Avec Mon Garçon Christian Carion met en scène Guillaume Canet dans un thriller où l’acteur découvrait le scénario au fur et à mesure. Pour quel résultat ?
Avouons-le on n’attendait pas forcément Christian Carion, le réalisateur de Joyeux Noël et de En Mai fais ce qu’il te plait avec Mon Garçon, dans le registre du thriller à haute intensité. C’était oublier que le metteur en scène était capable d’aborder tous les genres et qu’il avait frayé avec l’espionnage dans L’Affaire Farewell, déjà avec Guillaume Canet, qu’il retrouve ici pour la troisième fois. Avec une particularité qui fait toute la singularité de ce projet. Guillaume Canet a accepté le film en en connaissant uniquement les grandes lignes, en se laissant guider au fur et à mesure et en devant improviser face aux évènements dans lesquels l’intrigue le plonge.
Canet doit ainsi faire montre d’une capacité d’adaptation et d’immersion totales ce qui dans un film de genre aurait très bien pu être totalement casse gueule, le comédien ne pouvant s’appuyer sur aucune facilité et devant être complètement habité par ce qui arrive à son personnage. Dispositif fragile évidemment et qui ne peut fonctionner qu’entre un metteur en scène et un comédien complices. Est-ce que Mon Garçon parvient à relever son challenge sur la durée?
Mais c’est quoi déjà… Mon Garçon ? Passionné par son métier, Julien voyage énormément à l’étranger. Ce manque de présence a fait exploser son couple quelques années auparavant. Lors d’une escale en France, il découvre sur son répondeur un message de son ex femme en larmes : leur petit garçon de sept ans a disparu lors d’un bivouac en montagne avec sa classe. Julien se précipite à sa recherche et rien ne pourra l’arrêter.
Avec ce point de départ plutôt inhabituel et les risques pris, c’était un pari à double tranchant. Soit Christian Carion et Guillaume Canet réussissaient dans leur entreprise en nous immergeant dans leur récit, soit on restait hermétique à un procédé artificiel dont on sentait tout de suite les limites. Et bien aussi incroyable que cela paraisse, cela fonctionne bien, extrêmement bien même. Mon Garçon est un film qui vous prend aux tripes dès ses premières minutes et qui ne vous lâche plus.
Un thriller qui est d’abord une histoire de famille, qui tient d’emblée en haleine, grâce à sa tension intrinsèque et parfaitement mené à bon port par une caméra à l’épaule qui renforce le pouvoir d’identification et la plongée dans un récit qui devient captivant à chaque étape de son avancée. L’histoire de l’enfant qui disparait a beau être devenue extrêmement récurrente (Prisonners, The Secret au cinéma, Broadchurch, Disparue, The Missing à la télévision…), Mon Garçon parvient avec son dispositif et son intensité à transcender son postulat de départ.
Le film n’est pourtant pas parfait et touche parfois aux limites de l’exercice de style. Mais alors que sa conclusion est à deux doigts de le faire basculer du mauvais côté de l’ornière, Christian Carion a l’intelligence de ne pas étirer son film inutilement et sa durée concise lui confère le sentiment d’urgence sans doute recherché par le réalisateur. Si Mélanie Laurent et Olivier de Besnoit son plutôt bons, on les sent par instants un peu en difficultés dans l’interaction avec le comédien principal.
Mis en scène avec efficacité, appuyé par une belle photographie et des paysages enneigés très cinégéniques, Mon Garçon trouve sa raison d’être dans la confiance mutuelle palpable que se sont accordés le réalisateur et Guillaume Canet pour se lancer dans une telle entreprise. Le comédien y tient l’une de ses prestations les plus abouties, restituant tantôt la rage, tantôt le désespoir, tantôt l’impuissance avec des nuances et une force qui suscitent l’admiration. Il est le centre névralgique de ce thriller qui est par moments réellement étourdissant.
Mon Garçon est un thriller tendu de bout en bout et totalement immersif porté par une caméra alerte et un Guillaume Canet impeccable de tension et douleur mêlées.
Mon Garçon de Christian Carion – En salles le 20 septembre 2017