C’était un arrêt attendu avec attention par l’ensemble des acteurs du secteur des livraisons de repas à domicile. Ce mercredi 28 novembre, la chambre sociale de la Cour de cassation devait statuer sur la demande de requalification en contrat de travail d’un ancien coursier de la société Take Eat Easy, mis en liquidation judiciaire le 30 aout 2016. Alors que ce secteur a émergé ces 5 dernières années en surfant sur la souplesse du statut d’auto-entrepreneur pour recourir à des coursiers indépendants sans avoir à payer de charges sociales ni les avantages sociaux auxquels peuvent prétendre les salariés.
[Arrêt et note explicative] #Livreur à vélo exerçant sous le statut de travailleur #Indépendant, plate-forme numérique, #Contrat de #Travail : https://t.co/wdnuVVu9oN
— Cour de cassation (@Courdecassation) November 28, 2018
Le lien de subordination entre le coursier et la plate-forme gérant l’application est caractéristique d’une relation de travail
Alors que la Cour d’appel de Paris s’est basée sur l’indépendance de fait du coursier afin de déterminer ses horaires, son amplitude de travail pour caractériser l’absence de relation de travail, la chambre sociale de la plus haute juridiction judiciaire vient redonner les cartes. Rappelant au motif de sa décision que » l’existence d’une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu’elles ont donnée à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité des travailleurs » , la Cour de cassation s’est intéressée notamment au système de bonus et de pénalités auquel était soumis le coursier partenaire. En cas de retard dans une course, d’absence de réponse au téléphone par exemple, le coursier pouvait perdre des bonus ou avoir une retenue pécuniaire sur sa rémunération.
Une telle décision pouvait ressortir d’une pénalité contractuelle, mais le lien de subordination pouvait aussi ressortir de ce contrôle dans l’exécution des commandes du coursier par la plate-forme. C’est ce qu’à retenu la Cour de cassation qui constate « l’existence d’un pouvoir de direction et de contrôle de l’exécution de la prestation caractérisant un lien de subordination » .
Première en France,
la Cour de cassation considère un livreur à vélo comme un salariéhttps://t.co/iaVppV7LPh pic.twitter.com/4NTYtdYJ6R— CLAP (@_CLAP75) November 28, 2018
Vers une requalification massive des coursiers en salariés ?
Ce lien de subordination revient à considérer que les coursiers qui exercent dans un cadre proche de celui qui était proposé par Take Eat Easy, avec des bonus ou sanction suivant l’exécution des commandes, mais aussi la géolocalisation continue du coursier par la plate-forme, peuvent demander la requalification en contrat de travail. Comment les sociétés concernées vont-elles pouvoir faire face à cette décision? Le business-model de ce secteur restera t-il viable avec des salariés en lieu et place des indépendants? Inutile de préciser que de nombreux livreurs ne resteront pas insensibles à l’arrêt de ce 28 novembre.
Cour de cassation, Chambre sociale, 28 novembre 2018, 17-20.079