une censure, car le journaliste s’autocensure, avant qu’un supérieur ne le lise. Le journaliste écrit pour un média précis, dont il suit la ligne éditoriale. Et lorsqu’il doit écrire sur un fait précis, il doit se tenir à cette ligne, choisie par le propriétaire que défend le propriétaire de ce média. C’est pourquoi, les enseignants des facultés de journalisme proposent à leurs étudiants d’acheter des journaux différents pour se documenter sur un seul et même fait. ».

Comment sept hommes d’affaires détiennent les principaux organes de presse en France
Aujourd’hui en France, la presse nationale est riche de près d’une vingtaine de titres payants, dont six sont diffusés à plus de 100 000 exemplaires dans tout l’hexagone ainsi que de quatre titres gratuits. Le réflexe naturel amènerait à penser que derrière cette multitude de titres de presse, de chaînes de télévision et de stations de radio, toutes aussi diverses et variées, nous y trouverions une hétérogénéité et une pluralité d’acteurs. Mais l’effet est trompeur.

Derrière ce nombre démesuré, on y trouve paradoxalement très peu de personnes, et même de moins en moins. Outre leur effectif pour le moins restreint, les dirigeants des groupes de presse entretiennent des relations avec des hommes politiques et d’influence. Ces relations ont un impact considérable dans leur manière de penser et ainsi de s’exprimer sur la scène médiatique. Leurs journaux et autres médias sont à l’image de leurs opinions. Libre à nous par la suite de nous interroger sur l’objectivité et l’intégrité des informations qu’ils diffusent.

Infographie : Sept hommes d'affaires détiennent les principaux groupes de presse français. Source : jmdinh.net

Infographie : Sept hommes d’affaires détiennent les principaux groupes de presse français. Source : jmdinh.net

« Rarement autant de pouvoir n’a été concentré entre un nombre d’agents économiques aussi diminué et similairement orientés politiquement. »
De Arnaud Lagardère à Serge Dassault en passant par Martin Bouygues, ne serait-ce qu’avec ces trois hommes d’affaires nous avons listé notamment : le premier éditeur de France, le deuxième libraire du pays, le premier quotidien national ainsi que la première chaîne de télévision française, si ce n’est d’Europe. À eux seuls ils comptabilisent pas moins de 61,9 milliards d’euros de chiffre d’affaires pour la seule année 2008.

Ajoutons à cela Bernard Arnault, actuel propriétaire des Échos mais également l’homme le plus riche de France, qui fut témoin de mariage de l’ancien chef de l’État Nicolas Sarkozy. Sans oublier Vincent Bolloré, nouvellement à la tête de Canal Plus et proche du président du parti Les Républicains.

En voulant parler de concentration, on ne peut que constater que cette concentration est de surcroît, autour du prédécesseur de François Hollande. Rarement autant de pouvoir n’a été concentré entre un nombre d’agents économiques aussi diminué et similairement orientés politiquement.

Une caricature illustrant comment une ligne éditoriale est contrôlée par les principaux acteurs de la vie politique. Source : siwel.info

Une caricature illustrant la désinformation de certains médias. Source : siwel.info

Une presse libre est-elle une presse qui dérange ?
De Charlie Hebdo, Marianne, Mediapart, Politis au Canard enchaîné, en France, les médias indépendants se comptent sur les doigts d’une main. Les procès et les risques professionnels sont nombreux pour ceux qui osent encore tirer un signal d’alarme ou simplement porter un message de contestation par la voix des médias. Outre les sanctions juridiques, les aides à la presse sont sélectives et les mesures d’aides économiques ne sont pas toujours en faveur des journaux indépendants et libres.

Conformément à la décision de la cour d'appel de Versailles, le pure-player Mediapart a dû supprimer des citations et des extraits des enregistrements clandestins à l'origine de l'affaire Bettencourt. Source : yagg.com

Conformément à la décision de la cour d’appel de Versailles, le pure-player Mediapart a dû supprimer des citations et des extraits des enregistrements clandestins à l’origine de l’affaire Bettencourt. Source : Médiapart


Pourquoi investir dans un secteur en crise ?
Pourquoi des dirigeants d’entreprises faisant fière figure du capitalisme français ont-ils investi dans le secteur chroniquement déficitaire de la presse ? De surcroît, le secteur se voit maintenant financé par l’État via un plan de subventions à hauteur de cinq milliards d’euros à l’initiative de Nicolas Sarkozy.

Tout laisserait à penser qu’il s’agit là d’un cadeau aux allures de vaste opération de séduction auprès de ceux qui se portent garants de la transmission de ses idéaux et autres ambitions politiques. La recherche d’une telle alliance entre des médias et des personnalités publiques s’explique en partie par la recherche d’une convergence d’intérêts. S’il existe bien des journaux dits « d’opposition », tel Libération ou Marianne, la contrepartie financière qui garantie la prospérité du média a de quoi séduire et aurait grandement de quoi influencer certains groupes de presse déficitaires.

Les 30 premiers journaux en France bénéficiant des aides à la presse. Source : Libération

Les 30 premiers journaux en France bénéficiant des aides à la presse. 

Quelles alternatives des médias indépendants pour prospérer ?
Le pouvoir d’influence des médias privés continue de fonctionner. Mais l’ère numérique et le développement des pure players libres et indépendants pourrait condamner les médias privés et d’opinion à migrer sur le web pour survivre.

La France est l’un des pays européen qui dispose du plus grand nombre de site d’information exclusivement en ligne, ce qu'on appelle les pure-players. Source : Mouv.fr

La France est l’un des pays européen qui dispose du plus grand nombre de site d’information exclusivement en ligne, ce qu’on appelle les pure-players. Source : Mouv.fr

La percée symbolique du Canard enchaîné sur le net est un exemple de réussite parmi d’autres, bien que sa seule concession sur la toile est d’avoir ouvert un compte Twitter. Il reste cependant entièrement détenu par ses collaborateurs et dépourvu de toute publicité. Ce pari de n’avoir pas changé, ne serait-ce qu’un bout de sa maquette, s’avère payant lorsque l’on sait que le journal a vu ses bénéfices progresser de 340 000 euros entre 2010 et 2011, tandis que sa diffusion a dépassé les 500.000 exemplaires.

Baisse progressive des ventes en kiosque. Source lesechos.fr

Baisse progressive et continuelle des ventes en kiosque. Source lesechos.fr

Son refus catégorique d’afficher de la publicité dans ses pages le prive certes de recettes supplémentaires, alors que ces dernières représentent souvent une bonne moitié de ceux des magazines, mais cela l’oblige à ne servir qu’un seul client, le lecteur. Les journalistes quant-à eux, jouissent d’une liberté d’expression incontestablement plus large, bien que les condamnations en justice se font de plus en plus nombreuses à leur encontre.

À lire aussi : Au Mexique et ailleurs, liberté de la presse en baisse

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