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Les vampires au cinéma : Le Cauchemar de Dracula, Terence Fisher (1958)

Plus de 27 années ont passé depuis la dernière adaptation de Dracula sur grand écran. Nous sommes maintenant dans les années 1950, le cinéma moderne a largement évolué et désenchaîne l’image de l’action. Cette nouvelle forme d’expression est née de la désarticulation des choses et des corps après la guerre et s’oppose aux traditions auparavant établies. C’est dans ce contexte marqué par l’horreur et les bombardements atomiques que les monstres font leur retour au cinéma. Alors que les États-Unis délaissent le cinéma fantastique au profit de la science-fiction, c’est au Royaume-Uni que le genre va retrouver sa jeunesse…

Au milieu des années 1950, la société de production britannique Hammer films rayonne sur le cinéma populaire international et entre dans un nouvel âge d’or avec des long-métrages comme Le Monstre (1955), ou Frankenstein s’est échappé (1957). Le succès de ces films encourage la firme à négocier les droits du roman de Bram Stoker aux studios Universal afin de ressusciter le vampire le plus célèbre de l’histoire. Le Cauchemar de Dracula est le premier volet d’une longue série de films consacrés à ce personnage et sûrement le meilleur et le plus abouti d’entre tous.

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Si on le compare aux autres adaptations du roman, il est le film qui prend le plus de liberté : En 1885, Jonathan Harker, un jeune aventurier ayant voué son existence, à l’image de son ami le Dr Van Helsing, à la chasse aux vampires, découvre le repaire de celui qui répand cette terrible maladie : le comte Dracula. Il s’y fait passer pour un érudit souhaitant servir le comte en s’occupant de la bibliothèque. Mordu par une femme-vampire, il devient vampire à son tour et assassine cette dernière un peu plus tard. Cependant, Dracula découvre la supercherie et vampirise le malheureux. Le professeur Van Helsing reprend en main l’enquête après avoir libéré l’âme de son ami et pourchasse inlassablement le vampire.

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Le Cauchemar de Dracula pourrait être qualifié de série B ambitieuse et assumée, car il s’agit d’une œuvre volontairement extravagante dans sa conception et dans son style qui utilise des moyens d’expression filmiques insolites. L’ensemble offre un mélange enivrant entre fantastique victorien et gothique poussiéreux, tentant toutefois de conserver une certaine authenticité – notamment au niveau des décors de Londres. Terence Fisher renouvèle le mythe de Dracula au cinéma avec un grand soin esthétique et pour la toute première fois en Technicolor. Sa mise en scène joue effectivement sur l’utilisation de couleurs rutilantes, de décors à la fois réalistes et fantasques et d’une ambiance gothique – un mouvement s’étant en partie inspiré du cinéma expressionniste allemand, du courant fantastique et du roman gothique, dont Dracula de Bram Stoker est l’un des derniers représentants.

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Filmé de bout en bout avec un rythme impeccable, Le Cauchemar de Dracula est un authentique film d’épouvante mêlant adroitement plusieurs genres – horreur, fantastique, drame – ne se délectant d’aucun temps mort et maintenant le suspense jusqu’à la fin. Pendant la quasi-totalité du film, l’action se focalise sur la traque impitoyable du vampire par le professeur Van Helsing. Le Cauchemar de Dracula est une œuvre nettement emblématique de cette période phare de la Hammer accordant une large place aux couleurs saturées – les tâches de sang sont d’un rouge éclatant totalement irréaliste – et à une narration se laissant aller à l’excentricité. La mise en scène de l’horreur est de ce fait très démonstrative et repose sur une succession de péripéties nerveuses et pittoresques, cherchant certainement à palier les limites des effets spéciaux de l’époque.

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Cette version de Dracula est particulièrement fondamentale pour l’esthétique des films de vampire : c’est en effet la première fois que l’on voit au cinéma les canines proéminentes du monstre et que celui-ci arbore une aura érotique aussi prononcée. Le choix de Christopher Lee pour interpréter le comte Dracula participa grandement au succès du film. Cet homme aux mensurations imposantes et au charisme magnétique réintègre les caractéristiques propres à l’interprétation de Béla Lugosi tout en leur donnant une texture différente. On retrouve ainsi la figure aristocratique du personnage, combinée cette fois à des traits monstrueux, certes moins démesurés que ceux de Nosferatu, mais tout de même effrayants. En plus des canines que nous venons d’évoquer, il possède des yeux injectés de sang et des pupilles dilatées. La scène où il apparaît brutalement avec la mâchoire ensanglantée est une image qui a marqué de nombreuses générations de cinéphiles. Au demeurant, Le Cauchemar de Dracula est le film qui paracheva la transformation de Christopher Lee en grand méchant du cinéma – un rôle d’antagoniste qu’il retrouvera dans les plus grandes sagas comme James Bond, Star Wars ou Le Seigneur des anneaux.

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Dans le film de Terence Fisher, la représentation de Dracula rejoint parfaitement les thèmes abordés dans l’œuvre de Bram Stoker, à savoir l’association d’Eros et de Thanatos – le désir sexuel et la mort – que nous avons déjà abordée dans les deux articles précédents. En effet, les victimes de Dracula, et plus particulièrement les femmes, semblent éprouver à son égard une curieuse alliance entre terreur et fascination. Elles sont irrémédiablement attirées par sa toute-puissance et se soumettent à lui comme une proie s’abandonnerait à son prédateur. Ceci est très bien illustré lorsque Lucy Holmwood fait en sorte que le vampire puisse pénétrer dans sa chambre en pleine nuit et se repaître de son sang. Ainsi, Dracula et ses victimes s’assimileraient aux détracteurs du puritanisme britannique en symbolisant tous les vices et les perversions qu’il combat.

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Mais c’est là qu’intervient le professeur Abraham Van Helsing, interprété par Peter Cushing, qui, pour de nombreux fans, a livré la meilleure interprétation du personnage. Avec son flegme imperturbable et la subtilité avec laquelle il affronte le Mal, Van Helsing incarne l’authentique gentleman britannique, certes guidé par la frustration d’une société en proie à la pudibonderie, mais agissant au service de la morale et de la religion. La chasse qu’il mène tout au long du film est avant tout une croisade spirituelle ainsi qu’une revanche envers celui qui ne respecte pas les codes. Aucune autre interprétation du professeur Van Helsing n’a été aussi aboutie que celle de Peter Cushing dans l’histoire du cinéma. Ce dernier a d’ailleurs eu beaucoup de mal à se défaire de cette image – mais cela ne l’empêchera pas, à l’instar de son collègue Christopher Lee, de jouer dans Star Wars.

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En définitive, Le Cauchemar de dracula, par son style si particulier et dans la plus grande tradition des films d’épouvante de la Hammer, est assurément l’une des illustrations les plus singulières du mythe des vampires. La réalisation est particulièrement soignée et d’une efficacité horrifique exemplaire, offrant ainsi au public une œuvre sans temps mort qui marqua durablement le cinéma fantastique des décennies à venir.

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